En visite chez Fabrice, le frère de Sambi Lokonga et Polo Mpoku: "Albert a un potentiel encore plus grand que Paul-José"
Fabrice estime que le Standardman fait une bonne saison, notamment grâce à une arme secrète : son fils de onze mois.
- Publié le 31-01-2019 à 07h39
- Mis à jour le 31-01-2019 à 09h03
Cadet de Paul-José Mpoku et aîné d’Albert Sambi Lokonga, Fabrice, footballeur lui aussi, nous raconte ses frangins avant le Clasico de dimanche.
Jamais deux sans trois. On parle toujours des frères Mpoku en pensant au Standardman Paul-José et à l’Anderlechtois Albert (connu sous le nom de Sambi Lokonga). Mais on ignore souvent qu’il y a un troisième frère, Fabrice. Et lui aussi joue au football. “Mais à un niveau bien plus modeste”, tempère celui qui porte les couleurs de Richelle United, club basé à Visé et qui évolue en D3 amateur.
À quatre jours du Clasico, il nous a reçus dans la maison familiale, sur les hauteurs de Verviers. La neige est abondante mais bien déblayée devant cette charmante villa, grande mais sans excès. Le salon est décoré sobrement, avec quelques trophées et un poster de La DH encadré, celui de l’équipe du Standard victorieuse de la Coupe l’an dernier. “C’est un quartier tranquille ici. On ne va pas commencer à se la jouer parce qu’il y a deux footballeurs pros dans la famille.”
Fabrice (24 ans) est le moyen de la fratrie, de trois ans plus jeune que Paul-José et de quatre ans plus âgé qu’Albert. Il est aussi le plus costaud. “Je suis le plus grand par la taille et le plus large. Peut-être parce que j’ai fait du taekwondo dans mon enfance.”
Vous étiez moins foot que vos deux frères ? “Paul-José et Albert ont commencé à cinq ans en club. Moi, seulement à douze ans. J’aimais le foot mais je voulais faire d’autres disciplines. J’ai aussi fait du breakdance. Je ne jouais au foot qu’avec mes frères sur le terrain près de la maison.”
C’était comment ces matchs entre frères ?
“L’endroit où on jouait, c’était un terrain de basket. Il n’y avait pas de goal. Pour marquer, il fallait toucher le poteau du panier. Ça travaillait notre précision. On passait notre vie là-bas. Les matchs avec les potes étaient acharnés.”
Il n’y avait pas de risque que Paul-José se blesse ?
“Non, mais le Standard ne voulait pas qu’il joue ces petits matchs entre potes. Mais Paul-José aimait trop ça. Il s’était même inscrit au Slijvo (un tournoi de futsal organisé à Liège pendant la trêve hivernale, NdlR) . Il espérait passer inaperçu, mais le Standard l’avait repéré. Il s’était pris une belle punition (rires) .”
Paul-José était comment à cette époque ?
“Paul-José, ça a directement été un phénomène. Il avait déjà sa fameuse feinte de frappe. Franchement, je crois qu’il a fait tomber sur les fesses des centaines de gars juste avec ce mouvement. Le Standard l’a vite repéré. Puis, rapidement, les offres d’Angleterre sont venues. Il a fini par choisir Tottenham à seize ans, mais ça durait depuis des mois.”
Albert était trop petit pour vous accompagner dans ces matchs de quartier ?
“Non, on le prenait avec. Il était tout frêle mais il sortait déjà du lot. Je me souviens de l’été où j’ai compris que c’était un crack. On avait organisé un match entre les grands et les petits. Albert jouait avec les petits, mais il avait dominé. Il était positionné en numéro 10 et il distribuait le jeu comme un gars qui joue en D1 depuis dix ans. Les anciens n’en revenaient pas.”
Albert a toujours eu ce style de jeu simple et efficace ?
“Oui, c’est inné. Paul-José et moi, on aime le Real Madrid et Zidane. Albert, il a directement flashé sur le tiki-taka du Barça. C’est notre Busquets.”
