Le Trudonnaire Alexandre De Bruyn se livre: "Je traînais Porte de Namur à 3 h du matin, c’était mort pour moi"
Alexandre De Bruyn, révélation à Saint-Trond cette saison après avoir été une grande promesse d’Anderlecht, se confie dans un monologue poignant.
- Publié le 18-10-2019 à 08h32
- Mis à jour le 18-10-2019 à 08h34
Alexandre De Bruyn, révélation à Saint-Trond cette saison après avoir été une grande promesse d’Anderlecht, se confie dans un monologue poignant. Nous sommes au mois de mai 2013. Herman Van Holsbeeck convoque deux gamins dans son bureau à Neerpede. Il leur annonce qu’ils sont promus dans le noyau A de John van den Brom pour la saison suivante. Le premier s’appelle Youri Tielemans ; le second, Alexandre De Bruyn.
Un peu plus de six ans plus tard, Tielemans joue en Premier League et a déjà connu une Coupe du monde. De son côté, De Bruyn est titulaire en Pro League pour la première fois de sa carrière. Après avoir connu le foot amateur et même une année sans club.
Une trajectoire étonnante qu’il a pris le temps de nous raconter dans la salle des joueurs à Saint-Trond, avant d’affronter le Sporting pour la toute première fois de sa carrière ce dimanche. Un monologue en onze chapitres plein de franchise, entre Jorge Teixeira qui regardait un match de tennis sur son GSM et Bram Verbist qui faisait le débriefing de l’entraînement des gardiens.
1) "J’ai le record de kilomètres parcourus en Pro League"
"J’ai commencé le foot à 8 ans. Mon père m’a inscrit à Anderlecht mais dans les équipes provinciales du Heysel. Je n’arrêtais pas de bouger et je n’étais jamais fatigué. C’était juste pour que je puisse me défouler. Un jour, on a fait un amical contre les Nationaux de Neerpede. À la fin du match, le coach m’a dit que j’allais venir faire un test et je n’ai plus quitté Neerpede. Malgré tous les entraînements, je n’étais quand même jamais fatigué. C’est quelque chose d’inné. Remco Evenepoel a un peu la même chose, je pense, mais c’est quand même plus chouette avec un ballon (sourire) . Cette capacité à courir sans arrêt reste encore aujourd’hui. J’ai le record actuel de kilomètres parcourus sur un match en Pro League : 13,5 sur la pelouse du Standard. J’avais marqué, en plus, ce jour-là."
2) "Januzaj était le plus fort d’une superbe génération"
"En arrivant chez les Nationaux à Neerpede, j’ai intégré une superbe équipe. Il y avait Januzaj, Jordan Lukaku, Roef, Heylen, Kabasele et le regretté Junior Malanda. Souvent, on ne perdait pas un seul match sur la saison. Celui qui m’impressionnait le plus, c’était Januzaj. Quand il est parti à Manchester United, je n’ai pas été surpris. Il y avait un autre garçon incroyablement fort : Tortol Lumanza. Il jouait en attaque à l’époque. Il joue aujourd’hui en Norvège. C’est un mystère de ne pas le voir plus haut."
3) "Je dis non à Lille et à Villarreal pour signer au RSCA"
"En 2012, j’allais avoir 17 ans. Les choses se passaient bien pour moi. On avait joué un tournoi en France, où j’avais été désigné meilleur joueur. On avait été battus en finale par Villarreal et le coach espagnol était venu me parler ensuite. Il voulait que je vienne dans son équipe l’année suivante. Je pensais que c’était des paroles en l’air mais Villarreal avait bien contacté Anderlecht. J’ai décidé de rester. Je suis quand même allé faire un test à Lille parce qu’Eden Hazard sortait de là et que je me disais que ça devait être le top des centres de formation. Après mon test, Lille voulait me garder mais j’ai refusé. J’étais dans une chambre tout seul et ce n’était pas pour moi. Divock Origi et Junior Malanda, eux, sont restés. J’ai signé pro à Anderlecht, où l’on m’offrait des bonnes garanties financières et sportives."
