Les vérités de Kris Wagner: "Certains n’ont rien compris au rôle du Procureur de l'Union Belge"
Sous le feu des projecteurs depuis son entrée en fonction le 1er janvier 2019, Kris Wagner répond aux critiques le concernant.
- Publié le 25-04-2019 à 06h58
- Mis à jour le 25-04-2019 à 08h52
Sous le feu des projecteurs depuis son entrée en fonction le 1er janvier 2019, Kris Wagner répond aux critiques le concernant. L’affaire du doigt d’honneur de Carcela ? C’est lui. Les sept matchs de suspension proposés à Malinovskyi ? C’est lui. Le réquisitoire concernant le "footgate" ? C’est lui. Il n’est en poste que depuis le 1er janvier 2019 (il a succédé à Marc Rubens) mais Kris Wagner, le nouveau procureur fédéral de l’Union belge, a déjà fait beaucoup parler de lui. Celui que Peter Bossaert, le CEO de l’Union belge (UB), qualifie de "poids lourd en droit" a choisi La DH pour répondre aux critiques qui lui ont été adressées ces dernières semaines. Et livrer ses vérités en tordant le cou à des idées qui ont circulé.
1. "KRIS WAGNER A PERDU TOUT SON CRÉDIT DEPUIS LES AFFAIRES CARCELA ET MALINOVSKYI"
Deux matchs pour Mehdi Carcela (Standard). Sept matchs pour Ruslan Malinovskyi (Genk). Telles étaient les demandes de sanctions du procureur fédéral dans les deux affaires qui ont fait grand bruit. Finalement, aucun des deux joueurs n’a écopé de la moindre rencontre de suspension après le passage devant la Commission des litiges. Ce qui, pour certains, a complètement décrédibilisé Kris Wagner.
"Moi, j’ai tout simplement fait mon travail, rétorque le principal intéressé. Dans l’affaire Carcela, il a évidemment fallu prendre en compte les limites du règlement (soulevées par le Standard, NdlR). Mais cela fait partie du rôle du procureur de défendre sa thèse dans l’intérêt général du football, en proposant une interprétation légèrement plus large du réglement. Un bon procureur ne doit pas éviter le combat en pensant à son intérêt personnel. Ce serait une attitude impardonnable. Soit on fait son travail correctement, soit on fait autre chose."
Le cas Malinovskyi, lui, a soulevé son lot de critiques, que Kris Wagner estime injustifiées. "J’ai l’impression que certains n’ont rien compris au rôle du procureur UB. Quand le rapport de l’arbitre mentionne un coup intentionnel dans le visage d’un adversaire, avec un esprit de revanche, en direction de l’œil, qui est une partie les plus sensibles du corps humain, ce n’est pas mon rôle d’aller le mettre en doute. Le procureur doit poursuivre et requérir conformément à ce que dit le rapport de l’arbitre. Et pour un coup intentionnel, le tableau de sanctions de la Pro League, qui a été signé par tous les clubs, prévoit un degré de sanctions de deux à huit matchs de suspension. Sept matchs, ce n’était donc pas démesuré."
Malgré un réquisitoire de plus de deux heures de la part du procureur, la Commission des litiges n’en a finalement donné aucun. "Le procureur poursuit, la défense défend et la Commission des litiges décide. Dans ce cas précis, il a été estimé qu’il y avait un doute raisonnable quant à l’intention de M. Malinovskyi. Dans cette hypothèse, la seule décision possible était de ne pas suspendre le joueur. Je la respecte et je n’ai d’ailleurs pas fait appel car j’avais obtenu ce que je voulais : un procès équitable et un résultat honnête. C’est la seule chose qui m’intéressait. Et je peux vous dire que certains grands juristes belges et certaines personnes du football m’ont soutenu et m’ont félicité pour mon travail."
2. "KRIS WAGNER N’A JAMAIS JOUÉ AU FOOTBALL ET N’Y CONNAÎT RIEN"
Ces dernières semaines, plusieurs analystes, principalement au Nord du pays, ont taclé Kris Wagner dans les médias en estimant qu’il ne connaissait rien au football. "Mais j’y ai pourtant joué, sourit le procureur UB. À un niveau modeste, et il s’est vite avéré qu’il n’y avait pas chez moi une abondance de talent. Mais c’est suffisant pour développer un certain feeling avec le football. Mais en tant que procureur fédéral, je ne pratique pas le football mais le droit. Et essentiellement le droit disciplinaire."
