Discipline, pressing et Kabasele: comment Watford a réussi son début de saison
Watford réalise un sans-faute en Premier League et entend conserver son invincibilité face à Manchester United. Mais d'où les Hornets tirent-ils cette forme olympique ?
- Publié le 15-09-2018 à 16h42
Watford réalise un sans-faute en Premier League et entend conserver son invincibilité face à Manchester United. Mais d'où les Hornets tirent-ils cette forme olympique ?
Liverpool et Chelsea sont toujours invaincus en championnat. Et donc ? Le constat n'est guère étonnant lorsqu'on connaît les ambitions des Reds et des Blues. Ce qui l'est plus est de voir que seul Watford est parvenu à suivre le rythme des deux membres du Big Six après quatre journées. Avec leur effectif sans star et leur habitude à se retrouver dans le ventre mou anglais en fin de saison, les Hornets s'apparentent plutôt à d'inoffensifs insectes, et non à de redoutables frelons.
Mais l'équipe de Christian Kabasele a frappé un gros coup en venant à bout de Tottenham lors de la quatrième journée, confirmant que cette forme actuelle ne doit rien à un coup de chance. Un surrégime, peut-être, du hasard, sans doute pas. Alors que les Londoniens s'apprêtent à affronter leur deuxième gros morceau de la saison (Manchester United), le spectre d'un destin à la Burnley, septième la saison dernière malgré un budget minimaliste, plane sur Vicarage Road.
Un coach au style direct
S'il y a bien un domaine dans lequel le club n'a guère brillé ces dernières années, c'est au niveau de la stabilité sur le banc. Après avoir consommé neuf coaches en six ans et viré Marco Silva, le board de Watford a continué de miser sur la filière latine en engageant un autre ibérique dès janvier : Javi Gracia.
L'Espagnol (ex-Malaga, Rubin Kazan, entre autres) est d'ailleurs le premier coach à passer l'été à Londres depuis quatre ans. Un petit exploit ne venant jamais seul, celui-ci a également eu l'honneur d'être sacré coach du mois d'août. Une récompense logique, mais rare dans le chef d'un club qui reste un second couteau dans le paysage du foot londonien (et anglais).
Après avoir tâtonné en seconde partie de saison dernière, ce coach, que l'on dit méticuleux à l'extrême, a posé son dispositif de façon claire : cela sera un 4-4-2, avec des ailiers postés haut sur le pré et qui n'hésitent pas à rentrer pour apporter des solutions axiales. Conscient que son noyau ne lui permet pas de développer un football ultra-léché, le Navarrais n'hésite pas à laisser à l'adversaire le soin de construire le jeu (45,5% de possession en moyenne et même Burnley a eu l'avantage dans ce domaine, c'est dire...). Le tout avant de le surprendre grâce à notamment à la vitesse de Gray et la grande forme de Roberto Pereyra et Troy Deeney. On ne s'étonnera donc pas de voir le médian Abdoulaye Doucouré ne pas figurer dans les cinquante premiers distributeurs de passes du championnat anglais alors que c'est bien le Malien qui en a délivré le plus dans l'équipe.
C'est ce style direct, assez anglais, finalement, qui a plu aux patrons de Watford. "On a beaucoup bossé les aspects défensifs et le pressing depuis l'attaque et cela se voit", indique Craig Cathcart dans le Telegraph. "Avec deux attaquants, cela nous donne l'occasion de presser un peu plus haut." Et de se rapprocher toujours un peu plus du but, que Watford a déjà trouvé à neuf reprises jusque là.
Une discipline stricte
Gracia n'a pas amené que de la tactique dans ses bagages. Il a aussi instauré de nouveaux codes auxquels les joueurs doivent se plier. Première nouveauté, le technicien de 48 ans a imposé des cours de yoga (si chers à Ryan Giggs, qui a terminé sa carrière à quarante berges).
Deuxième innovation : un régime diététique plus sain. "On mange de façon très différente par rapport à la saison dernière : plus de quinoa, d'avocats", explique ainsi Christian Kabasele au Daily Mail. "On mange des pâtes et du riz seulement un jour avant le match et le jour J. Et plus de sauce tomate ou de haricots." Une diète qui a des effets directs, selon le défenseur. "On se sent mieux sur le terrain. On est frais, surtout en deuxième période et on souffre moins de blessures musculaires."
Troisième changement, Gracia a mis en place une discipline stricte au niveau des retards."On doit s'enregistrer sur un iPad quand on débarque à l'entraînement, comme ça, l'entraîneur sait exactement quand on arrive", poursuit Kabasele. "Maintenant, si on a dix minutes de retard, on a une amende de 100 livres par minute et on doit aller dans le bureau du manager pour s'expliquer. Cela nous rend plus responsables." Et manifestement efficaces.
