Simon Deli, le roc brugeois se confie avant la réception du PSG: “Le Slavia a fait de moi une légende”
Simon Deli a dû se battre pour devenir le bon défenseur du Club Bruges qu’il est aujourd’hui.
- Publié le 22-10-2019 à 07h03
- Mis à jour le 22-10-2019 à 12h02
Simon Deli a dû se battre pour devenir le bon défenseur du Club Bruges qu’il est aujourd’hui. "Mon père et ma sœur ainée ont joué au basket. Dieu m’a inoculé le don du foot. Dès mon plus jeune âge, j’ai adoré le ballon rond. Je n’avais pas élu d’idole à proprement parler mais je me pâmais devant les vidéos des stars européennes. J’appréciais le toucher de balle des uns, les interventions défensives des autres. J’étais fou de Zidane et de Maldini. De Rivaldo aussi, un des surnoms dont on m’a affublé. Et, bien sûr, j’admirais Drogba, mon grand frère. Il me faisait rêver. Il est un de ceux qui ont ennobli l’image du football de Côte d’Ivoire. Tous ces talents m’ont inspiré."
Ces fugaces réminiscences ont allumé les yeux de Simon Deli. Le défenseur du Club Bruges replonge dans sa jeunesse : "Comme bien d’autres, j’ai touché mes premiers ballons dans la rue. J’avais 12 ou 13 ans. Je disputais les matchs informels pieds nus. J’évoluais en pointe. J’étais très longiligne mais je n’avais pas de muscles."
L’Ivoirien fut alors victime d’un premier signe du destin: "Un jour, un grand frère m’a percuté. Je suis tombé sur le dos. Le bas de ma colonne vertébrale a encaissé le choc. J’ai été longtemps immobilisé. Dans mon lit, j’ai eu le temps de gamberger. Quand j’ai recouvré ma mobilité, j’ai estimé que j’avais encaissé trop de coups comme attaquant. J’ai voulu devenir défenseur. Pour me faire respecter, à mon tour."
Près de quinze ans plus tard, Simon Deli avoue : "Je pense que, si je n’avais pas été blessé, je serais resté attaquant. J’ai toujours admiré les joueurs offensifs, comme Messi. Je savoure leur sens du jeu. J’aurais aimé tenter de les copier. Qui sait : ma carrière se serait peut-être emballée davantage encore..."
Le défenseur du Club débuta à l’Africa Sports à l’âge de 16 ans, en équipe réserve, avant d’intégrer une académie pendant un an. À 18, 19 ans, il émigra en Europe, au Sparta Prague : "J’y ai effectué un essai en décembre. J’y ai découvert la neige. L’essai s’est révélé concluant mais j’ai été contraint de revenir en Côte d’Ivoire : les dirigeants d’Africa Sports m’ont retenu."
Au grand étonnement de l’Ivoirien, le Sparta patienta. Simon Deli avait 20 ou 21 ans quand il se lia au club praguois, en 2013. "Les choses ne se sont pas passées comme je l’avais espéré. Je n’ai pratiquement pas évolué en équipe A. On ne m’expliquait rien. Aujourd’hui encore, j’ignore la raison de cette mise à l’écart. J’étais en revanche indiscutable en réserve. J’y officiais comme défenseur central et parfois comme médian défensif."
Simon Deli demanda à être prêté. Il partit, d’abord, à Budejovice, en D2, pour six mois. Sa situation au Sparta n’avait pas évolué mais le club ne voulait toujours pas le libérer. L’agent de Deli tenta sa chance en France, à Luzenac : "Le club avait des soucis avec la Ligue. J’ai dû revenir à Prague."
Deli fut mis à pied. Il dut s’entraîner seul. Courir sans relâche avec un préparateur physique. "Ce dernier a fini par avoir pitié de moi. Il m’a exhorté à chercher une solution à l’amiable. Le président m’a convoqué. Il ne comprenait pas ma situation car j’avais bonne presse au sein du club."
Tout le monde l’appréciait. Seul l’entraîneur le boudait : "Il m’a convoqué à deux reprises dans son bureau, après la douche. Les deux fois, il a brillé par son absence. Il a menti au président en prétendant qu’on s’était ‘fritté’ à l’entraînement. Je suis tombé des nues en l’apprenant."
Simon Deli fut ensuite prêté au FK Pribram, toujours en D2, en 2015: "J’ai ai disputé sept matchs."
C’est là que le Slavia Prague l’a repéré. Simon Deli allait y lancer sa carrière: "J’en avais gros sur le cœur. Le fait que le Slavia soit le grand rival du Sparta a fait pencher ma balance en sa faveur."
