Classique PSG - OM: Rudi Garcia, l'Olympien
Arrivé en 2016 à l'OM, le coach français a tout connu au Vélodrome, comme dans sa carrière, entre coups d'éclat et déception.
- Publié le 17-03-2019 à 18h00
Arrivé en 2016 à l'OM, le coach français a tout connu au Vélodrome, comme dans sa carrière, entre coups d'éclat et déception.
20 octobre 2016. un Olympique de Marseille tout juste racheté par un milliardaire américain annonce l'arrivée de Rudi Garcia sur son banc. Au chômage depuis janvier de la même année, le coach de 52 ans dispose là d'une belle façon de relancer une carrière prometteuse qui a connu un coup d'arrêt avec cette mise à l'écart de la Roma.
Un club où il a suscité les plus grands espoirs avant d'inexorablement décevoir. Un peu l'histoire de cet entraîneur promis au meilleur, mais qui malgré un charisme indéniable et une science du jeu intéressante n'a pas l'étoffe des plus grands. Retour sur le parcours d'un gaillard qui a pourtant écrit une des belles pages du foot français.
Une ascension pas-à-pas
Après une carrière relativement modeste écourtée en raison de blessures, le natif de Nemours (Île-de-France) gravit petit à petit les étages pour devenir l'un des meilleurs français de sa corpo.
Les études d'abord, puis une première expérience en Division d'Honneur à Corbeil-Essonne en 1995, qu'il amène aux portes de la CFA2, un passage à Saint-Étienne, où il remplit les tâches de préparateur physique, puis d'adjoint et enfin de T1 (en binôme avec Jean-Guy Wallemme). Une première expérience qui tourne court, mais ne l'empêche pas de filer à Dijon au printemps 2002.
La formation à Dijon
En Bourgogne, Garcia peut enfin développer sa méthode en étant seul aux commandes d'un club alors en National (D3). Aujourd'hui en Ligue 1, le club doit beaucoup à Rudi, qui participe à sa professionnalisation. Une politique de fond, doublée par l'émancipation d'un jeune coach doué, les ingrédients sont là pour mener le club en L2 et jusqu'en demi-finale de la Coupe de France en 2004.
"Il est la représentation de toutes les qualités", dit de lui Helder Esteves, ancien attaquant dijonnais, à RMC. "Il maîtrise tous les paramètres, avec du jeu et de la rigueur là où il faut." Mais l'une des grandes forces, selon l'ex-poulain de Garcia, c'est cette capacité à gérer un groupe. "Sa volonté, c’était de mettre en place un groupe cohérent humainement, avec des bons gars. Il a vite compris qu’il fallait que les mecs s’entendent bien. Il met une ambiance familiale, saine pour le travail, avec de l’harmonie, de la simplicité, de la rigueur dans le travail."
Une gestion humaine intelligente, une envie de développer un beau foot, sans bétonner derrière, mais sans non plus jouer aux kamikazes. Le décor est planté pour les prochaines années.
Et sans "gueuler", sans faire de bruit, il se rapproche de son but : l'élite. Il la rejoint via Le Mans, où il rencontre un certain Gervinho, qui deviendra l'une des pièces-maîtresses du grand Lille. Il finit l'année à la neuvième place et confirme les espoirs placés en lui. "Il était très positif dans son approche", explique Daniel Jeandupeux, son directeur sportif au Mans, dans Le Phocéen. "Toujours désireux de développer un jeu offensif, quel que soit l'adversaire, même s'il est capable de bétonner pour parer au plus pressé."
"On avait décelé chez lui des possibilités importantes, à la fois dans la transmission de ses valeurs aux joueurs et dans son projet général et personnel", dira même quelques années plus tard Aimé Jacquet dans les colonnes de France Football. "Il avait un comportement d'entraîneur, une manière totale de manager, c'est-à-dire qu'il avait une exigence assez grande vis-à-vis de lui-même Il transcende ses joueurs."
L'épopée lilloise
Le Losc, justement, ne s'y trompe pas et s'offre le jeune coach (44 ans à l'époque). À tel point qu'en 2011, deux ans après avoir atteint de belles cinquième et quatrième place, Garcia le charismatique emmène les Nordistes sur le toit de la France. Un doublé Coupe-championnat qu'il gratte en exploitant le maximum d'un effectif bien équilibré, entre talent (Gervinho et surtout un petit prodige du nom d'Eden Hazard sur les ailes), caractère (Rio Mavuba, Florent Balmont, Yohan Cabaye pour le trio médian) et réussite (les vingt-cinq buts de Moussa Sow). Un 4-3-3 offensif, où l'envie de contrôler le ballon est présente à chaque instant.
Meilleur joueur (Eden), meilleur buteur (Sow), meilleure attaque (soixante-huit buts) un jeu attrayant le tableau est complet pour Lille, que certains voient déjà comme le nouvel OL, roi de droit divin durant les années 2000 sur l'Hexagone. Il n'en sera rien. Même si le Diable rouge reste une année de plus dans le Nord, Garcia perd Gervinho (Arsenal), Sow (Fenerbahce), Adil Rami (Valence), ou encore Yohan Cabaye (Newcastle). Solide saignée !
