Le 50-50 de Benoît Poulain: "Après un titre, c'est difficile de se donner à 140%"
Le défenseur du Club de Bruges revient sur le début de saison mitigé des Gazelles, qui affrontent Anderlecht dans un Topper toujours très attendu. Entretien à base de vision du jeu, coaching, de titre difficile à digérer et de passage au 20H.
- Publié le 22-10-2016 à 13h24
- Mis à jour le 22-10-2016 à 13h37
Pour le nouveau volet de notre rubrique "50-50", nous avons rencontré Benoît Poulain. Le défenseur du Club de Bruges revient sur le début de saison mitigé des Blauw en Zwart, qui restent sur deux défaites dans les dernières secondes. Deux échecs face à Charleroi et Porto qui font mal... Malgré tout, le niveau de jeu qui revient petit à petit. Voila qui tombe à pique à la veille du choc contre Anderlecht. Celui qui a repris ses marques au cœur de la défense brugeoise suite à la blessure de Björn Engels évoque son Club, son passé courtraisien et son avenir. Entretien avec ce fan de Bielsa et Vanderhaeghe qui connaît la principale menace anderlechtoise.
1 | Comment est l'ambiance après Porto ?
"Les matches s'enchaînent vite du coup, on essaye d'avancer. Le lendemain, voire le surlendemain c'est difficile. Mais après, il faut passer à autre chose. C'est plus dur niveau confiance. Mais on avance."
2 | Que vous êtes-vous dit dans le vestiaire ?
"Rien de spécial. On reste sur deux matches qu'on perd à la dernière minute. On est plutôt 'satisfaits' globalement. Contre Charleroi, à l'extérieur, c'était bien dans l'ensemble. On aurait pu tuer le match en première mi-temps. En Ligue des Champions, c'est globalement bon, mais on reste sur deux défaites. Il n'y a pas de solution miracle, si ce n'est de ne pas commettre les mêmes erreurs. On les analyse, donc."
3 | Vous disiez qu'à deux reprises, vous perdez en dernière minute. Que vous manque-t-il ?
"Contre Porto, on était fatigué en seconde période, je trouve. Au milieu, ça se sentait, car ils avaient beaucoup travaillé. C'est lourd ces défaites, car on est en place et ce sont des buts particulièrement évitables. A nous de réviser les détails, qui nous font perdre ce match. Ça se joue là-dessus. Après, collectivement, il y a aussi des blessés."
4 | La défense est un peu décimée...
"Plus il y a de blessés, moins il y a de banc, moins on peut faire tourner. Thomas Pina n'a pas beaucoup joué et a dû disputer quasi un match entier. C'était difficile pour lui. On peut parler de fraîcheur, oui, mais il n'y a pas que ça. De manière générale, c'est pour ça qu'on est un peu dominé. Mais si mentalement on est plus fort et qu'on ne commet pas ces petites erreurs, on ne prend pas des buts comme ça."
5 | Y a-t-il eu une petite décompression après le titre, et qui vous "poursuit" un peu ?
"Une décompression, oui. Mais pas qui nous poursuit. Je pense que la préparation était bonne, tout comme le premier match contre Malines. Ça s'est un peu enflammé et un peu relâché par rapport au titre, par rapport au fait que tout tournait bien, il y avait peu de blessés. On sentait les automatismes en amicaux. Le souci, c'est qu'on si on se donne un peu moins qu'à 100%, ça tourne moins bien. C'est un peu ce qui s'est passé après cette victoire face à Malines. Je pense que pour les deux derniers matches, la donne est différente. Avant le match contre Gand, on a réalisé qu'on était au fond et qu'on devait remonter. On l'a fait, mais contre Charleroi et Porto, deux bonnes équipes, il y a ce petit manque dans les dernières minutes."
6 | Pensez-vous que ce match contre Gand a quelque part relancé votre saison ?
