Bernd Storck est notre invité du samedi: "Personne ne croyait en Mouscron"
Depuis son arrivée, le mentor des Hurlus a réalisé des prouesses et fait changer les regards sur son club.
- Publié le 09-02-2019 à 07h44
- Mis à jour le 09-02-2019 à 08h44
Depuis son arrivée, le mentor des Hurlus a réalisé des prouesses et fait changer les regards sur son club. Début septembre, Frank Defays était remercié par la direction mouscronnoise à la suite d’un 0 sur 18 en championnat et une dernière place synonyme de descente au classement. Pour le remplacer, le directeur sportif des Hurlus, Jurgen Röber, décide de prendre son ancien entraîneur assistant qui l’a suivi pendant plus de dix saisons dans plusieurs grands clubs allemands. Recruté pour relever un gros défi et maintenir l’équipe, Bernd Storck est en train de réaliser ce miracle avec brio. Tacticien hors pair, il prouve aux yeux de nombreux observateurs que les Mouscronnois ont du talent à revendre. Alors qu’il sort d’un superbe 12 sur 15 avec son équipe avant de se déplacer à Gand, l’entraîneur allemand nous a reçus au Canonnier pour évoquer sa saison avec Mouscron et sa vision des choses dans le football moderne. Entretien.
Pouviez-vous rêver d’un meilleur début d’année avec Mouscron ?
"Rêver ? Non, je ne suis pas un rêveur, je suis plutôt réaliste. Bien sûr, c’était un travail difficile et long mais nous avons travaillé très intensivement avec l’équipe, et ce, dans tous les secteurs. Nous avons travaillé tant sur le terrain qu’en dehors de celui-ci. Pour toute l’équipe et le staff, ça a été un énorme changement. Ils devaient tous savoir ce qu’ils avaient à faire et ce qu’était le football professionnel. Ils devaient vivre de façon professionnelle en dehors du terrain et sur celui-ci. Cela a été un travail de longue haleine et maintenant on en récolte peu à peu les fruits."
Vous pensez que vous avez changé l’organisation du club ?
"J’ai changé les choses pour lesquelles je suis responsable. Je gère les joueurs, ce qu'ils doivent faire quand ils arrivent au club, dans quel cadre ils vivent au club. C’est là que j’ai apporté des changements. Il faut mettre des règles et avoir de la discipline. Vous savez, quand je suis arrivé il y avait 34 joueurs dans un petit vestiaire. C’était une chose que je n’aimais pas. J’ai donc rendu la vie plus facile et plus confortable aux joueurs qui le méritaient en réduisant mon noyau. C’est un exemple mais les joueurs ont vite compris ce qu’ils devaient faire et ce qu’ils pouvaient faire avec moi."
Il n’y avait pas de discipline à votre arrivée à Mouscron ?
"Non, ce n’est pas ça. C’est juste que j’ai une autre vision des choses. Chaque entraîneur a sa propre philosophie, dans n’importe quoi. L’ancien entraîneur avait la sienne et lorsque je suis arrivé pour le remplacer, j’ai imposé mon idéal d’éducation à tout le groupe. Ce n’était pas important de savoir pour moi comment c’était avant à Mouscron avant que je n’arrive. Je voulais simplement mettre mon groupe sur ma voie. Quand je vois quelque chose qui ne me plaît pas sur le terrain, au restaurant, dans le vestiaire ou quoi que ce soit, je dois faire en sorte que cela se corrige pour que cela se retrouve dans mon idéal. Toutes ces choses sont faites pour la réussite de club."
Quel a été votre plus grand changement à Mouscron ?
"Il n’y a pas une grosse chose en particulier mais plutôt beaucoup de petites choses qui ont changé. Un exemple, Ils doivent se préparer avant chaque entraînement pour être prêts lorsque nous montons sur le terrain d’entraînement. Ils arrivent 75 minutes avant le début de l’entraînement ils déjeunent ensemble et se préparent en salle de musculation. Je ne veux pas les voir attendre dans le vestiaire que l’entraînement commence. Il y a plein de petites choses avant un match auxquelles mes joueurs doivent faire attention et toutes ces petites choses nous mènent dans la bonne direction vers la réussite. Un exemple avant ce match, chaque joueur repart désormais avec une fiche bien spécifique de travail musculaire qu’il doit faire chez lui. Avec le staff, nous avons fait plusieurs tests et un programme bien précis pour chacun a été réalisé. Après quelques semaines, nous vérifierons l’évolution. Il faut vraiment rendre le groupe le plus professionnel possible, même en dehors du terrain."
Vous voyez votre futur à Mouscron ?
"Je ne veux pas parler de mon futur. La plus importante des choses pour moi pour l’instant est que les joueurs se sentent bien. Mon futur ,on y pensera plus tard, une fois que l’on sera sauvé. Là on pourra commencer à en parler. J’ai ma propre vision de mon futur mais je veux que l’on pense à l’équipe avant mon futur."
