Mauvais état des terrains en Pro League: "Obligeons les clubs à utiliser 1% de leur budget pour la pelouse"
Les terrains en Pro League ont souvent fait parler ces dernières semaines. Et rarement en bien. On a discuté du triste état de nos pelouses avec Thierry De Jonghe, meilleur jardinier en titre du football belge.
- Publié le 01-03-2019 à 06h45
- Mis à jour le 01-03-2019 à 12h52
Les terrains en Pro League ont souvent fait parler ces dernières semaines. Et rarement en bien. On a discuté du triste état de nos pelouses avec Thierry De Jonghe, meilleur jardinier en titre du football belge. La relégation de Lokeren en D1B risque d’être officielle ce week-end. Samedi si Waasland-Beveren gagne à Ostende. Dimanche si Anderlecht n’est pas battu à Daknam.
Et ce n’est pas la seule mauvaise nouvelle. Lokeren a perdu l’unique élément que toute la Pro League lui enviait : Thierry De Jonghe, élu meilleur jardinier du football belge la saison passée lors du Gala du Footballeur Pro.
Le mois dernier, cet Anversois de 33 ans a accepté de rejoindre De Ceuster, société qui s’occupe ou conseille plusieurs clubs de l’élite, dont Anderlecht, Charleroi, Mouscron et l’Antwerp. Avec l’espoir d’améliorer l’état général des pelouses dans les stades.
Pourquoi les pelouses en Pro League semblent généralement si mauvaises ?
"On a de très bons jardiniers dans tous les clubs de Pro League mais ils ne peuvent pas faire de miracle. Pour avoir un bon terrain, il faut y mettre les moyens financiers. Ce n’est pas souvent le cas en Belgique. Heureusement, les grands clubs commencent à s’en rendre compte."
Pourquoi un petit club comme Lokeren parvient à avoir une meilleure pelouse que les grands ?
"La configuration du stade avec les coins ouverts aide bien. Mais il faut préciser que la pelouse de Lokeren n’est plus la meilleure de D1A, selon moi. C’est devenu impossible car les U21 y jouent aussi et l’équipe A s’y entraîne deux fois par semaine."
Quel club a la meilleure pelouse actuellement ?
"Je pense que Genk, Gand et Anderlecht ont un meilleur terrain que Lokeren."
La nouvelle pelouse d’Anderlecht, posée pendant la trêve hivernale, a pourtant été critiquée par les joueurs eux-mêmes.
"Oui, il a fallu du temps mais la pelouse a finalement bien pris. Mais ce n’est que du provisoire à Anderlecht car le problème est plus profond. Le chauffage sous le terrain, installé en 2009, va mal et il y aura d’importants travaux effectués après la saison. La direction est prête à investir pour avoir une belle pelouse qui tient sur la longueur."
Le Club Bruges, champion en titre, évolue sur un champ de patates. Ça doit faire encore plus mal aux yeux d’un jardinier comme vous.
"Bruges vient d’engager un jardinier anglais. Il faut lui laisser le temps de connaître ce terrain mais je suis certain qu’on verra le résultat à Bruges dès la saison prochaine, même si deux clubs jouent sur cette pelouse. L’Antwerp, Gand et Genk ont aussi compris l’importance de mettre les moyens pour leur pelouse. Ils se rendent compte que c’est plus malin d’investir à long terme dans du bon matériel et bon suivi plutôt que d’acheter une nouvelle pelouse chaque année."
Combien ça coûte d’avoir un bon terrain ?
"À Lokeren, le budget annuel pour le terrain était de 30 à 40 000 €, sans compter les frais de personnel. En Premier League, c’est 10 à 15 fois plus. Prenons l’exemple d’Arsenal : quatre jardiniers travaillent full-time sur la pelouse du stade. Grâce à mon titre de jardinier de l’année, j’ai aussi eu la chance d’aller voir comment travaillait le Real Madrid. Il y a 54 employés dans le club pour s’occuper des terrains d’entraînements et de la pelouse du stade, 54 ! C’est plus que dans tous les clubs de Pro League réunis."
Avec plus de moyens financiers, notre championnat pourrait donc avoir des billards ?
"Bien sûr ! Je plaide depuis des années pour qu’un critère soit ajouté pour l’obtention de la licence : obliger les clubs à dépenser 1 % de leur budget total dans la pelouse. C’est un tout petit pourcentage mais ça permettrait d’avoir une vraie amélioration. C’est important pour la qualité du jeu proposé et pour l’image de notre championnat."
La Pro League réfléchit à interdire les pelouses synthétiques. Qu’en pensez-vous ?
"Avoir un terrain synthétique, c’est nécessaire dans un centre d’entraînement. Ça permet d’avoir un terrain qui reste correct quand les conditions climatiques sont très mauvaises. Mais je suis contre les synthétiques dans les stades. Sur ce genre de surface, le football devient un autre sport."
Saint-Trond affirme qu’il est impossible de mettre autre chose qu’un synthétique vu le parking sous le stade.
"C’est vrai que c’est compliqué mais ce n’est pas totalement impossible non plus. Ça demanderait juste de très gros travaux et donc un gros investissement. L’Ajax a un immense parking sous son terrain, c’est donc faisable."
Quel jardinier vous succédera au palmarès à la fin de saison ?
"J’espère que le jardinier de l’Antwerp remportera le titre, c’est un jeune passionné que je connais bien. Mais je pense qu’il reviendra au jardinier de Genk. C’est le meilleur terrain actuellement en Belgique."
Ce titre de meilleur jardinier du football belge a-t-il un réel impact ou est-il purement symbolique ?
"Grâce à ce titre, j’ai reçu trois offres concrètes, dont une en Turquie. C’était flatteur mais je ne me voyais pas partir si loin avec toute ma famille. Enfin, le Real Madrid peut quand même toujours me téléphoner (rires)."