"Non, je ne pense pas, car on perd quand même deux matches par après. Mais cela nous a permis de partir sur de nouvelles bases, laisser ce début de saison difficile et le titre derrière nous. À partir de la rencontre face à Gand, on est passé à autre chose."
7 | Cela vous trottait quand même un peu dans la tête, alors...
"C'est difficile de quantifier. Ce n'est pas comme si on parlait tout le temps entre nous du titre (sourire). Mais de manière inconsciente, c'est toujours difficile de gagner après avoir gagné. Après avoir été champions, ce n'est pas facile de se donner à 140%, de donner plus que ce qu'on a déjà donné pour être champion, c'est-à-dire le maximum. Si on additionne chaque joueur dans cette situation, cela devient difficile."
8 | La confirmation est donc bel et bien toujours plus dure?
"Je ne dirais pas plus dur, car c'est dur d'arriver à une victoire finale. Mais ça, tout le monde est motivé. Le plus dur, c'est de l'être par après."
9 | Après la défaite contre Waasland-Beveren, vous aviez dit que le premier match de Champion's League était trop présent dans les têtes.
"Oui, ca s'inscrit dans la même logique. On attend cette coupe d'Europe et là, on l'atteint. Il y a un petit relâchement. La combinaison des deux fait qu'il s'est passé tout cela."
10 | La moitié de la phase de groupe est passée, est-ce plus facile du coup de revenir le nez dans la Pro League ?
"Après qu'on soit tombé assez bas, on a enchaîné trois victoires, mais vraiment pour moi, c'est à partir de la victoire contre Gand qu'on est passé à l'étape supérieure."
11 | Ne vous manque-t-il pas un peu d'expérience en Ligue des Champions ?
"Oui, bien sûr. Sur les deux premiers matches, je dirais que c'est l'expérience de la gestion de l'événement. Tous ces ballons perdus, c'est sans doute de la nervosité, un manque de relâchement. Contre Porto, je dirais que c'est plus l'expérience de savoir garder un avantage. Car c'est important dans les gros matches."
12 | Contre Porto, on voit que le niveau était plus élevé, mais n'est-ce pas un peu trop tardif ?
"C'est toujours mieux de bien commencer. On n'a pas du tout été à la hauteur lors des deux premières journées. L'an passé, Gand a commencé avec un point sur neuf. Certes, en jouant beaucoup mieux. Mais en battant Porto, la donne était différente. On ne part pas favoris, mais tout est possible"
13 | Comment s'est passé l'intégration des nouveaux ?
"Pour le moment, les joueurs ne tournent pas beaucoup. Limbombé a peu joué directement, puis il y a eu les blessures. Après, il faut juste connaître les consignes du coach. Certains joueurs vont rentrer directement dedans, car cela correspond à leur style de jeu, d'autres vont mettre un peu plus de temps. Après, à nous de les encourager. Et à eux de bien comprendre les instructions."
14 | Le match contre Anderlecht ne tombe-t-il pas pile au bon moment pour vous racheter ?
"(sourire) Je ne sais pas s'il y a un bon moment. On a pas mal de blessés et on enchaîne les matches, donc je ne sais pas si ça tombe si bien. Avec l'euphorie d'une victoire en Champion's League, on aurait peut-être été plus en difficulté pour enchaîner mentalement. Mais là, on est dos au mur, on est obligé de faire un résultat. Peut-être que vu comme ça, ce match tombe au bon moment."
15 | Mais peut-être est-ce plus motivant d'enchaîner avec un Topper qu'avec un déplacement chez une équipe du bas de tableau.
"Oui, peut-être. C'est bien de recevoir, en plus un grosse équipe."
16 | Vous avez commencé en Ligue 2, à Nîmes. Vous pouvez comparer la L2 à la D1 belge ?
"Ça évolue beaucoup, quand même. Quand je suis parti, ça avait un peu baissé. Là, je regarde moins de matches, mais si je compare à ce que j'ai connu, c'est plus carré, plus défensif, structuré. C'est plus physique, mais il y a moins de prise de risque. Il y a donc moins de buts. Ce n'est donc pas toujours facile de repérer les bons joueurs offensifs de L2."
