Amallah dans les yeux de son père: “Lâche ton ballon plus vite et tu as le niveau pour jouer à Francfort”
Les paroles de Bernd Storck, la saison dernière, à l’attention de Selim Amallah, relayées par son papa, Houcine, résonneront sans doute dans la tête du Liégeois.
- Publié le 07-11-2019 à 06h23
- Mis à jour le 07-11-2019 à 06h24
Les paroles de Bernd Storck, la saison dernière, à l’attention de Selim Amallah, relayées par son papa, Houcine, résonneront sans doute dans la tête du Liégeois. Dimanche à Gand, Selim Amallah quitte la Ghelamco Arena le visage fermé. Le buteur liégeois, qui a également provoqué un penalty, est fâché, il ne comprend pas comment son équipe a pu perdre ce match. Un trait de caractère que le médian rouche a développé très tôt. "C’est un énorme mauvais perdant. Plus jeune, quand il jouait dans le jardin avec son frère et qu’il perdait, il en pleurait. À Gand, je l’ai vu énervé tout le match", concède Houcine, son papa. À quelques heures d’un nouveau rendez-vous européen face au club qui a vu son fils ouvrir son compteur buts en Coupe d’Europe, Houcine Amallah nous dresse le portrait de Selim.
Houcine Amallah, êtes-vous satisfait du début de saison de votre fils ?
"Il a globalement bien commencé mais cette petite blessure (pubalgie), qui l’avait déjà freiné à Mouscron, est venue enrayer la mécanique. Le coach le décale souvent sur le côté et lui demande d’abattre une travail de course colossal. Selim ne rechigne pas à la tâche car il a un gros volume de jeu, c’est d’ailleurs ce qui avait frappé Michel Preud’homme lorsqu’on l’avait rencontré la saison dernière."
Quatre buts et deux assists en 15 matchs, c’est un bon ratio ?
"En Belgique, on prête trop d’attetion aux statistiques. Un joueur qui marque est vite érigé au statut d’homme du match. Mais on n’insiste pas assez sur les joueurs qui travaillent et c’est le cas de Selim. En perte de balle, il n’a de cesse de chasser le cuir. Je lui dis d’ailleurs souvent qu’il doit aussi penser à s’économiser car Selim, il court aussi pour les autres. Prenez la faute qu’il commet contre Gand, pour laquelle il aurait pu être exclu d’ailleurs, ce n’était pas à lui de revenir sur le Gantois mais il a exécuté son travail défensif pour soutenir ses équipiers."
Vous l’avez senti nerveux à Gand ?
"Trop. Je trouve qu’il l’est souvent. Contre Genk, je voyais qu’il n’était pas content. À la mi-temps, je suis descendu dans la tribune pour lui dire de se calmer et de se concentrer car il perdait trop d’influx nerveux. En dehors du terrain, Selim est d’un calme olympien mais dès qu’il monte sur une pelouse, il se transforme."
Son adaptation au Standard a été fulgurante.
"Il connaissait déjà pas mal de joueurs et puis, mon fils, il sait rapidement se faire de nouveaux camarades. Il a toujours le sourire, c’est la marque de fabrique de la famille. A Liège, il est un peu seul même si on essaie toujours qu’il y ait quelqu’un de la famille avec lui. Selim est concentré sur son foot, mon gamin n’est pas du genre à se disperser et à sortir en boîte."
Il semble aussi être loin du star system.
"Dans la famille, on a tous la valeur de l’argent. Mes enfants savent d’où ils viennent. Selim ne va d’ailleurs jamais dilapider son argent. Pour le moment, il est occupé à prospecter pour investir dans l’immobilier pour l’après-carrière."
Revenons à sa progression qui a tout de même été freinée par une blessure qui l’empêchait d’être à 100 %.
"Je trouve qu’il n’aurait pas dû jouer le match à Anderlecht où il était incapable d’accélérer. Mais il a tenu à jouer en se sacrifiant un peu pour l’équipe. Je lui ai déjà dit qu’il ne devait pas faire ça. Selim, il est trop gentil. Aujourd’hui, il ne ressent plus de douleur. Il a des exercices à réaliser après chaque séance d’entraînement. Lorsque je lui demande s’il les fait bien, il me répond toujours la même chose : t’inquiète pas. C’est son mot ça (rires). Il est toujours serein, le stress ne l’atteint jamais, c’est une de ses forces."
Il a raté le début de la campagne européenne suite à cette blessure.
"Cela l’a marqué. Il était déçu, comme à Arsenal où il est monté en toute fin de match. Après la rencontre, il était mauvais (rires). Il voulait rentrer immédiatement au vestiaire, c’est Mbaye Leye qui lui a dit d’aller saluer les supporters. Ce n’était pas un manque de respect envers eux, Selim était énervé sur la prestation d’équipe. C’est un énorme mauvais perdant."
Vous lui parlez souvent avant et après ses matchs ?
"Toujours. Je lui dis de jouer simple, d’oublier un peu ses gris-gris pour être plus efficace même si, une fois dans le rectangle, comme à Gand, il fait ce qu’il veut. Après les matchs, je lui donne toujours mon debrief. Il est généralement à l’écoute même si parfois, il me lance que je ne suis pas sur le terrain (rires)."
