Olivier Deschacht revient à Anderlecht: "il a toujours été soutenu par l’ancienne direction et les supporters"
Le joueur le plus capé de l’histoire du RSCA est de retour au Parc Astrid.
- Publié le 31-10-2018 à 07h10
- Mis à jour le 01-11-2018 à 11h50
Le joueur le plus capé de l’histoire du RSCA est de retour au Parc Astrid. Ce jeudi, avec Lokeren, Olivier Deschacht pourra enfin faire ses adieux aux supporters mauves après 21 années passées à Anderlecht. Des adieux teintés d’amertume après un départ forcé et par la petite porte.
La dernière fois qu’Olivier Deschacht avait affronté Anderlecht, c’était en 1997 avec les scolaires de Lokeren. Celui qui était encore un ailier n’avait que 15 ans. L’été suivant, il rejoignait le RSCA où Frankie Vercauteren allait le transformer en back gauche chez les Réserves. Près de vingt et un ans plus tard, il coiffait Paul Van Himst comme joueur le plus capé de l’histoire du club et s’invitait, à sa façon, dans le cercle ultra-restreint des légendes mauves. Une bien belle histoire stoppée net le 18 juin dernier : pas d’énième prolongation de contrat. Une décision de la nouvelle direction que Deschacht a eu bien du mal à digérer. Quatre mois plus tard, il s’apprête à effectuer son retour au Parc Astrid, mais sous les couleurs de Lokeren. Une période durant laquelle il est passé par tous les états. Ses proches nous font revivre cette pièce en cinq actes.
1. La fin à Anderlecht : "Plus un mot pendant deux jours"
La saison s’est terminée avec une décevante troisième place et la nouvelle direction compte faire le ménage dans le noyau pour son premier mercato. En fin de contrat, Olivier Deschacht est dans l’incertitude. "Je lui ai dit qu’il pouvait rester un an de plus pour moi" , explique Hein Vanhaezebrouck. "Mais la nouvelle direction a décidé de ne pas le prolonger et j’ai respecté ce choix."
C’est par téléphone que Deschacht apprend la mauvaise nouvelle. "Un coup de fil de Coucke qui a duré deux minutes" , révèle son papa, Ronny. "Être mis dehors après vingt ans par téléphone, c’était très dur. Oli était fort déçu. Coucke est un grand homme d’affaires, mais on aurait pu espérer autre chose humainement. La saison était finie depuis plusieurs semaines et Oli n’avait pas pu faire ses adieux aux supporters. Cette décision, la direction pouvait la prendre à deux matches de la fin du championnat."
Deschacht est K.-O. debout. "Pendant deux jours, il n’a plus dit un mot" , raconte Herman Van Holsbeeck. "J’ai essayé de le soutenir pendant cette période. J’ai travaillé de 2003 à 2018 à Anderlecht et Olivier a toujours été là. On a été champions huit fois ensemble et je le respecte. Être mis de côté après avoir passé autant d’années dans un club, ce n’est pas amusant. Heureusement, il s’est repris après les deux jours de silence. C’était clair qu’il voulait rester footballeur."
2. La solitude : "On a maigri à son week-end ‘Koh Lanta’"
Deschacht se retrouve sans objectif pour la première fois de sa vie de footballeur. Sans club, mais avec la volonté de poursuivre, à 37 ans. Il peut compter sur l’un de ses meilleurs amis : Bjorn De Wilde, ancien attaquant d’Alost et du Lierse. "Je suis devenu personal coach et Oli est venu s’entraîner quelques fois avec moi. Mais je n’avais pas besoin de lui fournir un programme. Il connaît son corps parfaitement. C’est une bête d’entraînement."
À l’exception du ballon, Deschacht se prépare comme s’il était en club. Il se fait souffrir. "Il est ainsi. Même à son mariage début juin, il avait limité fortement l’alcool. Et pendant son week-end d’enterrement de vie de garçon, on avait tous maigri ! On était partis en Espagne avec un concept style Koh Lanta. On devait chercher de quoi se nourrir nous-mêmes. Pas de grosse guindaille donc, ce n’est pas son style."
3. Le sourire en P1 : "Sur les genoux pour un but"
Les semaines passent et Deschacht continue à suer. "Je lui disais qu’il devait être prêt pour la fin de la période du mercato. Que c’est à ce moment que certains clubs commencent à paniquer, selon les résultats, et qu'ils viendraient le chercher" , poursuit De Wilde. Mais le manque de foot commence à se faire sentir.
Mi-juillet, Deschacht téléphone à Jurgen Van Herreweghe, entraîneur du Begonia Lochristi, club de P1 où il avait touché ses premiers ballons en Diablotins. "Quand mon téléphone a vibré et que j’ai vu un numéro inconnu, j’ai pensé que c’était Timothy Van de Wouwer, le nouvel attaquant qu’on avait fait signer. Et là, il me répond : ‘Non, c’est Olivier Deschacht.’ Je n’en revenais pas. Il me demandait s’il pouvait s’entraîner avec nous. Je lui ai demandé s’il était bien sûr. Le local des ballons à Anderlecht est plus propre que notre vestiaire… Mais Oli en avait marre de courir dans les bois et voulait retrouver le terrain."