17 | Vous préférez quel foot, du coup ?
"Je prends plus de plaisir à jouer en Belgique, avec un jeu plus offensif, de manière générale. Il y a aussi des stades plus remplis. C'est plus attrayant ici, par rapport à la D2 française. Il n'y a pas photo."
18 | Vous avez un peu ce côté "école française".
"Je pense que c'est plus lié aux coaches que j'ai eus plus jeune. Après, c'est aussi l'évolution générale du poste de défenseur central. Mais c'est marrant, car ici, on me voit plus comme une défenseur dur. Selon le club, ça dépend. A Courtrai, j'étais le relanceur et ici, le dur à cuire (sourire)."
19 | Sans doute car à Courtrai, il y avait Maxime Chanot à côté de vous.
"Oui, cela a accentué le trait, mais en effet, je prenais plus la relance que Max. Cela ne me changeait pas de Nîmes, en fait."
20 | La légende de "Poulain le cerveau" et "Chanot le fonceur", cela vous inspirait quoi ?
"On en rigolait beaucoup, car on nous le disait souvent. Chacun connaissait ses qualités. On s'entendait très bien, on était très complémentaires. C'était agréable de commencer les matches avec cette confiance."
21 | Il est parti à New York, cela vous tente un championnat plus exotique ?
"Perso, je n'ai pas de souci à partir. C'est bien aussi de profiter du foot pour voir d'autres choses, découvrir d'autres cultures. Bon, la culture américaine, c'est moins mon truc. Je suis proche de l'Espagne, de l'Italie, voire de l'Angleterre, pour le football. Sans trahir de grand secret, sa femme est avocate et avait trouvé un boulot et l'attendait. Ça tombait bien. Lui aussi était plus proche de cette façon de vivre "à l'Américaine" déjà ici. Cela ne m'étonne pas de lui et c'est vraiment bien tombé."
22 | Cette complémentarité, vous l'avez retrouvée ici avec Denswil ou Engels ?
"Non, c'est plus difficile, car j'ai été souvent blessé et je n'ai pas pu enchaîner dix matches avec le même défenseur. Mais c'est pareil pour eux. J'ai un peu joué défenseur central droit, gauche. Parfois, cela peut venir naturellement, parfois pas. Ici, ça vient avec le temps. En jouant trois, quatre matches, cela rentre dans l'ordre. Mais c'est agréable d'enchaîner comme ça. Parce qu'une fois que c'est acquis, c'est acquis. Même s'il y a une interruption, cela se passe bien. A Bruges, on défend différemment aussi de Courtrai. Denswil connaît bien ce système, pas moi. Avec Björn Engels, je jouais à gauche. Donc je n'y avais pas non plus des repères exceptionnels."
23 | A Nîmes, vous étiez capitaine. Le leadership c'est quelque chose que vous avez en vous ?
"Oui, après il y a plusieurs types de leadership. Ici, à Bruges, c'est un peu plus difficile pour moi, car j'ai souvent été blessé. Souvent, j'ai été proche des coaches et ils m'ont imposé. J'avais du coup une place importante, en tout cas à Nîmes et Courtrai. Après, je bosse à fond, je suis motivé, j'arrive à l'heure. Cela donne une bonne image aussi. Après, je ne suis pas un grand gueulard. Je ne suis pas réservé, mais je suis calme, en tout cas dans le vestiaire. Mon leadership, c'est conseiller un joueur, le guider. Mais sur le terrain, l'adrénaline monte."
24 | Vous vous sentez proche de Michel Preud'homme ?