L'épopée lilloise n'a pas de lendemain (malgré l'arrivée de Dimitri Payet) et Garcia clôt l'aventure avec une décevante sixième place en 2013. Une fin en mode mineur qui ne l'empêche pas de séduire la Roma, qui tente désepérément de renverser l'invincible Juventus.
De bons débuts et puis...
Les débuts sont idylliques. Il retrouve Gervinho, dirige Francesco Totti, Miralem Pjanic, Kevin Strootman, Daniele De Rossi. Mieux, il remporte ses dix premiers matches de championnat (record en Serie A), toujours avec ce 4-3-3 qui lui colle à la peau. Les supporters romains se mettent à rêver. Mais ils se réveillent rapidement, car la Louve n'arrive pas à tenir et ne termine qu'à dix-sept points de la Juve. Consolation tout de même, la Roma termine deuxième pour la première fois depuis quatre ans, tout en développant un foot intéressant. Bref, les débuts romains de Garcia sont réussis.
Sa deuxième saison aussi, avec en prime l'arrivée d'un certain Radja Nainggolan pour muscler son entrejeu. Mais là encore, la Juve est trop forte. "Comme à Lille, j'ai vu un entraîneur très axé sur le jeu offensif, avec des latéraux très haut et des ailiers qui plongent dans l'axe, comme le faisaient Hazard et Gervinho à Lille", raconte Eric Roy, qui passe quelques jours aux côtés de Rudi dans le cadre de sa formation de coach. "Un jeu très exigeant, mais très efficace et agréable à regarder. Mais il faut avoir les joueurs pour ça."
La troisième année à Rome est un flop, avec une éviction au début de l'année 2016. Bref, après avoir suscité les plus grands espoirs et réussi à enflammer le Calcio, Garcia ne parvient plus à tirer le meilleur d'un noyau supérieur à tous ceux qu'il avait pu entraîneur jusque-là, mais toujours trop léger pour contrer une Juve outrageusement dominatrice.
Rapatriement d'urgence
Faute de s'être installé durablement dans le Calcio, Garcia revient en France, pays qui l'a vu naître et grandir comme coach. C'est l'OM qui décroche sa signature et le laisse instaurer un tout nouveau système, un 4-2-3-1 presque inédit pour lui. Pour le meilleur et pour le pire.
Le meilleur, c'est cette saison dingue en 2017-2018, où Marseille décroche la quatrième place et surtout cette finale d'Europa League avec cette demi-finale de feu contre Salzbourg. Mais l'OM craque face à un Atlético de Madrid trop fort, trop costaud... sur le terrain de Lyon. L'occasion de remporter un nouveau titre européen alors que le PSG a encore déçu en Ligue des Champions, qui plus est dans le stade d'un rival, l'idée était plutôt savoureuse. Mais il n'en restera qu'un goût amer.
Le pire, c'est la saison suivante, qui s'apparente à un vrai calvaire jusque janvier. Jeu inexistant, duo d'attaquants (Kostas Mitroglou-Valère Germain) moqué sur les réseaux sociaux, élimination honteuse en Europa League, rien ne va. Au point qu'on se demande vraiment si la direction a bien fait de prolonger Garcia aussi tôt dans la saison (octobre !). L'élimination en Coupe de France des œuvres du modeste Andrézieux (National 2, D4) ne fait qu'aggraver la crise qui couve. Et que Garcia, entre ses critiques envers l'arbitrage et ses gesticulations, ne parvient plus à endiguer.
Mais le coach trouve son salut dans l'arrivée de Mario Balotelli, entérinée à la toute fin du mercato hivernal. Avec cet attaquant fort en gueule, comme lui, il met en place un 4-4-2, système préférentiel d'un Germain en perdition lors des derniers mois. La défense, composée en son centre de Duje Caleta-Car (vingt-deux ans) et Boubacar Kamara (dix-neuf ans) redevient digne du standing olympien.
Sans sourciller, Garcia a aussi les cojones de mettre sur le banc Kevin Strootman, méconnaissable depuis son arrivée sur le Vieux port, Luiz Gustavo, l'un des héros de la saison précédente et même Dimitri Payet. "Il fallait prendre des décisions fortes et Rudi les a prises", affirme l'ancien joueur Bernard Pardo dans Le Phocéen. "Il a reconstitué un groupe avec qui il peut de nouveau travailler, car si ça continuait comme ça, c'était intenable. Il se passe de grands noms, donne les clés du jeu à Maxime Lopez et ce dernier s'en est emparé avec beaucoup de talent."
Évidemment, il n'en faut pas plus pour que tout Marseille se remette à rêver, après avoir touché le fond en janvier (septième place). Attentes, désespoir, déception, nouvel espoir, à Marseille, tout est un peu exacerbé. La carrière de Rudi Garcia elle aussi a connu des hauts et des bas, entre une folle aventure lilloise, des débuts prometteurs à Rome, un transfert potentiel au Real Madrid et quelques échecs. Et si l'OM, c'était typiquement le club qui collait au style Garcia ?