Quand les coaches étaient joueurs (1/8): Mircea Rednic "Les communistes m’ont inculqué le respect des valeurs et des personnes âgées"
Chaque jour jusqu’au début des playoffs, nous plongerons dans la carrière de joueur d’actuels entraîneurs de D1A. Premier épisode avec Mircea Rednic, le coach très rouche de Mouscron
- Publié le 28-03-2017 à 17h03
- Mis à jour le 31-03-2017 à 11h46
Chaque jour jusqu’au début des playoffs, nous plongerons dans la carrière de joueur d’actuels entraîneurs de D1A. Premier épisode avec Mircea Rednic, le coach très rouche de Mouscron Mircea Lucescu a joué un… bon tour à Mircea Rednic : "J’ai évolué pendant onze ans sous les ordres de cet entraîneur. Je jouais à Bursaspor, où je me plaisais beaucoup, quand le Standard l’a sollicité. Il m’a incité à l’accompagner à Liège. J’étais en contact avec le KFC Uerdingen et la Real Saragosse, qui m’offraient davantage que le club liégeois. Mais je voulais terminer ma carrière dans un grand club. J’ai donc opté pour le Standard… que Mircea Lucescu n’a finalement jamais rejoint. Au début, je lui ai tenu rigueur de sa défection et de son lâchage."
Mircea Rednic a joué cinq ans - entre 1991 et 1996 - au Standard, devenu son club de coeur mais il était tellement gentil et modeste, lui l’international qui trustait les titres et les coupes, qu’il ne lui a fallu que quelques mois pour y rallier tous les suffrages d’affection des Liégeois. Il a lui-même acheté une maison à Neupré et est devenu Belge en 1996. Il a aménagé une petite salle de musculation dans sa maison car il estimait qu’en Belgique on ne s’entraînait pas suffisamment.
Ingénieur métallurgique de formation, l’international roumain a débarqué à Sclessin avec le grade de lieutenant.
"Je suis né à Hunedoara, j’ai joué à Corvinul avec qui je suis monté en D1 sous la direction de Lucescu. Mais j’ai surtout, pendant sept ans, défendu les couleurs du Dinamo Bucarest. Le Dinamo était le club de la Securitate . Chaque joueur y recevait un grade. J’ai été promu lieutenant. Comme mes partenaires, je ne jouissais d’aucune fonction officielle : ma seule tâche consistait à jouer au football".
Invité, à l’époque, à expliquer la vie qu’il menait en Roumanie, il n’a rien caché : "On a profité des largesses du régime de Ceauscescu. Au Dinamo, on était traités comme des rois. Je touchais trois fois le salaire d’un ouvrier. Je bénéficiais d’un appartement, d’une voiture de fonction et… de bons repas. Normalement, un joueur travaillait au moins quatre jours par semaine à l’usine. Moi, j’ai pu me consacrer exclusivement au football".
Mircea Rednic n’a jamais mené une vie dispendieuse. Avant son départ pour Bursaspor, qui lui a rapporté 50.000 euros, il avait eu l’intelligence de bien placer son argent. Il s’est ainsi associé dans la gestion d’un restaurant et a acheté une boulangerie.
Sa vie en Roumanie a très nettement influencé le comportement exemplaire et déférent de gentleman qu’il a toujours affiché au Standard. Il l’a expliqué simplement : " Les communistes m’ont inculqué le respect des valeurs et des personnes âgées. Dans ma jeunesse, en Roumanie, les jeunes se taisaient devant leurs aînés".
Mircea Rednic avait définitivement rallié tous les suffrages quand sa femme et ses deux filles, d’âge encore tendre, l’ont rejoint à Liège : il avait offert le champagne à tout le vestiaire.
"C’était la coutume en Roumanie quand un événement heureux - cela pouvait être un but important - vous souriait. Mais là, on offrait surtout de la bière…"
"Il venait à tous nos barbecues"
Daniel Kimoni est toujours resté en contact étroit avec son ancien équipier
Neuf ans les séparent mais le lien qu’ils ont tissé entre eux pendant trois saisons ne s’est jamais dénoué.
"Mircea Rednic est, avec Guy Hellers et Patrick Vervoort, un de mes anciens équipiers de l’époque avec qui je suis resté le plus en contact, révèle Daniel Kimoni, devenu agent de joueurs. Même quand Mircea vivait en Roumanie, nous nous téléphonions régulièrement pour prendre mutuellement de nos nouvelles."
Quand Mircea Rednic a débarqué à Sclessin, sa réputation d’international patenté l’avait précédé. Impressionnés, ses futurs équipiers ont vite découvert un… gentleman, qui n’a jamais excipé de son statut pour réclamer des privilèges.
"Personne n’a jamais pu s’offusquer de son comportement, assure Daniel Kimoni. Mircea n’était pas timide mais réservé. Il campait surtout un grand monsieur qui s’est toujours bien comporté avec les jeunes qui égayaient l’effectif. Une des grandes qualités humaines qu’il véhiculait est le respect qu’il vouait à chacun de ses interlocuteurs".
Le vestiaire de Sclessin était souvent animé à l’époque. Avec Michaël Goossens, Philippe Leonard, Roberto Bisconti et le regretté Régis Genaux, le Standard alignait un quatuor de garnements aussi talentueux que sympathiquement turbulents. "Ces quatre-là jouaient bien mais ils étaient pour le moins… facétieux, s’amuse Daniel Kimoni. Si certains se sont parfois offusqués des plaisanteries qu’ils ourdissaient, Mircea ne leur a jamais rien reproché. Il n’était pas un blagueur lui-même mais il riait volontiers quand l’un de nous faisait des bêtises. Il était bien intégré au groupe. Quand Michaël organisait un barbecue chez lui, Mircea était un des rares anciens à faire acte de présence. Les jeunes n’ont jamais ourdi de blague à ses dépens : ils le respectaient trop" .
Sur le terrain, Mircea Rednic leur en imposait : " Il ne se distinguait pas par un physique imposant mais par ses qualités intrinsèques de footballeur. Moi qui ai évolué souvent à ses côtés, je le considérais comme un joueur complet : il était bon de la tête, bon dans les duels, précis dans ses relances et son placement était rarement pris en défaut. On décelait déjà aussi en lui les germes de l’entraîneur qu’il allait devenir. Il ne se souciait pas uniquement de sa seule prestation : il parlait beaucoup et dispensait en permanence de précieux conseils à ses jeunes équipiers. Joueur, il était déjà entraîneur. C’est presque grâce à son comportement à cette époque de sa carrière qu’il gère bien, aujourd’hui, les égo des joueurs qu’il dirige".