Et vous, vous étiez plus dans le style de Paul-José ou d’Albert ?
“Je suis encore différent. Je suis un attaquant athlétique, mais pas avec de la technique quand même.”
Votre nom à vous, c’est Mpoku ou Sambi Lokonga ?
“Fabrice Sambi Lokonga. Paul-José est le seul de nous trois à être né au Congo. Mon père lui a donné le nom de Mpoku, comme son oncle qui vit en Suisse. Mais sur la carte d’identité de mon père, c’est Sambi Lokonga et c’est le nom qu’Albert et moi avons pris. C’est toujours compliqué en Afrique (rires) . Mais bon, on se ressemble assez fort tous les trois et on a toujours bien vu qu’on était frères, malgré nos noms différents. À l’école, on m’a même déjà confondu avec Paul-José.”
Ça se passait comment à l’école pour Paul-José et Albert ?
“Paul-José, c’était compliqué (rires) . Il s’en foutait de l’école. Il disait : ‘Je vais percer dans le foot.’ Et c’est ce qu’il a fait. Albert réussissait sans souci, il n’a jamais doublé. Je crois que c’est le plus intelligent de la famille.”
Et qui est le plus fort des deux sur un terrain de foot ?
“Pas simple de répondre (sourire) . Mais bon, Albert est quand même en avance sur Paul-José. À dix-huit ans, il était déjà sur le banc pour un match de Ligue des champions contre le Bayern. Paul-José n’était pas aussi avancé au même âge. Je pense que le potentiel d’Albert est encore plus grand.”
Vous avez bien compris la décision de votre papa, qui tenait absolument à séparer vos deux frères chez les jeunes ?
“Oui, il a eu raison. Pour éviter les comparaisons et les soucis, c’était mieux d’en mettre un au Standard et l’autre à Anderlecht. La carrière, c’est comme une piste d’athlétisme : chacun a son couloir et il faut faire sa propre course.”
De votre côté, vous espérez encore percer dans le monde pro ?
“Oui, je vais tenter. Là, je termine mes études d’éducateur à Verviers. Je suis en dernière année. Quand j’aurai le diplôme, je me donnerai un an ou même deux pour me consacrer à fond au football. Si ça ne réussit pas, alors je deviendrai éducateur. C’est un métier qui me plaît aussi. J’adore travailler avec les jeunes et les aider.”
Dans votre cas, beaucoup pourraient être tentés de ne rien faire, vu la richesse de leurs frères.
“Je sais, mais ce n’est pas mon genre. L’argent ne nous change pas. On sait s’offrir de plus jolies vacances, mais ça s’arrête là. Ma maman travaille toujours car elle aime ça. Pourtant, elle pourrait arrêter. C’est pareil pour moi. Je veux faire ma propre vie.”
On vous parle souvent de vos frères à Richelle ?
“Oui, pour chambrer. Les supporters anderlechtois de l’équipe essaient de m’avoir dans leur camp et pareil pour les Standardmen. Moi, je suis au milieu et je leur dis que j’aime les deux clubs (rires) .”
Comment allez-vous vivre le Clasico dimanche ?
“Devant la télé, à la maison. Il fait trop froid dehors (rires) . Comme Albert est blessé, il sera là aussi.” Et si Paul-José marque ? “On va sauter de joie. Enfin, pas Albert. Mais il sera quand même un peu content pour son grand frère.”
"Un duel lors d'un Belgique-Congo en 2022"
S’il continue sa progression à son retour de blessure, Albert Sambi Lokonga pourra doucement commencer à rêver de l’équipe nationale. Mais laquelle ? Son frère Paul-José représente la RD Congo. “Maman aimerait qu’Albert opte pour la Belgique. Ce serait un beau symbole d’avoir les deux gamins dans les deux pays qui nous définissent. J’imagine déjà un Belgique – RD Congo à la prochaine Coupe du monde avec un frangin dans chaque camp. Ce serait magnifique ! Mais ce sera à Albert de faire son choix. Même Paul-José ne l’influence pas. Pourtant, il sait qu’Albert serait un sacré renfort pour la RD Congo (sourire). On espère en tout cas tous rapidement découvrir le pays de nos parents. On devait y aller il y a peu mais les troubles créés par les élections ont reporté notre voyage.”
