La parole au président de l'Excel Mouscron, Patrick Declerck : "Un pur hasard si Bayat n’a plus rien à l’Excel"
Épicurien, farceur, malicieux et sans langue de bois, Patrick Declerck se confie sur son plus beau joyau, l’Excel Mouscron.
- Publié le 11-09-2019 à 10h07
- Mis à jour le 14-09-2019 à 19h47
Épicurien, farceur, malicieux et sans langue de bois, Patrick Declerck se confie sur son plus beau joyau, l’Excel Mouscron. C’est un président tout sourire qui nous a accueillis dans son entreprise de béton préfabriqué à Mouscron afin de faire le point sur le début de saison exceptionnel des Hurlus. Patrick Declerck, qui commence sa quatrième saison à la tête de l’Excel, voit l’avenir du club sereinement. "D’habitude, on venait m’interviewer pour chercher la petite bête. Je pense que ce n’est plus le cas maintenant", lance d’emblée le dirigeant qui veut oublier les sombres histoires récentes connues par son matricule.
Celui que l’on surnomme parfois le Marc Coucke de Mouscron n’a pas peur de dire ce qu’il pense, que cela plaise ou non. Un franc-parler qui fait de lui un président qui détonne. Entretien.
Président, le début de saison avec 11 points en 6 journées et une quatrième place doivent forcément vous satisfaire.
"On ne s’y attendait pas. L’objectif de ce début de saison était de faire mieux que l’année passée où nous avions réalisé un 0 sur 18. Le contrat est donc bien rempli. Les supporters avaient peur de cette saison quand ils ont vu les départs de nos joueurs vers le Standard notamment et les retours des prêts. Vu la qualité de notre noyau pour le moment, je pense qu’ils vont vite oublier ces joueurs."
La filière allemande offre un nouvel élan à l’Excel.
"C’est sûr ! Les Allemands ramènent de la rigueur, de la discipline et un sens de la tactique très poussé. Bernd Storck a décidé de ne pas poursuivre l’aventure avec nous et j’ai décidé de le remplacer par un autre Bernd qui est tout aussi bon. Storck restait toujours dans le même système de jeu mais Hollerbach change tout le temps, ce qui perturbe beaucoup nos adversaires."
Votre mercato a été marqué par l’arrivée de joueurs comme Kevin Wimmer qui a disputé une cinquantaine de matchs en Premier League ou celle d’Aleix Garcia venu pour la saison de Manchester City. Comment faites-vous pour attirer des joueurs de grands clubs en prêt ?
"Nous avons nos connexions et notre relationnel qui nous permet d’avoir ces joueurs. Il y a aussi le fait que ces dernières années, tous les joueurs que nous avons eus en prêt sont repartis dans leur club avec une valeur ajoutée. Je me souviens d’un dirigeant de Liverpool qui me disait être super content d’avoir mis un joueur comme Awoniyi chez nous et qu’il allait encore nous céder des joueurs. Les parents de Manuel Benson m’ont remercié à maintes reprises pour l’accueil donné à leur enfant. Nous avons désormais la réputation d’être d’excellents formateurs et les grosses écuries européennes le savent. Il y a aussi l’effet Hollerbach qui joue là-dedans. Ce n’est pas n’importe qui dans le monde du football."
Financièrement, le mercato vous a aussi rapporté gros…
"Nous avons gagné 3 millions d’euros et cet argent est resté dans le club, c’est aussi la preuve que Mouscron est un bon produit. Depuis que c’est l’Excel, nous avons eu plusieurs investisseurs qui ont mis 12 à 15 millions dans le club. Cela me fait bien rire quand on me dit que mes investisseurs ne foutent rien pour le club. On reste toujours le plus petit budget de D1A mais on prouve qu’on fait du vin avec de l’eau."
Le fait d’attirer autant de jeunes en prêt ne fait pas du mal au Futurosport, votre centre de formation ?
"Nous n’avons jamais rêvé d’intégrer 10 joueurs du Futuro dans le noyau A. Si on dégage un ou deux joueurs du centre avec les pros par saison, on pourra déjà être très contents. Après, si tu n’as pas une équipe première avec une certaine aura, tu n’auras rien au Futuro. Le centre de formation sert à mettre un ou deux joueurs dans le noyau et à alléger la masse salariale par la même occasion."
Mogi Bayat a retiré tous les joueurs qu’il avait à l’Excel. Est-ce voulu ?
"C’est un pur hasard si Mogi n’a plus de joueur chez nous. Nous avons des contacts avec 20 à 25 agents et Paul Allaerts a pris les rênes du recrutement depuis le départ de notre directeur sportif Jurgen Röber. Il n’y a pas que Bayat comme agent."
Malgré les bons résultats, le Canonnier a toujours du mal à se remplir.
"Je pose la question aux Mouscronnois : est-ce qu’ils veulent encore un club en division 1A ? C’est très fort ce que je dis mais quand je vois qu’il n’y a que 3 000 personnes en moyenne lors d’un match, cela me perturbe beaucoup. On a les abonnements les moins chers de la Pro League et il y a du spectacle sur le terrain. Je rends toutefois hommage à tous les supporters fidèles qui viennent à chaque rencontre au Canonnier, sans eux, l’Excel n’existerait plus. J’ai dit aux dirigeants malinois lors du dernier match que j’étais jaloux de leur public."
Justement, comment avez-vous été reçu à Malines après plusieurs querelles judiciaires entre les deux clubs ?