Qui ne prend pas en compte les impératifs sportifs ou de calendrier des clubs. "Dans cette optique, la justice est aveugle, si je peux m’exprimer ainsi. Qu’un joueur manque un match important pour son équipe, ce n’est pas mon problème. Certains supporters ou certains analystes ont pris l’habitude d’analyser les choses d’une perspective tactique ou stratégique et soutiennent même certaines manœuvres délibérées pour nuire à un joueur ou un club. Mais le parquet fédéral ne se pose pas ce genre de questions. Il est même possible que je ne sois pas au courant du calendrier à venir ou de l’importance d’un joueur dans une équipe. Et si je le suis, je ne dois pas en tenir compte, dans l’intérêt d’une justice impartiale. Je le répète, mon métier, c’est le droit, pas le football."
Ce qui n’empêche pas Kris Wagner d’être un passionné du ballon rond. "C’est un sport fascinant, qui représente une métaphore de la vie elle-même. J’adore regarder les rencontres à la télévision et j’aime me rendre dans les tribunes pour avoir un certain feeling avec ce qu’il peut s’y passer. Mais j’essaie de ne pas trop souvent aller voir un club bien précis pour ne pas créer l’impression que j’ai une préférence."
3. "KRIS WAGNER EST UN SUPPORTER DU CLUB BRUGES"
Cette préférence, justement, certains en on fait état en estimant que Wagner était un supporter du Club Bruges… puisqu’il prenait des décisions pouvant potentiellement nuire au Standard et à Genk. "Mais c’est un mythe, une rumeur. Je me souviens avoir été à Bruges une fois étant enfant. Après cela, j’y suis allé aussi à l’une ou l’autre reprise pour plaider", explique ce diplômé de la KU Leuven et d’Harvard, membre du barreau depuis 1995. "Je n’ai aucun lien avec cette ville ni avec le club, dont je n’ai encore jamais visité le stade. D’ailleurs, je ne suis supporter d’aucune équipe… si ce n’est les Diables rouges, évidemment." Que Wagner soutient en tant que citoyen belge presque modèle. Personne ne sait d’ailleurs s’il est francophone ou néerlandophone. "Mon papa vient de la région de Bastogne, ma maman d’Anvers, et ils se sont rencontrés au Congo. Si, un jour, une guerre éclate entre la Flandre et la Wallonie, ma main gauche devra se battre avec ma main droite. J’ai vécu en Flandre, à Bruxelles, et désormais je vis en Wallonie. Donc je n’ai pas plus d’affinité avec une région qu’avec une autre."
4. "KRIS WAGNER PREND SES DÉCISIONS SEUL SANS CONSULTER PERSONNE"
Comme chacune de ses propositions est scrutée, le procureur du parquet fédéral de l’Union belge est forcément très exposé. Mais il n’est pas seul à prendre les décisions. "Il y a toute une équipe autour de moi", explique Kris Wagner. Au total, le parquet UB se compose d’une douzaine de personnes, une partie s’occupant du foot professionnel, l’autre du football amateur. "Si on cumule les années d’expérience, notre équipe se compose de plus d’un siècle d’expérience au niveau juridique et d’un demi-siècle d’expérience en matière disciplinaire de football. Et chaque décision prise est collective. Elle est le fruit d’un échange de mails où chacun peut intervenir, proposer, améliorer, apporter des précisions. Puis la décision finale est signée par le procureur UB."
Kris Wagner, en l’occurrence, qui a opté pour une grande transparence depuis son entrée en fonction. "Chacune de mes décisions est motivée à l’avance et envoyée au club par respect des droits de la défense. Il est primordial que chacun sache avec précision ce qui lui est reproché pour préparer au mieux sa défense. Libre alors au club de porter le débat ou non sur la place publique en transmettant les motivations à la presse."
Ce qui est embêtant ? "Pas forcément, termine Kris Wagner. Un débat public préalable ne nuit pas nécessairement à la sérénité des débats."
Qui, avec lui, sont souvent animés.