4) "Deux fois la même blessure aux deux genoux, l’horreur"
"On m’appelle dans le noyau A mais je suis freiné par les blessures. Deux fois au genou. D’abord après un contact avec le gardien. Luxation de la rotule du genou droit. Je suis sur la touche pour quatre-cinq mois mais je m’accroche et je reviens. Au premier entraînement collectif, j’entends un grand ‘clac’ après un duel tout bête avec un défenseur : luxation de la rotule du genou gauche. Pile la même blessure, mais à l’autre jambe. L’horreur. J’étais vraiment dégoûté. J’en avais marre et j’ai mis beaucoup de temps pour me soigner, près d’un an et demi. Mon contrat pro de trois ans arrivait à son terme à Anderlecht. Le club voulait me prolonger pour trois ans mais il y a eu une embrouille dans les bureaux entre mon agent et la direction. Je n’étais pas présent. Subitement, il n’y avait plus de nouveau contrat."
5) "J’étais trop jeune mais l’avortement est un péché"
"C’est à cette période que je suis devenu papa. Je n’avais que 21 ans. Je n’étais pas prêt à avoir un enfant mais je suis très croyant et l’avortement est un péché pour moi. On l’a gardé et je suis très fier de mon petit Nathan aujourd’hui. Au départ, c’était compliqué. Je préférais traîner avec mes potes que de rester à la maison pour m’en occuper. J’ai vraiment eu le déclic quand il y a eu les premières vraies interactions, quand il a marché et parlé. Maintenant, je suis tout le temps à la maison à Saint-Trond avec ma famille. On vient d’avoir un deuxième avec ma copine, une petite Naïa."
6) "Je traînais la nuit sans rien faire de mal, je glandais"
"Avec les blessures et le bébé, je n’avais plus la tête au football. Je traînais dans la rue jusqu’à très tard. Parfois 3 h du matin à la Porte de Namur. Je ne faisais rien de mal, juste glander. Je n’avais plus de salaire qui tombait. Heureusement que mes parents étaient là. Sans leur aide, on n’aurait pas pu s’en sortir, avec ma copine et le petit. Mes parents devaient se tracasser pour mon avenir mais ils ne me le disaient pas. Ils m’encourageaient à encore croire dans ma carrière de footballeur. Ou alors à me préparer à un autre job. Ma mère essayait parfois d’aborder le sujet mais je refusais d’en parler. Je ne voulais pas. J’avais arrêté l’école en troisième secondaire. Je m’étais toujours focalisé sur le foot. Je me suis un peu réveillé à ce moment-là et je suis allé m’entraîner à Berchem, dans l’académie de Seth Nkandu, où il y avait d’autres joueurs au chômage."
7) "Heureusement que le frère de Pelé Mboyo m’a sauvé"
"Ma chance, ce fut d’avoir croisé la route d’Hervé Ilombe Doucouré. C’est le frère de Pelé Mboyo. Il est agent et il croyait en moi. Mboyo lui avait parlé de moi ; Anthony Vanden Borre, que j’avais côtoyé en Réserve à Anderlecht, aussi. Hervé m’a promis qu’il allait arranger quelque chose pour moi. Je n’y croyais pas. Je lui disais d’arrêter de chercher, que ça ne servait à rien. Je pensais que le foot, c’était mort pour moi. Il m’a couru après pendant un an. Il m’appelait : ‘Viens, on va s’entraîner.’ Et moi, je raccrochais… Heureusement qu’il n’a pas lâché. Puis, un jour, il m’a obtenu un test à Nancy puis un autre à Lommel. Je ne me sentais pas heureux en France, ma famille me manquait. J’ai préféré Lommel. Je me suis un peu entraîné pour le test et l’entraîneur m’a pris. Sans ça, je serais toujours dans la rue. Je dois beaucoup à mon agent."