Deschacht s’intègre facilement. "Il donnait des conseils aux joueurs et partageait son expérience. Il n’est pas arrivé comme une vedette. Il venait manger à la buvette avec nous. Et quand il ne pouvait pas venir s’entraîner, il m’envoyait toujours un SMS. Même pour prévenir qu’il aurait quelques minutes de retard. Il s’entendait bien avec tous les gars. Quand on a décidé d’aller boire un verre aux Gentse Feesten , il est venu avec nous."
L’ancien Anderlechtois n’avait posé qu’une condition : "Qu’on ne dise pas à la presse qu’il s’entraînait avec nous. Mais bon, comment empêcher les gars d’en parler sur Facebook ? Deux heures après son premier entraînement, les journalistes étaient au courant. Mais ce n’était pas trop grave. Oli s’amusait avec nous. Il se donnait à fond. Pendant un petit match entre nous, il avait marqué le but victorieux à la dernière seconde et il a glissé sur ses genoux pour célébrer. Une sacrée mentalité de champion !"
4. Le choix de Lokeren : "Bölöni moins chaud que D’Onofrio"
La saison de Pro League a repris et Deschacht a envie d’être sur les terrains. Il s’amuse sur la pelouse bosselée de Lochristi mais il veut retrouver l’élite. "Il était bien trop fort pour la P1. Je n’ai jamais espéré qu’il signe chez nous" , explique Van Herreweghe.
Au cours du mois d’août, Deschacht reçoit plusieurs offres. "À des moments différents, l’Antwerp, Courtrai, Zulte Waregem et Lokeren ont été concrets" , précise son père. "Il a choisi Lokeren parce qu’il connaissait bien le club et le président. C’était idéal pour lui."
Van Holsbeeck avait quand même tenté d’arranger le coup avec l’Antwerp. "Je l’ai accompagné lors d’une discussion avec les dirigeants anversois. Ils étaient très intéressés. Mais Oli a vu qu’il y avait déjà quelques défenseurs expérimentés dans le noyau et qu’un gars comme Jelle Van Damme n’était pas toujours dans le onze. Ça l’a fait réfléchir."
La version du papa de Deschacht diffère un peu : "La direction de l’Antwerp (NdlR : Lucien D’Onofrio en tête) le voulait mais le coach (NdlR : Laszlo Bölöni) était moins chaud. Et à Zulte Waregem, c’était l’inverse. Le coach (NdlR : Francky Dury) le voulait mais les dirigeants, moins. Oli voulait sentir l’unanimité autour de sa venue. C’était le cas aussi à Courtrai mais De Boeck le voyait comme back gauche. Oli ne voulait pas."
Quand la direction de Lokeren téléphone à Van Holsbeeck, plusieurs jours après le rendez-vous à l’Antwerp, pour avoir son avis sur Deschacht, l’ancien manager général du RSCA n’a que du positif à dire. "J’ai expliqué qu’il pourrait clairement l’utiliser cette saison, notamment pour sa mentalité. Il a son caractère mais, au fond, c’est un chouette type. Et je ne crois pas que Lokeren a des regrets sur ce transfert, bien au contraire."
5. Le grand retour : "Peut-être sa dernière au Parc Astrid"
Le 25 août, Deschacht signe à Lokeren. Deux mois plus tard, le déplacement à Anderlecht est programmé. Le RSCA lui prépare une cérémonie avant le coup d’envoi. "Mais Oli n’aime pas trop être au centre de l’attention, surtout avant un match" , sourit son père. "Ce sera vraiment un match particulier pour lui. Pendant plus de vingt ans, il a toujours été soutenu par l’ancienne direction et les supporters."
Des supporters qui lui préparent d’ailleurs un bel accueil. Ils projettent d’applaudir toute la troisième minute de jeu, en hommage à son numéro fétiche. "Il sera ému. Aussi parce que ce sera peut-être son dernier match sur cette pelouse anderlechtoise. Il n’est pas impossible qu’il rempile pour un an vu son niveau, mais il n’y a rien de sûr non plus."
Meilleur Lokerenois de la saison jusqu’à présent, Deschacht ne viendra pas en touriste à Anderlecht ce jeudi. Dans les couloirs de Neerpede, on se dit même qu’il ne ferait pas tache dans le onze de Vanhaezebrouck, vu le niveau affiché par Milic et Lawrence à son poste. "Ça ne sert à rien de parler de ça" , contre le T1 du RSCA. "Ce qui est certain, c’est qu’Oli va vouloir montrer qu’il est toujours à 100 %. C’était dur au début mais il a digéré son départ. Ce match va peut-être un peu rouvrir la plaie. Il avait vraiment envie de rester."
Christophe Franken