"Moins, je dirais. Mais c'est différent aussi. J'évoluais dans des clubs plus petits. Ils avaient peut-être plus besoin de s'appuyer sur moi. Il y a d'autres joueurs qui sont des leaders et qui sont là depuis plus longtemps. Mais je suis présent. Peut-être que cela arrivera avec le temps. Mais là, je n'ai pas le leadership que je voudrais avoir. Mais je jouais pas, car j'étais blessé, donc là, c'est difficile de s'imposer quand on ne joue pas."
25 | En plus il y a un gars comme Timmy Simons, le capitaine...
"Oui. En plus, je suis pas quelqu'un qui va s'imposer. Je suis plus quelqu'un qui va assurer et assumer si on lui donne la place. J'ai envie de rendre la confiance qu'on me donne au maximum. Dans la vie je suis pareil. Mais je dois plus m'imposer, je le sais. (sourire)."
26 | À Courtrai, vous étiez coaché par Yves Vanderhaeghe. Cela vous étonne de le voir monter en puissance ?
"Dès sa première saison au KVK, il a eu de bons résultats. Logique dès lors d'être sollicité par des clubs plus huppés. Avec notre budget, atteindre les playoffs 1, ce n'est pas facile. Et en plus on avait mal commencé ! On était un peu usé en fin de saison, la faute à banc un peu trop étroit. Mais on avait une bonne équipe. Moi, j'avais beaucoup aimé sa gestion humaine. Il est jeune, il n'avait pas beaucoup d'expérience. Il a tout pour progresser, on l'a vu lors de sa première saison à Ostende. Je suis très content pour lui. Je pense qu'il va encore monter, j'en suis certain."
27 | Et au niveau du jeu, c'était déjà précis dans sa tête ?
"Il a beaucoup travaillé avec Hein Vanhaezebrouck (NdlR: l'ancien Anderlechtois a été l'adjoint de HVH avant sa prise de pouvoir en tant que T1). On a retrouvé ses concepts. Certains joueurs les connaissaient déjà. Avec son expérience, il a pu développer d'autres choses et les mettre en place avec le temps."
28 | Dans l'axe vous avez joué avec Björn Engels, que pensez-vous de lui ?
"Pour son âge, il a d'énormes qualités. Tout le monde le dit tout le temps. Ce n'est pas forcément bon de lui répéter tout le temps (sourire). C'est un très bon joueur et un très bon gars avec qui je m'entends très bien. Je lui souhaite d'aller le plus haut possible. Je le vois aller très haut, mais ne comptez pas sur moi pour le lui répéter tout le temps (rires). Mais il est travailleur et fort, donc il n'y a pas de souci, il ne va pas s'enflammer tout seul. Il y a des étapes parfois difficiles, mais il a tout pour réussir."
29 | En tant que joueur plus âgé, vous essayez de le guider ?
"J'essaye de lui donner des conseils, oui. Après, le système défensif était différent de celui de Courtrai, donc je ne voulais pas aller à l'encontre des directives de l'équipe. Après, ce sont des petits détails qu'on acquiert avec l'expérience, très propres à certaines situations. C'est plus du coaching de match en fait. Mais, je n'ai pas beaucoup de conseils à lui donner. Il joue déjà à un haut niveau."
30 | À Nîmes, il y a e cette sale affaire de matches truqués. N'avez-vous pas eu peur que cela nuise à votre image ?
"Non, je ne me suis pas trop posé la question. En Belgique, cela a eu moins de retentissement qu'en France. J'ai dû aller à Paris en convocation. Il y avait les journaux qui me contactaient mais cela n'a pas trop eu d'impact en Belgique. C'était juste chiant, car on m'appelait tout le temps, les journalistes fouinaient, etc. À Courtrai, on m'avait envoyé un MMS avec une photo de moi au 20H de France 2. C'était une blague. Mais il n'y avait pas de souci avec les joueurs. C'était surtout deux personnes à Nîmes qui posaient problème, notamment le président de l'époque, que je ne portais pas trop dans mon cœur, d'ailleurs. Je ne pensais pas qu'il irait jusque-là. Nous, on était surpris. On nous disait de jouer les matches à fond, pas de nous acheter. Mais bon, voilà..."
