Rencontre avec Sinan Bolat et ses frères : "Il oubliait ses gants en partant à l’entraînement"
Sinan Bolat est l’un des meilleurs gardiens de but du championnat de Belgique depuis plusieurs mois désormais. Une réussite qu’il doit à ses qualités mais aussi à ses frères. "Et si on se dispute, notre sœur s’interpose."
- Publié le 26-04-2019 à 06h45
- Mis à jour le 26-04-2019 à 08h56
Sinan Bolat est l’un des meilleurs gardiens de but du championnat de Belgique depuis plusieurs mois désormais. Une réussite qu’il doit à ses qualités mais aussi à ses frères. "Et si on se dispute, notre sœur s’interpose." Les années 1970 ont vu l’arrivée de la famille Bolat en Belgique. À Zolder, dans le Limbourg. Le grand-père de Sinan, Seyit Mehmet, est le premier à franchir le pas. Suivi de Yasar et Leyla, les parents du gardien actuel de l’Antwerp.
Hikmet, la sœur aînée, a vu le jour dans le Limbourg il y a 34 ans. Suivie de Savas (33) et Baris (32). Sinan (30) est, lui, né en Turquie, où la famille était rentrée vu la chute du besoin de travailleurs dans la région. Il est finalement revenu en Belgique quatre ans plus tard. Toujours dans le Limbourg.
C’est pourtant dans la région anversoise que traînent les frères Bolat. À Sint-Lenaarts, où leur père Yasar a ouvert un snack il y a plus de 15 ans. C’est désormais Savas qui gère le business familial avec comme client privilégié son frère Sinan, gardien star du club de la ville.
"J’habite assez près, à Wijnegem, et j’essaie de passer quand je peux. Si les supporters veulent une photo ou un autographe, ils savent où me trouver", rit Sinan.
Pouvez-vous nous expliquer l’importance de vos deux grands frères dans votre évolution ?
Sinan : "Ils ont toujours été là pour moi. Depuis que je suis tout jeune."
Baris : "Nous avons tous les trois débuté au SV Brugel avant de partir, deux ans plus tard, au Melo Zonhoven."
Était-ce déjà clair que Sinan avait le plus de talent ?
Si. : "Là, je vous laisse répondre les gars."
Savas : "Il était en tout cas le plus actif des trois. Toujours occupé avec son ballon…"
B. : "Il n’avait pas le temps pour d’autres hobbys et l’école passait après le foot. OK, c’était notre cas à tous les trois (rires). J’étais un joueur offensif mais je n’ai pas dépassé la P1. Je me suis rapidement tourné vers le travail et j’ai dû arrêter."
Sa. : "Je jouais souvent comme libero."
B. : "Pour moins courir…"
Sa. : "Voilà (sourire)! J’ai arrêté le football à 15 ans pour commencer à bosser au snack. Cela ne m’a pas posé de souci, ni rendu jaloux de Sinan quand il a filé à Genk."
Si. : "C’est vrai que je n’ai jamais ressenti de jalousie."
Sa. : "Nous étions juste super fiers."
Et vous avez aidé le petit frère à se développer ?
B. : "Il y avait un terrain près de chez nous et nous allions nous y entraîner. Il avait du mal à dégager au pied et nous avons travaillé cela avec lui."
Si : "J’ai pu travailler mes faiblesses avec eux. C’était parfait. Je n’allais pas au but, je jouais juste avec eux. C’est de cette manière que j’ai bossé ma technique balle aux pieds."
Sa. : "Il arrivait souvent qu’il oublie ses gants et que nous devions les lui amener au club. Heureusement, il n’était jamais loin. Même Genk était tout près."
Si. : "J’appelais à la maison et dix minutes après, ils étaient là."
Ba. : "Nous étions également présents pour les matchs et tournois. Ils avaient une belle équipe avec Steven (Defour), Jelle (Vossen) et Marvin (Ogunjimi). Même chez les pros, j’ai raté peu de ses matchs disputés en Belgique."
Sa : "C’était plus difficile pour moi de me libérer le week-end donc je le suivais depuis la télé. J’ai fermé le snack il y a dix ans pour aller regarder AZ - Standard en Ligue des champions. Nous n’avions pas de télé dans notre établissement. nous avons été dans un café pour voir le match. Je n’ai pas eu à me plaindre."
B. : "Le match le plus fou. Ce but de la tête dans les dernières secondes… Cela n’arrive qu’une fois dans une carrière."
Sa : "Celui-là et le penalty qu’il sauve à Gand (un peu plus tôt la même année) pour mettre le Standard sur la voie du titre. Ce sont les deux moments les plus forts de sa carrière."
