Lamkel Zé, le fou (génial) de l’Antwerp
Didier Lamkel Zé (22 ans) est une énigme, capable du pire comme du meilleur. Tentons de percer le mystère.
- Publié le 15-09-2019 à 08h16
- Mis à jour le 15-09-2019 à 12h02
Didier Lamkel Zé (22 ans) est une énigme, capable du pire comme du meilleur. Tentons de percer le mystère. Les grands noms ne manquent pas à l’Antwerp : Defour, Mirallas, Mbokani, Bolat… Mais le joueur dont on parle le plus est un Camerounais de 22 ans arrivé de Niort l’été passé. En un peu plus d’un an chez nous, Didier Lamkel Zé est connu partout. Chez les supporters de l’Ant-werp, il est même déjà devenu un joueur culte. Pourquoi ? Parce qu’il est très talentueux. Parce qu’il est spectaculaire. Et parce qu’il est fou. La preuve.
Dans le noyau B, il veut rigoler avec Bölöni
La scène se déroule le 16 juillet dernier. Laszlo Bölöni est dans l’un des salons du stade en compagnie de quatre journalistes pour une interview. Le coach roumain est dos à la vitre qui donne sur un couloir. Soudain, il entend frapper à la fenêtre. De plus en plus fort. Les journalistes rigolent. "Vu vos rires, je peux deviner qui c’est…", souffle Bölöni, sans un sourire. "C’est un comportement que je n’accepte pas. Quand tu as causé autant de tracas à un club, moi y compris, tu la fermes !"
Et pour cause, Didier Lamkel Zé est alors dans le noyau B de l’Antwerp. Une punition pour avoir manqué la reprise des entraînements. Dans un cas comme ça, le joueur se cache, en règle générale. Et surtout, il ne cherche plus à faire de vagues. Mais Lamkel Zé voit les choses différemment…
Pas d’augmentation ? Provoc’ à la Côte d’Azur
S’il a manqué la reprise des entraînements cet été (et envoyé dans le noyau B donc), ce n’est pas pour rien. Lamkel Zé était fâché sur la direction qui n’avait pas accepté sa demande d’augmentation de salaire. Payé 25 000 € par mois, il avait exigé le… quintuple après de bons playoffs. Non, évidemment, mais il avait reçu une prime à la place. Insuffisant à ses yeux.
Le jour de la reprise des entraînements, Lamkel Zé n’était pas sur le terrain mais sur la Côte d’Azur avec son jeune équipier Nando Nöstlinger. Via de nombreuses vidéos Instagram, il provoquait les dirigeants anversois. Il a fini par revenir dans le noyau A après sa punition.
Si l’argent est si important pour le Camerounais, c’est pour deux raisons : il a sept frères et sœurs à aider au pays et il ne sait pas gérer son argent. "Il a encore beaucoup à apprendre dans la gestion de ses finances", soupire Frédéric Gounongbe, l’ancien attaquant qui tente d’accompagner Lamkel Zé au quotidien.
Il s’est déjà battu trois fois à l’entraînement
Le noyau B, Lamkel Zé le connaît bien. Il y avait déjà goûté pendant sa première saison quand il avait mis un coup de poing à Jelle Van Damme. L’ancien d’Anderlecht et du Standard s’était relevé avec un œil au beurre noir. Les deux hommes ne s’adresseront plus la parole. Tout juste se diront-ils bonjour pendant la suite de la saison.
Une bagarre à l’entraînement, ce n’était pas nouveau pour le Camerounais. C’était déjà arrivé à Niort, club de Ligue 2 où il s’est révélé après une formation dans une académie de Douala puis un passage à Lille. "Sur les deux fois où je l’ai mis dans le noyau B, il y a une fois où c’était à cause d’une bagarre", détaille Denis Renaud, son entraîneur en France.
Il fait perdre un million à ses équipiers
Depuis le début de sa carrière, Lamkel Zé a été exclu à quatre reprises. Souvent stupidement. Et ce n’est pas ce qu’il s’est passé contre l’AZ en préliminaires de Ligue Europa qui va changer sa réputation. Averti, il part fêter son but avec les supporters. Au lieu d’envoyer l’Antwerp en phase de poules, il prend un second carton jaune. Déjà réduits à dix, les Anversois craquent à neuf contre onze.
Au lieu de faire profil bas après sa rouge, Lamkel Zé enlève son maillot et l’affiche bien haut, pour que tout le monde retienne son nom. Un comportement qui passe très mal dans le vestiaire anversois. Pour beaucoup, il est responsable de l’élimination. Un coup dur sportif et financier pour les joueurs. La direction avait promis un pot d’un million à se partager si les poules étaient atteintes.
Sa troisième bagarre à l’entraînement arrive dans la foulée : ce sera avec un Sinan Bolat furieux. Là encore, Lamkel Zé est puni et écarté du groupe pour quelques jours.
D’Onofrio le soutient et croit en lui
Avec tout cela, vous vous demandez sans doute pourquoi Lamkel Zé est encore à l’Ant-werp ? Grâce à un homme : Lucien D’Onofrio, le grand patron sportif. Il croit beaucoup dans le talent du Camerounais. Il est aussi bien conscient que le joueur est encore jeune. Il doit encore apprendre à gérer la transition entre le football chez les jeunes, où il était sévèrement encadré dans son académie au Cameroun, et celui des adultes, où il a beaucoup de libertés en dehors des entraînements.
"Sans le soutien de D’Onofrio, il aurait déjà été mis dehors", confirme son ex-agent Laurent Djaffo. "Didier peut se laisser emporter par la fougue des supporters chauds de l’Antwerp. Et comme les adversaires ont remarqué son caractère, ils tentent de le provoquer au maximum."
S’il parvient un jour à se cadrer, Lamkel Zé peut aller très loin. Lors d’un test à Lyon, juste après un autre à Anderlecht, quand il sortait de l’académie au Cameroun, il avait séduit la direction. Certains estimaient même qu’il était plus fort que Nabil Fekir, pourtant devenu international A avec les Bleus. D’Onofrio le sait et espère un jour réaliser un transfert ronflant avec Lamkel Zé.
Il jouait avec la chaise roulante d’un équipier blessé
Coups de folie, bagarres, argent perdu : comment Lamkel Zé est-il aujourd’hui vu par le vestiaire anversois ? Plutôt bien ! Même si certains gardent la dent dure, difficile de lui en vouloir longtemps apparemment. "Il est un peu fou", sourit son ancien équipier Geoffry Hairemans. "Mais ce n’est pas un mauvais gars. On peut bien s’amuser avec lui."
Il est même l’ambianceur officiel du club. Quand un de ses équipiers est arrivé au club en chaise roulante après une blessure, il lui a dérobé l’engin pour faire des tours en rigolant comme un enfant. Et qui se promène en slip partout dans le stade ? Et qui est tellement amoureux de sa Playstation qu’il garde même la manette pendant une interview ? Sacré personnage, quand même.