Deli y a évolué, avec une réussite allant crescendo, pendant quatre saisons. Il y a remporté deux titres, deux Coupes, une Supercoupe. Il a été élu à deux reprises meilleur défenseur du championnat de la République tchèque et a même été promu capitaine dans un match d’Europa League contre Chelsea. "J’ai vécu au Slavia une période fantastique. Les supporters m’ont adoré, les dirigeants m’ont manifesté un énorme respect. Ce club a fait de moi une légende. Je lui dois beaucoup. Il m’a propulsé sur la voie d’une belle carrière. Je ne l’oublierai jamais. Je lui en serai toujours reconnaissant."
Simon Deli est venu à Bruges pour poursuivre sa progression…
“Mon arrivée à Bruges est le choix de Dieu”
Les dirigeants du Slavia Prague ne se sont pas assez méfiés des confidences de Philippe Clement.
Lorsque, le 21 février dernier, en Europa League, le Slavia Prague était venu infliger une cuisante défaite au Racing Genk à la Luminus Arena, les dirigeants praguois n’avaient prêté aucune attention à la confidence de Philippe Clement: “Je n’ai jamais vu un défenseur adverse museler autant Samatta que ce soir.”
Simon Deli se souvient de cet affrontement: “J’aborde chaque match de la même manière. Comme un défi à relever. Le nom ou la réputation de mon adversaire direct m’importe peu. Avant ce retour à Genk, j’avais manqué quelques matchs, en raison de divers bobos. J’ai su que j’allais être titulaire au moment de la mise en place. On s’est imposé 1-4, après avoir encaissé le premier but. Je me rappelle avoir, au repos, exhorté mes équipiers à jouer le tout pour le tout.”
Les dirigeants praguois ne se sont pas méfiés davantage quand ils ont appris que le même Philippe Clement allait quitter Genk pour le Club Bruges. Comment auraient-ils pu pressentir que ce dernier allait bientôt leur souffler leur vedette?
“Je voue un profond respect à Philippe Clement depuis notre premier contact. Le feeling est passé à merveille entre nous. Mon nouvel entraîneur m’a montré qu’il avait vraiment besoin de moi. Il m’a soumis son projet. J’y ai adhéré d’emblée avec enthousiasme. Mon arrivée à Bruges est le choix de Dieu.”
Le Slavia a tout tenté pour retenir Simon Deli: “Quand on était en préparation en Autriche, les dirigeants m’appelaient tous les jours. Ils me démontraient qu’ils tenaient vraiment à moi, sportivement et humainement. Ils m’ont annoncé une énorme revalorisation de mon contrat. Je me suis toujours montré honnête envers eux. Je les ai persuadés que je ne partais pas pour l’argent. La preuve: ils me proposaient plus du double de ce que m’offraient le Club Bruges ou les Glasgow Rangers, les deux clubs les plus désireux de m’enrôler.”
Simon Deli a convaincu le Sparta qu’il partait à Bruges pour relever un nouveau défi et parce qu’il ne souhaitait plus vivre loin de sa famille, qui n’a jamais obtenu de visa pour le rejoindre en République tchèque. “Elle n’a pu se déplacer qu’une seule fois.”
Mais il ne s’est pas enfui de Prague comme un voleur: “Je suis parti sur une bonne note. Je peux retourner dans ce club la tête haute et y regarder chacun dans les yeux avec fierté.”
“Ma famille me manque…”
Simon Deli s’est établi à St Michiels, dans la banlieue brugeoise. Il y vit seul, dans l’attente des retrouvailles avec sa famille, toujours bloquée en Côte d’Ivoire : “La procédure de rapatriement est en cours. Elle prend du temps. Ma femme, mes deux filles et mes deux garçons me manquent. Je leur manque aussi. Quand mes enfants regardent un match de l’équipe nationale et qu’ils ne me voient pas, ils sont déçus.”
Papa Simon a transmis à ses enfants le virus du sport: “Ils tâtent un peu de tout : ils font du karaté, de la natation et du foot. Mon aîné se débrouille déjà très bien ballon aux pieds.”
Un temps coéquipiers au Slavia Prague, Simon Deli et le Gantois Michael Ngadeu sont devenus de véritables amis : “Nous nous rencontrons souvent l’un chez l’autre. Michael est un frère pour moi. C’est son style de prendre des risques. Je l’envie un peu dans la mesure où il jouit de plus d’occasions que moi d’inscrire un but…”
Simon Deli attend l’arrivée de sa famille pour découvrir Bruges. “Je pourrai dire, alors, si la Venise du nord est plus belle que Prague, qui vaut vraiment la peine d’être arpentée.”