Sinan est également très critiqué. Beaucoup parlent d’arrogance, de ses gains de temps et de ses fausses blessures…
B. : "J’ai envie de dire : laissez-les parler. Regardez à quel point il est devenu important pour son équipe."
Sa. : "Cela me fait rire. On ne peut rien y faire."
Si : "Ce n’est pas comme si ça me touchait vraiment et que j’avais besoin de leur soutien. Il y a eu des moments plus difficiles. À Porto ou à Galatasaray, par exemple. Là, j’appelais mes frères tous les jours pour sentir qu’ils étaient à mes côtés. Ils venaient d’ailleurs régulièrement sur place. Ça en dit long sur le lien qui nous unit."
B. : "Nous sommes inséparables."
Baris, vous êtes même devenu son agent !
B. : "Cela fait quatre ans. J’étais déjà dans les discussions par le passé et j’en ai tiré des leçons."
Si : "En tant que jeune joueur, j’avais besoin d’un agent avec un réseau qui peut aider pour les transferts. Je me suis fait un nom depuis cette période. J’ai trouvé en Baris la personne parfaite pour être à mes côtés. J’ai une confiance aveugle en lui. J’aurais également pu demander à Savas mais il est trop pris par le snack. Puis, je le consulte toujours avant une grosse décision."
Sa. : "Je trouve cela bien qu’il me demande conseil. Je n’ai pas pour autant envie de jouer au manager. Je n’ai ni le temps, ni les connaissances pour cela. Mon entreprise, c’est ma vie."
Si. : "J’ai beaucoup de respect pour cela. Mon job est facile comparé au leur."
Avez-vous encore des hobbys en commun ?
Si : "Rien de bien spécial… Le plus souvent, comme nous l’avons fait lundi après-midi car nous avions un peu de temps, nous nous posons quelque part et discutons. Autour d’une tasse de thé."
B. : "Nous sommes des gars calmes, hein (rires)."
Si. : "Plus qu’avant en tout cas. Car à l’époque, on cassait les vitres et les lampes de la maison. Tout ça en jouant au football ou en se défoulant. Si ça débordait, notre sœur venait s’interposer."
Sa. : "Ce que nous faisons encore parfois, c’est jouer à la PlayStation. Nous ne sommes pas trop vieux pour ça, non ?"
Si : "Et toujours à Fifa. Je prends Liverpool, Baris c’est Barcelone ou le Real et Savas joue avec le PSG."
B. : "Nous tentons d’aller parfois ensemble à la mosquée le vendredi. Nous ne sommes pas extrêmement religieux mais cela reste important pour nous."
Si. : "Avant les matchs, j’appelle toujours notre maman. Juste pour l’entendre. Elle dit toujours qu’elle priera pour que je ne me blesse pas et que je dispute un bon match. Cela fonctionne bien. Espérons que ça reste comme ça."
Sa. : "Par le passé, nous allions régulièrement ensemble en vacances. Baris et moi sommes mariés et nous avons des enfants. Il est plus difficile de planifier quelque chose ensemble."
N’est-il pas temps que vous aidiez Sinan à trouver une femme ?
Sa. : "Il n’a pas besoin de nous pour cela."
B. : "Il n’est quand même pas le plus vilain au monde, non (rires) ? Il fera le bon choix quand le moment sera venu."
Comment se dessine l’avenir professionnel de Sinan ?
B. : "Il se fait remarquer pour l’instant. Aussi en Turquie où il a acquis un certain statut depuis son passage en équipe nationale et sa période à Galatasaray. Il possède toutefois encore une année de contrat à l’Antwerp et nous allons donc discuter avec son club actuel. Le classement final des playoffs aura également une influence sur la suite des événements."
Sa : "Je mise sur une troisième place."
Si : "Ce serait génial. On verra ensuite de quoi mon avenir sera fait. Je ne forcerai pas un transfert à l’étranger. Je me sens parfaitement à ma place ici et j’ai été accepté par les supporters. Si nous trouvons une solution qui convient à tout le monde, pourquoi pas ? Mais je ne dois pas oublier que je n’ai que 30 ans et encore des rêves. Nous verrons bien si toutes les parties trouvent un terrain d’entente."
Et qu’en est-il de l’avenir lointain ?
Si : "J’espère rester encore de longues années dans le but. Ensuite, cela me botterait bien de devenir entraîneur des gardiens."
Et coacher Sinan Can, le fils de Baris ?
B. : "Je n’ai pas choisi ce prénom pour rien (rires). Il n’a que trois ans mais veut déjà devenir footballeur. Cela nous permettrait de revivre les beaux souvenirs vécus avec Sinan."
Si. : "J’étais ému et fier quand il a nommé son fils d’après moi. On ne voit pas souvent cela. Cela montre encore une fois à quel point nous sommes proches."