"Leur réception était parfaite. Les dirigeants m’ont d’ailleurs envoyé un mail car ils ont apprécié la manière dont nous nous sommes tenus chez eux. Il faut savoir que c’est une toute nouvelle équipe qui est à Malines désormais. Nous oublions le passé et nous voulons garder de bonnes relations avec eux comme avec tous les autres clubs de Pro League. Pour moi, le football se joue sur un terrain vert et non pas sur un tapis vert."
Une idée de fusion avec 3 clubs flamands
Patrick Declerck pense que c’est la meilleure solution sportive et économique.
La situation géographique de Mouscron n’est pas simple dans le monde du football. Situé au milieu de clubs comme Zulte, Courtrai, Bruges, Gand et Lille, l’Excel doit tenter de se démarquer dans la formation des jeunes pour tenter de garder ses promesses. Pour remédier à ce problème, Patrick Declerck avait eu l’idée de faire une grande fusion avec les clubs de Zulte Waregem, Courtrai et Roulers.
"Au Futuro, il n’y a pas un seul entraînement sans qu’un scout d’un club limitrophe ne soit présent. Il faut se faire à l’idée qu’il y a beaucoup trop de clubs dans la région. Si cela ne tenait qu’à moi, je créerais un grand club en regroupant Mouscron, Zulte, Roulers et Courtrai. Le but serait alors de nous baser sur le même modèle de fusion que Genk a réalisé il y a plusieurs années. Quand vous voyez le résultat que cela donne maintenant."
Une solution fortement voulue par l’homme fort du REM mais qui n’est pas spécialement vue d’un bon œil côté flandrien.
"À l’Excel, on s’entend bien avec Courtrai, Roulers et Zulte. Le problème, c’est que Courtrai et Zulte ne veulent pas entendre parler de l’autre. Après, si je dis aux Mouscronnois qu’on va se mettre avec trois clubs flamands, je pense qu’ils vont m’ouvrir la gorge."
Une fusion qui se voudrait sportive mais également économique évidemment. "En tant qu’homme d’affaires, je peux vous assurer que financièrement parlant, c’est le plan parfait. J’en suis convaincu. On pêche tous dans le même vivier de sponsors pour l’instant. S’il n’y avait qu’un club, ces sponsors donneraient bien plus d’argent que maintenant et le budget de ce club gonflerait facilement."
Patrick Declerck n’ira toutefois pas plus loin dans cette idée de fusion même s’il a déjà abordé le sujet avec les clubs flamands. "J’ai déjà parlé de ce projet avec les dirigeants des autres clubs concernés mais cela n’a jamais été déposé sur la table de façon structurée. Après je suis bien trop âgé pour encore me mêler de ça. Une chose est sûre, c’est que je mourrais avant qu’il n’y ait quoi que ce soit qui change à ce propos. Cette fusion est la meilleure chose qui puisse arriver pour ces 4 clubs, j’en resterai toujours convaincu."
"La police judiciaire nous a dit qu’elle avait mieux à faire"
L’affaire à l’encontre de Mouscron en justice semble ne tourner à rien.
Sportivement, la saison 2018-19 a été splendide pour l’Excel Mouscron. La réalité administrative est différente.
Tout avait démarré par une plainte introduite par Malines qui suspectait le REM d’avoir obtenu sa licence frauduleusement. "Les investisseurs malinois voyaient leur capital fondre comme neige au soleil donc ils se sont dit qu’ils allaient attaquer les petits de Mouscron", assure Patrick Declerck.
Suite à cette plainte , une descente judiciaire mandatée par un juge d’instruction a été réalisée au Canonnier. "Beaucoup de documents avaient été saisis ce jour-là. Après, et pendant de longues semaines, nous n’avons plus rien entendu à ce propos jusqu’au jour où deux administrateurs délégués ont été nommés afin de gérer nos comptes en banque."
Ces deux avocats, qui géraient les finances à distance sans jamais mettre les pieds au Canonnier, ont ensuite remis un rapport au président du tribunal de commerce en charge de l’affaire. "Ils lui ont dit qu’ils ne savaient pas trop bien ce qu’ils faisaient encore à Mouscron car tout ce que nous faisions était régulier. Cette intervention a débloqué nos comptes."
Depuis fin juin, l’Excel n’a plus rien entendu à ce sujet. "Nous avons dû réaliser des témoignages à la police judiciaire. Il avait même été demandé que notre investisseur majoritaire Pairoj Piempongsant soit présent pour venir témoigner. Il a dit qu’il était d’accord de venir avec son avocat pour se défendre dans ce dossier."
L’investisseur thaïlandais n’aura finalement jamais dû se rendre à la police pour témoigner.
"Il y a 15 jours la police judiciaire nous a informés qu’elle avait des choses plus importantes à faire et le rendez-vous avec M. Piempongsant a été annulé. S’il y avait quelque chose contre nous dans ce dossier, on le saurait depuis longtemps et vous remarquerez que jamais rien n’a été mis contre l’Excel. Nous avons hâte que tout cela se termine car cela fait beaucoup de tort au club."
Patrick Declerck est très confiant pour la suite des événements, s’il y en a une. "Le premier qui peut dire que j’ai déjà fait un pas de travers, je peux vous assurer qu’il n’est pas encore né. Ensuite, ce n’est plus le même investisseur qui est à Malines et l’avocat qui lui avait conseillé de porter plainte contre nous a été remercié par le club. Une nouvelle page s’écrit entre Mouscron et Malines désormais."