31 | Après votre passage à Courtrai, on a parlé de vous du côté de Gand. Le système Vanhaezebrouck, avec une défense à trois, ça vous aurait plu ?
"Oui, ça m'aurait plu. Notamment dans la position la plus centrale de la défense à trois, c'est celle que j'affectionne le plus. Offensivement comme défensivement, c'est la position à laquelle je suis le plus efficace."
32 | Au niveau du jeu et de la distribution, le schéma qu'implique ce système vous plait aussi ?
"Oui, j'aime bien le football offensif. D'ailleurs à Courtrai c'était plaisant, on développait du jeu, on avait le ballon."
33 | Bruges est votre premier gros club. La pression n'est pas la même…
"Non, ça va. La pression ne me dérange pas beaucoup. La différence, c'est qu'il y a un groupe plus étoffé, avec de la concurrence. Il faut savoir passer par le banc, c'est une situation que je n'avais pas beaucoup connue avant. Mais je suis venu ici pour connaître un nouveau défi et ne pas revivre ce que j'avais déjà connu donc je suis servi, c'est aussi difficile que je le pensais. J'apprends des choses, notamment sur moi-même. C'est bien…"
34 | Le public est plus exigeant aussi !
"Tous les publics sont exigeants mais oui, il y a plus de monde ici, et il y a plus d'argent dans le club aussi, donc les attentes sont plus grandes. Je ne ressens pas de pression particulière. On a eu de bons résultats l'année dernière et quand ça a commencé à bien tourner pendant les playoffs 1, j'ai senti qu'on serait champion. L'atmosphère était positive et il n'y avait pas de pression négative. C'est important, surtout lors des gros matches…"
35 | Ici vous réalisez un objectif de beaucoup de joueurs: disputer la Ligue des Champions. C'est quelque chose que vous imaginiez il y a encore deux ou trois ans ?
"Non, pas du tout. Quand on est en France, en D2, on se concentre surtout sur l'accession à la première division. Et je ne me voyais pas trop débarquer à Paris, Lyon ou Monaco pour jouer la Ligue des Champions donc non, je ne m'imaginais pas disputer la C1 à l'époque."
36 | Vous aviez expliqué en signant à Bruges que vous avez un feeling avec le Club depuis votre arrivée en Belgique…
"Je n'ai pas vraiment eu à faire un choix. À Gand, ça ne s'était pas fait et parfois, c'est compliqué. Quand j'ai commencé à négocier avec Bruges, Gand n'était plus dans la danse et je ne suis pas du genre à discuter avec six clubs en même temps. D'ailleurs, Gand est revenu à la charge après parce qu'ils me voulaient toujours, mais voilà, je négociais avec Bruges et donc c'est ici que je voulais venir en priorité si un accord était possible. Au-delà de ça, c'est vrai qu'en arrivant à Courtrai et en découvrant la Belgique, c'est le club qui m'avait fait la meilleure impression d'un point de vue extérieur, avec le stade, le jeu, ce feeling, en effet. J'avais été agréablement surpris, parce qu'en France on connait surtout Anderlecht et le Standard, mais pas le Club de Bruges."
37 | Vous aviez déclaré dans une interview que vous parveniez à voir des choses que d'autres ne voyaient pas…
"Je suis voyant (rires). Non mais quand je dis ça, c'est que par exemple, sur le terrain, quand l'adversaire est en possession, on peut être en supériorité numérique dans une zone et donc, aller faire le pressing en étant quasi sûr qu'on récupérera le ballon. Mais parfois, on reste en position et on ne met pas cette pression, donc j'ai le sentiment qu'on rate des opportunités. Ce que je veux dire, c'est que celui qui est dans l'action ne voit pas forcément la situation avec le même recul… Mais parfois, on pourrait mieux sentir les moments où il faut aller embêter l'adversaire. Vous savez, le coach travaille des schémas de jeu bien définis mais il y a aussi une série de phases de transition pendant lesquelles les joueurs doivent sentir les choses et sortir du schéma étudié à l'entraînement. Donc oui, parfois ça m'agace un peu car si on est trois contre deux dans une zone et qu'on les laisse tourner le jeu tranquillement, on se retrouve en infériorité numérique à l'autre bout du terrain alors qu'on aurait pu récupérer le ballon quelques secondes plus tôt. C'est l'exemple qui me vient en tête..."