Après ce gros travail, votre nom est tout de même reconnu en Belgique désormais…
"Quand je suis arrivé à Mouscron, personne ne croyait en ce club, en cette équipe. Beaucoup disaient qu’il nous fallait un miracle pour rester dans cette division. Quand j’ai vu l’équipe pour la première fois à Charleroi, ce n’était pas bon. Laurent Demol était entraîneur intérimaire et ce n’était pas une situation facile pour lui non plus. J’ai beaucoup parlé avec Jurgen Röber et je voulais montre que nous avions une bonne équipe qui pouvait se développer rapidement et qui avait toutes les capacités pour se maintenir. Maintenant, c’est bien que des gens savent que nous avons une bonne équipe de football et c’est une sorte de respect pour l’ensemble des joueurs. Ce qui me fait plaisir, c’est que maintenant tout le monde parle des joueurs de Mouscron dans le pays. Quand je regarde les dernières équipes type, Mouscron est l’un des clubs qui a le plus de joueurs représentés dedans. Cela prouve que l’équipe joue sur un bon niveau."
Après les averses de neige, pourquoi avez-vous aidé à déblayer les terrains la semaine dernière ?
"Le truc, c’est que je veux un bon terrain pour que mon équipe s’entraîne. Là, les conditions climatiques ne le permettaient pas. Nous n’avions pas de temps à perdre. La Ville nous a aidés à déblayer ce terrain et j’ai trouvé des supporters et les gars de mon staff sont venus pour aider à déblayer le terrain. C’est normal pour moi et mon staff de faire le maximum pour avoir des conditions d’entraînement optimales. De cette façon, nous pouvons continuer à préparer de manière professionnelle notre prochaine rencontre. C’est un bon exemple pour mon équipe que tout est possible si vous le voulez."
Il a réussi à remettre la Hongrie sur pied
“Ce qui a été réalisé avec la Hongrie, c’était un grand succès. Qualifier ce pays pour un tournoi majeur, ce qui n’avait plus été le cas depuis 44 ans, ça a été un gros travail. Au départ, cela n’a pas été facile pour moi là-bas. C’était comme ici à Mouscron, j’ai dû changer beaucoup de choses, comme mon staff. J’ai reçu beaucoup de critiques à ce propos mais j’avais besoin d’un team spirit, et pour ce faire je devais changer des choses. Ça s’est très bien passé pour l’Euro 2016 où l’on a été éliminés en 8es de finale face à une équipe belge bien trop forte pour nous. Après, pour les qualifications à la Coupe du monde en Russie, ça n’a plus fonctionné. Le problème est que les joueurs ne m’appartenaient pas. Je n’étais pas responsable de leur travail au quotidien. Je n’avais donc pas le temps de les développer à ma façon pour la Coupe du monde. Quand ils revenaient de leurs clubs, physiquement c’était un désastre et je n’avais pas d’emprise sur leur travail quotidien. En Hongrie, ce n’était pas comme en Allemagne, ce n’était pas la même façon de procéder, ils ont une autre manière de travailler. Quand j’en parlais à la Fédération, ils étaient au courant mais c’était très difficile de tout changer. Quand je regarde maintenant leur parcours en Nations League, je ne vois pas d’évolution et je suis très sceptique pour la qualification à l’Euro 2020.”
Il a été éliminé par les Diables
Quand il est arrivé au poste d’entraîneur à Mouscron, le seul souvenir que nous pouvions avoir de Bernd Storck était celui du match face à la Hongrie en 8es de finale à l’Euro 2016. Une rencontre qui s’était soldée sur le score de 4-0 en faveur des Diables, mais le score ne reflétait pas vraiment la physionomie de la rencontre vu les difficultés que les Hongrois avaient su poser aux hommes de Marc Wilmots à l’époque. “Nous avions abordé ce match avec beaucoup d’envie. À ce moment-là, la Belgique était numéro 2 au classement Fifa et c’était Marc Wilmots le coach. Il a vraiment fait un travail fantastique avec cette équipe. C’était la meilleure équipe de tous les temps pour la Belgique, avec uniquement des gros noms dans l’effectif. C’était vraiment très difficile pour nous, ce match et nous savions que ce serait difficile de passer le cap des 8es. Par contre, nous étions contents de tirer la meilleure des 16 équipes qu’il restait. Le résultat était clair à la fin du match mais je trouve que pendant la rencontre c’était assez fermé comme match jusqu’à la 75e.”
Il a déjà vécu la même situation qu’à Mouscron
En 2008, Bernd Storck a repris le club kazakh du FC Alma Ata qui pointait alors en 15e position sur 16 à la fin du premier tour du championnat. La seule différence avec le championnat belge, c’est qu’il n’y avait pas un mais bien quatre descendants à la fin du championnat dans cette première division kazakhe. Une situation qui a des airs de ressemblances avec celle de Mouscron lorsqu’il est arrivé au club, comme il l’explique. “Peu de personnes en ont parlé lorsqu’elles évoquaient ma carrière mais au Kazakhstan, c’était assez similaire à la situation que j’ai pu connaître à mes débuts à Mouscron. Il y avait 8 points d’écart entre nous et le premier non-descendant qui était en onzième position. À la fin de la saison, nous avons terminé à la 8e place au classement. En plus de cela, j’ai été en finale de la Coupe du pays. J’étais, pendant ce temps-là, également le coach de l’équipe nationale du Kazakhstan. Nous avons fait ce fantastique job avec une des plus jeunes équipes du pays.”