Arsène Wenger, le professeur et ses échecs
En extirpant les Gunners de leur sobriquet de Boring Arsenal et en devenant maître de Premier League durant quelques saisons, Arsène Wenger a marqué l’histoire. Portrait d’un professeur à part.
- Publié le 01-11-2014 à 08h41
- Mis à jour le 01-11-2014 à 08h42
En extirpant les Gunners de leur sobriquet de Boring Arsenal et en devenant maître de Premier League durant quelques saisons, Arsène Wenger a marqué l’histoire. Portrait d’un professeur à part.
Arsène who ? Tel fut l’accueil réservé par l’ Evening Standard à Arsène Wenger lors de sa signature à Arsenal en 1996. Inconnu au bataillon outre-Manche, l’entraîneur français fait du bruit à son arrivée. “En fait, je pense qu’Arsenal était un peu fou de me mettre sur le banc”, expliquait l’Alsacien. “ Je n’étais personne, je n’avais pas un grand nom ni un grand palmarès. Je me souviens d’articles de journaux dans lesquels les journalistes expliquaient aux lecteurs pourquoi un étranger ne gagnerait jamais un titre en Angleterre.”
À cette époque, la Premier League venait tout juste d’être créée et le football anglais guérissait doucement de sa plus grave maladie : l’hooliganisme. Arsenal était alors flanqué du surnom de Boring Arsenal (NdlR : ennuyant Arsenal) pour son jeu peu attrayant et son conservatisme déplacé. Le temps du changement était venu mais lors de la prise de fonction de Wenger en octobre 1996, tous n’avaient pas saisi l’impact qu’il aurait sur le club du nord de Londres.
Les joueurs, à l’image de Tony Adams, capitaine des Gunners, eux-mêmes ne comprenaient pas trop. “J’avoue avoir pensé : qu’est-ce que ce Français connaît au football ?Avec ses lunettes, il me faisait penser à un instituteur. Je me demandais même s’il parlait un seul mot d’anglais.”
Directement, Arsène Wenger tranche dans le lard (au sens propre). Sa première véritable décision fut d’interdire le chocolat. Fils de restaurateur, il sait à quel point une alimentation saine est importante pour un joueur de haut niveau. Accro à la malbouffe, les Gunners n’ont pas trop apprécié. Pour les débuts du nouveau manager à Blackburn, les joueurs ont chanté en chœur dans le bus: “Nous voulons récupérer nos Mars.”
Il ne prit pas les réclamations en compte et continua à appliquer ses méthodes. Après quelques semaines, les demandes se sont tues et tous avaient compris qu’Arsène Wenger n’était pas un débutant en matière de football. Sa première réussite fut de rendre ses joueurs meilleurs. Tout simplement.
Il a lancé Henry, Thuram et Petit
“J’évoluais au top depuis huit ans lorsque j’ai commencé à travailler avec Arsène Wenger”, raconte Enzo Scifo qui jouait sous les ordres du Français à Monaco. “ Et malgré mon expérience, il a réussi à me rendre meilleur. On remarquait tout de suite qu’il avait quelque chose de spécial.”
Nobody pour les Anglais, le Français possédait déjà une belle carte de visite dans son pays. À Monaco, il a concurrencé les grandes puissances qu’étaient le Marseille de Tapie et le PSG de Canal +. Durant huit saisons, il a bossé avec des vedettes comme Jürgen Klinsmann, Glenn Hoddle et Enzo Scifo. Il a également lancé des jeunes comme Lilian Thuram, Emmanuel Petit et Thierry Henry. Champion de France, il a joué une finale européenne et a atteint les demi-finales de la Ligue des Champions. “Il donnait confiance à ses hommes”, poursuit Enzo Scifo. “ Il n’hésitait pas à nous encenser dans les médias. On se sentait importants.”
Ses méthodes établies outre-Quiévrain, il les a amenées en Angleterre. Il a fait de Dennis Berkamp et de Patrick Viera des leaders et a entamé une série de transferts réussis comme Petit, Overmars, Anelka, Ljunberg, Henry ou encore Pires. Des talents qui ont grandi au fur et à mesure des années.
Trois titres pour Les Invincibles
La sauce prend et les prix arrivent rapidement avec trois titres en 1997-1998, en 2001-2002 et en 2003-2004. En 2005, il parvient à rentrer une feuille de match 100 % étrangère. Habituellement, Ashley Cole était le seul Anglais faisant office de cadre. Durant ces belles années, les Nord-Londoniens sont surnommés Les Invincibles. “Et pourtant, Chelsea avait déjà une grosse équipe avec Drogba et Carvalho par exemple”, explique Arsène Wenger. “ Manchester City n’a évolué que plus tard.”
La victoire en FA Cup en 2005 (la 4e de Wenger) marque le début de 9 ans sans le moindre trophée. Vanté pour son football de qualité, Arsenal commence à se faire rattraper par la concurrence. Les méthodes de Wenger sont de plus en plus copiées par des managers recevant plus de moyens financiers de la part de leur direction. Manchester City et Chelsea en sont les exemples types.
Le manager français entrevoit un espoir lors de la construction de l’ Emirates Stadium qui promet davantage de rentrées financières. Le déménagement ne suffit toutefois pas et les nouvelles puissances le prennent de vitesse et ce, malgré une victoire en FA Cup l’an passé. “La concurrence actuelle me fait penser à celle que j’ai vécue en France”, a écrit Arsène Wenger à propos des dernières années. “ Tu as l’impression de te battre avec des cailloux contre de grosses machines.”
Qualifié de “bâtisseur” par Enzo Scifo, il aimerait que son travail de fond porte ses fruits et se transforme en trophées. Les arrivées d’Özil et de Sanchez lui apportent de l’espoir quant à de meilleurs résultats et si Arsenal passe l’écueil des poules de la C1, le Français obtiendrait dès lors sa 17e participation de suite au second tour de la Ligue des Champions.
Champion de l’échec
Un record qui fait office de maigre lot de consolation. Arsenal n’est pas au top en championnat et avec ses dernières saisons et ses quatre éliminations de rang au stade des 8es de finale, Arsène Wenger peut être qualifié de “champion de l’échec” (dixit Jose Mourinho avec qui le manager français à l’habitude de se chamailler). Reste à savoir jusqu’où sa malchance l’amènera. Il a prolongé il y a peu, mais pourrait arrêter plus tôt qu’on ne le pense.