38 | Vous semblez être intéressé par le jeu… Une reconversion comme entraîneur vous plairait-elle ?
"(Il réfléchit longuement). Oui, j'ai un peu toutes les caractéristiques. J'aime le jeu… Ici moins, mais par le passé j'étais souvent très proche des joueurs, j'aime bien la gestion humaine aussi. Après, le métier de coach est très difficile et j'ai quand même une vie de famille à mener. On verra quand j'arrêterai, mais a priori, ça ne se fera pas dans la foulée de ma carrière de joueur. Peut-être un peu plus tard…"
39 | Dans l'optique de cette possible reconversion, quelles sont les qualités qui vous inspirent chez Michel Preud'homme, par exemple ?
"Preud'homme, il a toutes les qualités, c'est connu. Je n'en ai pas une à sortir en premier…"
40 | Dans un précédent 50-50, Ludovic Butelle nous avait parlé de son professionnalisme et de son sens du détail…
"En effet, dans ce métier, soit on fait les choses à 200%, soit on ne les fait pas. C'est d'ailleurs pour ça que je ne me dis pas que je deviendrai forcément coach après ma carrière de joueur. Il faut être passionné, se consacrer à fond à ça. Preud'homme, il regarde tous les matches… Ça ne fait peut-être pas rêver, mais je sais qu'il regarde tous les matches de Jupiler Pro League, peu importe les équipes. Il a toutes les qualités: la tactique, la technique, ses entraînements, la gestion du vestiaire… Ce n'est pas un coach qui est plus spécialisé dans un domaine qu'un autre. Il y a beaucoup de choses à prendre chez Michel Preud'homme ! Même s'il faut aussi faire parler sa personnalité."
41 | Donc vous ne vous verriez pas "bouffer" des matches non-stop !
"J'aime bien regarder des matches, mais effectivement, être coach, c'est beaucoup beaucoup de travail…"
42 | Dans le foot actuel, quel est le coach qui vous parle le plus ?
"J'aime bien Marcelo Bielsa, mais ce n'est pas très original. Il y a beaucoup de coach intéressants, mais je n'ai pas un modèle en particulier. Beaucoup de bons coachs s'inspirent de Bielsa et il en découle du jeu, du spectacle, des choses positives. Après je ne le connais pas spécialement, j'ai lu des interviews et des livres, c'est tout."
43 | Vous parlez des nouveautés amenées par Bielsa, vous devez aussi apprécier, en tant que défenseur, qu'on voit désormais parfois autre chose qu'une défense à quatre à l'ancienne ?
"Ça fait longtemps qu'il le prône, mais c'était plus en Amérique du Sud. Après, les modes viennent souvent des résultats et des équipes marquantes. Après la France 1998, qui était une équipe assez physique, on est beaucoup resté là-dessus en Europe. Jusqu'à ce que l'Espagne gagne un peu différemment, ce qui a influencé pas mal d'équipes. Tout comme le Barcelone de Guardiola. Il y a des modes, qui passent et qui reviennent. En ce moment, je trouve qu'on est sur du jeu un peu plus offensif, sur des un contre un… c'est bien pour le public. Mais en tant que défenseur je préfère toujours être en supériorité numérique quand on n'a pas le ballon."