"Albert se dit que Dieu a un plan pour lui"
Opéré au genou et out jusqu’à la fin de la saison, l’Anderlechtois fait tout pour ne pas déprimer.
Sorti en boitant bas de la pelouse du Jan Breydelstadion le 16 décembre dernier, Albert Sambi Lokonga ne rejouera plus cette saison. La faute à une rupture des ligaments croisés du genou. “Un coup dur mais il gère bien la situation, estime Fabrice. Ce n’est pas son style de se lamenter sur son sort et de déprimer. Il se dit que Dieu a un plan pour lui et qu’il reviendra plus fort.”
L’Anderlechtois peut aussi compter sur la famille. “Mes parents l’accompagnent souvent à Anvers pour la rééducation. Et le week-end, il revient à la maison de Verviers. Il se fait chouchouter, surtout par maman (rires). On essaie tous de lui changer les idées quand il revient. On va au resto, au ciné…”
L’explosion définitive de Sambi Lokonga est tout de même retardée. “Mais il a déjà beaucoup progressé. Il est par exemple plus fort dans les duels. Il doit juste devenir plus décisif. Dans le foot d’aujourd’hui, le milieu défensif doit aussi marquer et donner des passes décisives. Albert en est conscient mais je ne m’inquiète pas. Il ne dit pas grand-chose mais il observe beaucoup, notamment le jeu de Kums et Trebel. Il a soif d’apprendre.”
"Paul-José est toujours en contact avec Kane"
Fabrice estime que le Standardman fait une bonne saison, notamment grâce à une arme secrète : son fils de onze mois. Si le Standard fait une bonne saison, il le doit aussi à Paul-José Mpoku. Dans le système de Michel Preud’homme, il semble avoir pris une autre dimension. "Le fait que Carcela et Lestienne soient là est une bonne chose pour Paul-José. Il ne doit pas tout faire. Sa paternité l’a aussi rendu plus fort. Savoir que son fils de onze mois est dans les tribunes, ça le booste encore plus. On essaie déjà d’initier le gamin au foot mais je crois que ça viendra tout seul, c’est dans le sang (rires)."
À bientôt 27 ans , Paul-José Mpoku sait qu’il arrive dans ses meilleures années. "Il a eu un parcours plus accidenté mais son choix de quitter le Standard pour Tottenham à seize ans n’est pas un regret. Il est devenu un homme là-bas. Il a pu s’entraîner avec Luka Modric et puis jouer avec Harry Kane lors de leur prêt à Leyton Orient. Paul-José est d’ailleurs toujours en contact avec Kane via Instagram. Son expérience a aussi servi à Albert. Lui aussi a reçu des offres de l’étranger mais, après avoir pesé le pour et le contre, il est resté à Anderlecht. C’était un bon choix."
"Paul-José a refusé Las Vegas"
La religion est centrale dans la famille. “Notre église, c’est à Hodimont, tout près d’ici. On y va dès qu’on peut le dimanche. Mais ce n’est pas toujours simple avec le foot. Quand on ne sait pas y être, on regarde le culte sur Internet. Paul-José, Albert et moi avons grandi dans cette culture, Dieu est au-dessus de nous.”
Une foi qui n’est pas toujours simple à mettre en pratique pour un footballeur pro. “L’être humain est faible mais la religion passe avant tout. Quand il était à Leyton Orient, Paul-José avait réussi une superbe saison en Cup (NdlR : demi-finale). Le président avait décidé d’emmener toute l’équipe à Las Vegas comme récompense. Mais Paul-José avait refusé car c’est la ville de la tentation et du péché. Il s’était dit que ce n’était pas compatible avec la religion.”