Une défense de fer
C'est peut-être le Diable rouge le plus en forme actuellement avec Eden Hazard. Kabasele réalise une entame de saison d'enfer. Sa récente non-sélection est d'autant plus surprenante, même si Roberto Martinez avait déclaré vouloir "appeler les six défenseurs centraux du Mondial". Soit. Mais l'arrière de Watford risque de devenir indispensable, même si c'est surtout de gauchers dont le sélectionneur manque actuellement.
Aux côtés de Craig Cathcart, le Belge se montre intraitable : interceptions (douze, meilleur total du championnat), dégagements (25 en tout), Kaba est là pour colmater les brèches et permettre à Ben Foster de respirer. L'Anglais n'a pour l'instant encaissé que trois pions. Plutôt pas mal quand on sait que depuis l'arrivée de Christian en 2016, Watford a terminé la saison avec 1,7 but encaissé par match.
Contre Tottenham, le Bruxellois est parvenu à museler Harry Kane et Lucas Moura, pourtant très en forme eux aussi. Tottenham avait eu le contrôle du jeu, mais n'était pas parvenu à se créer autant d'occasions que d'habitude, notamment grâce aux 15 dégagements de Kabasele, véritable roc ce jour-là.
L'autre défenseur en forme, c'est José Holebas, qui reste sur deux passes décisives délivrées contre les Spurs. Paradoxalement, le Grec de 34 ans brille plus devant, lui qui a déjà crée neuf occasions cette saison. Très précieux le latéral gauche s'entend très bien avec Roberto Pereyra, qui joue un cran plus haut, et apporte beaucoup devant.
Le quatre arrière des Hornets parvient également à tenir le score grâce au gros apport de la paire Étienne Capoue - Abdoulaye Doucouré. Véritables pare-chocs, les deux joueurs apportent stabilité à toute l'équipe et abattent un énorme boulot défensif. C'est surtout vrai pour le Français, qui se défonce sans relâche (3,8 tacles réussis par match) et imprime une touche virile au jeu des Hornets (il a déjà vu jaune à trois reprises). C'est peut-être lui qui incarne le mieux le style Watford : ce n'est pas super flamboyant, mais efficace.
Chaud devant
Mais il n'y a pas que derrière que Watford est en feu. Devant, les attaquants sont en pleine confiance, en témoignent les prestations du trio Pereyra - Deeney - Gray. Le premier est l'une des révélations de ce début de saison. Après avoir passé deux ans sans beaucoup jouer à la Juventus, l'Argentin a décidé de faire un pas en arrière en signant à Watford. Et lui qui n'avait marqué que sept buts en deux saisons vient déjà d'en claquer trois en quatre journées à peine.
Rapide, habile dribbleur, mais peu utilisé par Silva l'an passé, le joueur de 27 ans revit sous Gracia, qui lui fait confiance depuis son arrivée à la tête de l'équipe. C'est tout profit pour Watford et le duo d'attaque, qui bénéficie de ses infiltrations côté gauche et dans l'axe.
Plus haut, Gray fait parler sa vitesse, mais doit plus prendre sa chance (un seul but pour le moment). C'est surtout le vieux briscard Troy Deeney, qui en est à sa neuvième saison à Vicarage Road, qui impressionne. L'Anglais a déjà marqué à deux reprises et délivré un assist. À 30 ans, Troy le vieux guerrier a même été pressenti pour connaître sa première sélection en équipe nationale. Même si Gareth Southgate a finalement préféré rajeunir les cadres, cela prouve la solidité du niveau affiché par l'attaquant depuis un mois.
Buteur face à Tottenham, il est lui aussi l'un des tauliers de cette équipe, dont il porte fièrement le brassard du haut de ses 338 matches sous le maillot jaune et noir. Indispensable, comme le constate Gracia lui-même. "Lui et Gray évoluent à un très haut niveau. Pas seulement offensivement, mais aussi au niveau du travail défensif. C'est ce qui permet à équipe comme la nôtre d'évoluer avec deux avants", explique le coach à Sky Sports.
Le coïncidence qui tue
À l'image de ce que Sean Dyche réussit Burnley, Gracia parvient à tirer la quintessence des forces qu'il possède entre ses mains. Certains ont même osé le comparatif avec Leicester ! Comme le champion 2016, Watford dispose d'un noyau de costauds, flanqué d'un "beau" joueur (Mahrez chez les Foxes, Pereyra pour les Hornets), qui fait office de "caution morale".
Mais c'est surtout cette improbable coïncidence qui fait rêver les supporters londoniens. La saison précédant son titre totalement inattendu, Leicester avait terminé son championnat à la 14e place, avec 41 points et un ratio de onze vicoires, huit nuls et 19 défaites. Soit exactement le bulletin rendu par Watford en mai dernier.
Il en faut parfois peu pour se mettre à rêver...