8) "On m’a reproché ma proximité avec Vanden Borre"
"J’ai retrouvé du plaisir à Lommel. Que ce soit en D1B ou en D1 amateur. J’ai senti que je pouvais revenir au plus haut niveau. C’était mon objectif. Je sentais aussi que j’avais changé mentalement. À Anderlecht, j’avais vraiment un sale caractère. Je m’engueulais avec les kinés, les coachs… J’étais un rebelle. La paternité m’a fait du bien. Je n’étais plus dans le conflit permanent comme avant. Je suis calme sur le terrain, sauf si l’on me cherche, évidemment (sourire) . À Lommel, Mboyo et Vanden Borre venaient parfois me voir. Au départ, ce sont des amis de mon cousin, Thomas Weydisch. Ils jouaient ensemble chez les jeunes du RSCA. Quand Anthony a été rétrogradé dans le noyau B d’Anderlecht après sa fameuse interview, on a appris à se connaître et on est devenus potes. On traînait souvent ensemble et on me l’a reproché au Sporting. Pourtant, on ne faisait rien de mal. On s’entraînait très bien. Juste qu’on s’entendait bien. Anthony a prouvé qu’on pouvait revenir au haut niveau malgré une période sans club. Et là, je suis persuadé qu’il va encore réussir à revenir. Mentalement, il est très fort."
9) "Un policier m’a couru après à l’Antwerp"
"J’ai eu un petit souci lors d’un match à l’Antwerp avec Lommel. On avait gagné 0-1. Juste après le coup de sifflet final, j’ai vu ma famille dans la tribune. Je l’ai saluée en serrant le poing. Sauf que ma famille se trouvait au beau milieu des supporters de l’Antwerp. Je ne savais pas qu’il y avait des malades là (rires) . On m’a insulté. J’ai encore plus levé les bras au ciel et… un policier a commencé à me poursuivre. Mes équipiers m’ont dit de filer au vestiaire. Là, j’ai su régler les choses grâce à mon ami Nicaise Kudimbana, qui était gardien à l’Antwerp. Il a calmé tout le monde. Il faut dire que tout le monde a peur de la carrure de Kudi (rires) . La police voulait me donner une amende pour un doigt d’honneur. Heureusement, ma famille avait filmé et on voyait que je n’avais rien fait de tel. On est retournés à l’Antwerp cette saison mais les supporters m’avaient oublié."
10) "Bizarre ce que Gand disait sur moi…"
"Après ma deuxième saison à Lommel, mon agent m’a dit que Gand et Saint-Trond me voulaient. À Gand, c’était bizarre. Les dirigeants disaient que j’avais encore des problèmes de genou. Ce qui était faux. C’est surtout parce que Gand avait trop de joueurs à ce moment-là. Ils devaient attendre d’en vendre pour me prendre. J’ai préféré Saint-Trond de toute manière. Je ne voulais pas faire un trop gros pas en avant depuis Lommel. Il y a eu un petit souci au moment du transfert. J’étais normalement gratuit mais Lommel m’avait fait signer un papier qui annulait cette clause. Je n’avais même pas lu le papier, une erreur de ma part… Heureusement, les deux clubs ont trouvé un accord."
11) "Legear dit que j’ai du De Bruyne en moi"
"À Saint-Trond, j’ai beaucoup appris avec Jonathan Legear la saison dernière. Il croyait beaucoup en moi. Il me disait que j’avais du Kevin De Bruyne en moi, avec ma technique et ma frappe de balle. Bon, je suis encore très, très loin de lui. C’est un joueur de classe mondiale. Même s’il n’y a qu’une petite lettre qui nous sépare dans notre nom. On n’arrête pas de me demander si c’est mon frère ou mon cousin. Je ne compte plus les messages sur Instagram et Facebook avec juste cette question. Maintenant, je ne réponds plus (rires) . Legear me disait de ne pas lâcher et de bien bosser. Il avait raison. Avec le coach Marc Brys, j’ai appris à aimer travailler. À Anderlecht et à Lommel, je me reposais trop sur mes qualités. Ce n’est pas suffisant en D1A."