Finale de la FA Cup: Troy Deeney, le survivant de Watford
Passé par la League Two, la League One, la Championship et la case prison, l'attaquant de Watford en a bavé avant de devenir l'un des habitués de la Premier League.
- Publié le 18-05-2019 à 13h21
Passé par la League Two, la League One, la Championship et la case prison, l'attaquant de Watford en a bavé avant de devenir l'un des habitués de la Premier League.
Chelmsley Wood, banlieue de Birmingham. Un quartier où le taux de chômage est le plus haut de tous les Midlands. Un endroit où la violence est très présente. La drogue, aussi. C'est dans cette ambiance à la Peaky Blinders qu'a grandi Troy Deeney. Trente ans plus tard, l'Anglais s'apprête à affronter Manchester City en finale de la FA Cup, une première pour Watford depuis trente-cinq ans. C'est dire si l'attaquant est un miraculé du football.
Retour dans l'est de Birmingham. Parmi les dealers qui hantent les rues de Chelmsley Wood, on retrouve un certain Paul Anthony Burke. Celui-ci a un fils, appelé Troy, mais qui porte le nom de sa compagne Emma. "Mon père était connu dans le quartier et vivait une vie en marge, qui pouvait parfois se retrouver à la maison", se rappelle la plus fine lame des Hornets dans le Guardian. "Quand j'avais dix ans, il nous a tapés dessus vraiment fort ma mère et moi. Je me souviens d'assistants sociaux venant me chercher à l'école. Cela n'était pas traumatisant en soi, mais cela m'a rendu plus dur, car je devais être l'homme de la maison. Je suis devenu plus hostile, plus agressif." D'où cette réputation de bad boy tatoué que se traîne Deeney depuis ses débuts pros en 2007.
Alcool, gnôle, goutte,...
À l'époque, le bonhomme se dirige vers une honnête carrière dans les divisions inférieures du foot britton, celles qui fleurent bon la bière tiède et les bagarres de bars. Et les grands clubs de la ville alors ? Aston Villa ne le loupe pas. C'est plutôt lui qui rate le coche, en ne se pointant jamais lors des trois premiers jours d'entraînement. "J'étais en colère étant jeune, je picolais beaucoup", se justifie-t-il des années plus tard, ajoutant que son goût pour les jeunes filles en fleurs n'a pas non plus aidé à une éclosion rapide.
Ce ne sera donc pas Aston Villa, mais un retour à Chemlsley Wood, après avoir un peu bossé comme maçon dans les environs. Là encore, l'alcool lui joue des tours. "Dans les pires moments, je buvais tous les jours. Je me faisais quinze Jack Daniels, des trucs absolument dégueulasses." Le but ? Échapper à la réalité. Pas de scoop.
Ce passage par la case biture a au moins le mérite d'offrir des anecdotes un peu barrées. Exemple ? Lorsque Walsall vient observer un de ses matches, il marque sept des onze buts de son équipe en étant torché. "Après ça, le scout de Walsall est venu me demander si je voulais passer un test chez eux", se souvient Troy dans le London Evening Standard. "J'avais dix-sept ans et je savais même pas où Walsall se situait, mais le lundi matin suivant, le manager de Chelmsley a tambouriné à ma porte, m'a filé vingt livres pour que je puisse prendre le taxi jusque là. Ce jour a transformé ma vie. Deux ans plus tard, alors que mes potes étaient emprisonnés pour cambriolage, moi, je devenais pro et gagnais plus d'argent que ce que je n'aurais jamais pu imaginer." Du Deeney pur jus...
Montée en puissance, descente aux enfers
C'est finalement à un peu moins de vingt bornes au nord de Birmingham que Deeney a trouvé Walsall et la League Two. Il ne joue qu'un poignée de minutes et le club se hisse un échelon plus haut. C'est le vrai début de sa carrière. Il ne lui faut que trois petites saisons pour taper dans l’œil d'écuries plus huppées. "Je suis pro depuis deux ans, donc être lié à une équipe de Premier League sachant d'où je viens, c'est juste marrant", rigole le principal intéressé à la fin de la saison 2008-2009, à l'issue de laquelle il termine meilleur buteur et joueur de son club (douze buts).
C'est finalement Watford, alors en Championship, qui décroche la timbale un an plus tard, pour moins d'un million de livres. Deeney a alors vingt-deux ans et n'hésite pas à aller au forcing avec la direction des Saddlers pour gratter son transfert. Fatalement, ce retard de préparation l'empêche de vraiment performer lors de sa première année à Londres.
Il reprend vite son rythme de croisière. Le problème, c'est que c'est pareil côté bars. "Mon salaire a plus que quadruplé alors que je n'avais que vingt-deux ans", raconte l'attaquant au Watford Observer. "Je rameutais tout le monde tous les week-ends et je me disais qu'il fallait en profiter autant que possible, car je pensais qu'ils allaient remarquer que j'étais nul au foot et se débarrasser de moi."
Sauf qu'un soir de février 2012, la fête tourne au vinaigre. Troy pète un câble et le crâne d'un homme lors d'une bagarre de poivrots. Verdict du juge ? Dix mois de prison. Il n'en fera finalement que trois, après avoir exprimé ses remords. "Mon père venait d'apprendre qu'il souffrait d'un cancer de l'oesophage et cela m'a vraiment remué", se remémore Deeney. "Mon père est mort en mai, on l'a enterré en juin et trois jours plus tard, je rentrais en taule." Sale période...
Par chance, la réputation de son paternel lui permet d'être relativement épargné par la prison. "J'avais des amis, du coup, j'étais protégé", admet-il. Mais il reste toujours cette dépendance à l'alcool qu'il doit soigner. Cela passe par la parole, les séances de psy et l'envie d'être autre chose que le "gros dur" de service.
Renaissance londonienne
Comme par magie, il claque vingt buts et délivre dix assists en ayant manqué un mois de foot à cause de sa peine de prison. Sa saison la plus aboutie jusque-là, avec en point d'orgue cette fin de match complètement folle contre Leicester en demi-finale des playoffs pour la montée en D1, au cours de laquelle il marque à la 97e minute juste après le penalty raté par Anthony Knockaert.
La promotion ne sera pourtant pas pour cette saison, mais l'attente ne sera pas trop longue. Après deux nouveaux championnats où il claque plus de vingt buts, Deeney et Watford finissent pas accéder à la Premier League, en 2015. Avec le brassard de capitaine autour du biceps, qui plus est ! La preuve que l'ex-soûlard est vraiment devenu quelqu'un !
"Il y a de bons joueurs à son poste, mais pour moi, c'est vraiment lui le meilleur", affirme même Javi Gracia, son coach, éludant ainsi Harry Kane ou encore Jamie Vardy. Jamais retenu en sélection, Deeney a tout de même réussi quelque chose d'encore plus grand : se libérer de ses démons et de son passé. Pour ses enfants, Myles et Amelia, pour sa mère. Pour lui. Cela vaut sans doute plus que n'importe quel trophée.