44 | Il y a des variantes de ces "modes", comme un Diego Simeone qui peut jouer de manière très offensive par périodes, mais pas sur toute une rencontre…
"C'est pareil, Diego Simeone a coaché en Argentine dans un système à trois derrière, un football très offensif. Après, il s'adapte aux joueurs qu'il a et à la compétition. Simeone, il pense à la victoire avant tout, comme beaucoup de coachs, comme un José Mourinho, par exemple. Bielsa, j'ai l'impression qu'il pense aussi beaucoup à faire grandir le football et pas seulement son équipe. Ce sont des styles différents, il faut de tout."
45 | Ce côté gagneur de Simeone, presque "cogneur", ça doit parler à un défenseur comme vous…
"Bien sûr, j'aime bien les duels, j'aime quand ça fait mal. Donc, les coachs qui vivent le match, avec du caractère et de la hargne, j'aime beaucoup."
46 | Vous disiez ne pas avoir vraiment de modèle mais vous aviez déclaré vous inspirer de Thiago Silva.
"Oui, j'ai dit ça une fois, c'est vrai. Quand il est arrivé à Paris, je l'ai un peu plus découvert. Il gagne beaucoup de duels sans être très grand, il a un excellent placement, il est très bon en un contre un et est souvent impeccable à la relance. Aujourd'hui, Leonardo Bonucci est à la mode. Jérôme Boateng, aussi, mais j'adore vraiment Bonucci. C'est un joueur intelligent, j'aime beaucoup. J'aime bien l'école italienne, en fait. D'un point de vue défensif, en tout cas. Mais le système à trois de la Juve et de l'Italie à l'Euro n'est pas le même que celui qui est à la mode actuellement, dans une version plus offensive."
47 | Vous avez encore quelques années devant vous. Vous vous imaginez un jour dans un des cinq championnats du top ?
"Les cinq grands ? (Il énumère) Espagne, Angleterre, Allemagne, Italie et ? Ah, la France ! Oui, si on inclut la France dedans, c'est possible que j'y joue… J'aurais pu jouer en Espagne, aussi. Je suis du sud de la France, le sud, sud ! Donc, la vie est différente d'ici. Je m'adapte bien, hein, je n'ai pas de problème. Mais l'Espagne se rapproche peut-être plus de ma mentalité. C'est bien ce qu'ils font là-bas, en général. Quand j'étais petit, j'aimais bien le Betis Séville. C'est aussi une ville que j'aime beaucoup. Mais j'avoue que je n'ai pas trop le temps de regarder les matches espagnols pour le moment."
48 | Anderlecht a fait match nul ce jeudi, ça ne tourne pas vraiment au niveau du jeu…
"(Il interrompt) Vous êtes dure ! En championnat, ils tournent moyen, mais ils sont premiers. Et faire match nul à Mayence, à l'extérieur… Je n'ai vu que des petits bouts de match, mais ça ressemble à un bon résultat. Après je ne sais pas comment eux l'ont construit et si c'était mérité ou non."
49 | De manière générale, la sauce n'a pas encore vraiment pris. Pas plus à Anderlecht qu'à Bruges d'ailleurs… On a le sentiment que les deux équipes vivent un peu sur leurs individualités en attendant mieux.
"Je suis tout à fait d'accord avec vous (rires). Non, ils ont vraiment un joueur qui fait le boulot depuis le début de l'année, je trouve, c'est Sofiane Hanni. C'est un super joueur. Il est presque toujours là quand d'autres sont moins bien. C'est souvent lui qui permet à Anderlecht de sortir quelque chose de correct. J'espère me tromper, mais ce sera le joueur à surveiller en priorité ce dimanche. Il s'est vite adapté à l'équipe, il participe beaucoup au jeu…"
50 | Il y a un "truc" pour tourner le bouton de l'Europe et se replonger dans le championnat ?
"C'est souvent lors du premier entraînement que ça se fait. On travaille souvent tactiquement par rapport au prochain adversaire avec le coach. Les exercices prévus sont dans l'idée que ça peut fonctionner contre Anderlecht. Donc là, depuis ce vendredi, on travaille sur ce match-là et on est concentré là-dessus…"