Il y a 15 jours, il ouvrait son compteur buts sur la scène européenne à Francfort, un grand moment.
"Cela restera à jamais gravé dans sa mémoire même si je peux vous dire qu’après la rencontre, son but passait au second plan après sa déception suite à la défaite."
Comment l’avez-vous vécu ?
"J’étais au stade, comme à chaque match puisque je le suis partout, mais je n’ai pas pu laisser éclater ma joie car j’étais au beau milieu des supporters allemands (rires)."
La Bundesliga semble être une compétition qui attire votre fils. A-t-il le profil pour y évoluer ?
"C’est vrai qu’il aime ce championnat, comme la Liga d’ailleurs. C’est drôle car, la saison dernière, tandis que Francfort se hissait en demi-finale de l’Europa League, Bernd Storck avait appelé Selim un jour pour lui parler. Il lui avait dit : si tu lâches ton ballon un peu plus vite, tu as le niveau pour jouer dans cette équipe de Francfort. Cela l’avait marqué car, après l’entraînement, il me l’avait directement dit alors qu’en temps normal, il ne me dit jamais rien…"
Le numéro 10, il doit venir au Standard”
Retour sur le parcours de Selim Amallah, qui n’a pas toujours été simple. Pour Selim Amallah, le foot est rapidement devenu une évidence. Du côté de Mons, Selim eut la chance de débuter sa formation sous les ordres de… son père. “Je l’ai eu des U7 aux U11. Il n’avait pas de traitement de faveur, j’étais d’ailleurs plus sévère avec lui”, se remémore Houcine. À 11 ans, deux géants viennent frapper à la porte des Amallah. “Le Standard et Anderlecht. On a opté pour le club bruxellois pour la distance. Malheureusement, l’aventure s’est terminée avec la réception… d’une lettre stipulant à mon fils qu’il devait quitter le centre de formation. Cet épisode est survenu après la mort de ma femme. C’était un réel coup dur pour Selim. Lui qui est toujours souriant, je l’ai vu arrêter de sourire un petit moment.”
Le décès de sa maman fut assurément un coup rude dans la vie du jeune Selim Amallah. “Au début, c’était dur de se reconcentrer, surtout à l’école. Encore aujourd’hui, il a du mal à en parler. Peut-être a-t-il puisé, dans ce drame, la force et la poigne nécessaires pour réussir et devenir celui qu’il est aujourd’hui.”
Après Anderlecht, c’est retour à Mons pour Amallah. “Il devait avoir un contrat, mais la faillite est arrivée.”
Selim prend alors la direction de Mouscron où, dans un premier temps, on ne croit pas en lui. “La seule personne qui a toujours été là pour lui, c’était Laurent Demol. Le directeur sportif de l’époque, Juri Selak, ne voulait pas lui donner de contrat.”
Amallah passe alors par Tubize où il se fera les dents. “Redescendre d’un cran lui a peut-être fait du bien. Il s’est endurci à Tubize”, assure Houcine.
La saison suivante, Amallah croise la route de celui qui le lancera en D1. “Mircea Rednic. Il restera à jamais dans la mémoire de Selim. Il lui avait accordé un test, en plein ramadan”, se souvient Houcine.
“Selim était diminué et Laurent Demol m’avait contacté, catastrophé, pour me dire que Selim n’était pas bon du tout. Ce jour-là, quand il est rentré, je l’ai entraîné toute l’après-midi dans le jardin. Par la suite, il a reçu son contrat et Rednic l’a lancé.” Viennent ensuite Frank Defays et Bernd Storck. “Defays croyait en Selim et il lui a donné le numéro dix. Quant à Storck, Selim l’adorait. Il a grandi avec lui, notamment sur le plan tactique.”
C’est sous les conseils de Storck qu’Amallah brille à Sclessin la saison dernière avec un assist.“J’étais au stade, au milieu des supporters rouches. Je les entendais dire : le numéro 10 de Mouscron, il doit venir ici. Le lendemain, Olivier Renard nous contactait…” “En test à Mouscron, il n’était pas bon et je l’ai entraîné une après-midi entière.”
"Les Diables ou le Maroc ? Ce sera sa décision”
Lors de la dernière trêve internationale, Selim Amallah avait été appelé par Vahid Halilhodžic pour le match amical face au Gabon. Victime d’une commotion cérébrale avec le Standard à l’Antwerp, Amallah ne jouera finalement pas mais, comme le confie Houcine, l’expérience aura été enrichissante. “Il n’était pas déçu, au contraire. Il a été bien intégré dans ce groupe, notamment avec l’aide de Mehdi Carcela. Selim a eu une entrevue avec le sélectionneur qui lui a dit qu’il l’avait visionné sur vidéos et qu’il méritait d’être là, qu’il était un joueur intéressant et que, s’il continuait de la sorte, il serait à nouveau rappelé.”Sauf qu’aujourd’hui, Selim Amallah a encore le choix : le Maroc ou les Diables rouges. “Il est souvent conseillé à ce sujet, mais Selim m’a toujours dit : ce sera ma décision. Il faudra donc la respecter.”