“PD, c’est vraiment une insulte?”: en immersion avec les U15 du Sporting Charleroi, lors d’un atelier contre les discriminations dans le foot
Reportage en immersion avec les U15 du Sporting Charleroi lors d’un workshop organisé par l’ACFF sur les discriminations dans le foot sur et en dehors des terrains.
- Publié le 09-11-2019 à 07h19
- Mis à jour le 09-11-2019 à 08h59
Reportage en immersion avec les U15 du Sporting Charleroi lors d’un workshop organisé par l’ACFF sur les discriminations dans le foot sur et en dehors des terrains. "PD", "sale arabe", "espèce de handicapé", "enculé d’arbitre". Des insultes devenues banales autour des terrains de football et répétées par de nombreux enfants, sans forcément avoir une idée précise de leur signification. Ce mercredi, les U15 du Sporting de Charleroi ont vécu un entraînement un peu différent de ceux qu’ils ont l’habitude de suivre.
Pas de ballons ni de plots mais des discussions et des débats autour du sens des mots, de leurs mots. Et surtout de leurs conséquences. Proposés par l’association des clubs de football amateurs (ACFF) à la demande des clubs, ou non d’ailleurs, des éducateurs peuvent désormais intervenir partout en Bruxelles ou en Wallonie, que ce soit au niveau amateur ou professionnel, pour ce qui prend la forme d’un workshop dédié à la lutte contre les discriminations. "Les jeunes sont très attentifs à ce qui se passe sur et autour des terrains. Et parfois, ils reproduisent ce qu’ils voient ou entendent, c’est une forme de mimétisme. Les enfants sont influencés par leurs parents ou par les spectateurs et supporters. On veut donc faire comprendre aux jeunes qu’ils ont aussi leur propre avis, on veut leur faire prendre conscience", explique Antoine Rustin, chargé de projets sociaux à l’ACFF.
Le temps de briser la glace, les réponses des ados fusent peu à peu. Homosexualité, religion, culture, couleur de peau, tout y passe. Toujours sous forme d’interaction. "PD ? Je pensais que ça voulait dire pédophile", répond Axel, 14 ans. "J’utilise cette insulte parfois quand je suis énervé mais je ne savais pas ce que ça voulait dire en fait", réagit lui Kévin. "Et souvent, on ne sait même pas pourquoi on le dit, on l’entend de la part de personnes au bord des terrains", raconte Lucas. "Sale Arabe, ça veut dire qu’on insulte la religion de quelqu’un ?", "Hétérosexuel, c’est quand on aime les deux sexes ?", "Espèce d’handicapé ou PD, ce sont vraiment des insultes ?"
Des questions récurrentes lors des séances organisées par l’ACFF auxquelles Antoine Rustin tente de répondre. "Le but de la séance, c’est de déconstruire les propos entendus et qu’ils ont en tête. Je donne une liste de mots comme hétéro, homo, Arabe, handicapé, et ils disent ce qu’ils en pensent. On déconstruit ensemble les étiquettes collées à ces termes afin de voir ce qu’on peut changer dans leur comportement. On voit qu’ils ne comprennent pas toujours le sens des mots qu’ils utilisent, on veut qu’ils prennent conscience que ça peut être une blague dans leur bouche mais que le gamin au fond de la classe peut être blessé à cause de tels propos."
Pas plus tard que le week-end dernier, un match du Sporting Charleroi a été émaillée par des cris racistes envers Ilaimaharitra, un joueur carolo. "Ce n’est pas parce qu’on n’a pas la même couleur de peau ou religion qu’on doit être traité différemment, on a tous la même race. C’est très bien je trouve qu’on vienne nous sensibiliser à notre âge sur les conséquences de certains mots, pour que tout ça ne se reproduise pas à l’avenir", explique Axel, vice-capitaine de son équipe.
Pour l’ACFF, c’est avant tout la notion de "folklore du foot" qu’il faut combattre. "On ne se rend même plus compte de la portée de ces insultes, dire PD est devenu banal. On doit faire bouger les mentalités. Et ce qu’on remarque, c’est que les jeunes sont incroyablement réceptifs, ça cogite dans leur tête, et le fait que déjà ça les fasse se questionner sur eux-mêmes, c’est une première victoire", conclut Antoine Rustin.
“Tout part du mécontentement des parents”
Quand un match entre deux équipes de jeunes dérape, il ne faut souvent pas aller chercher bien loin la raison. Elle se trouve au bord des pelouses. “Tout part du mécontentement des parents autour des terrains. On a beau mettre ce qu’on veut en place en termes de formation et de pédagogie mais l’envie de victoire et de voir son fils performer prend parfois le dessus. L’investissement des parents peut être excessif. Ils s’emportent, insultent, se comportement mal et ne pensent pas à l’influence qu’ils peuvent avoir auprès des jeunes”, raconte Daré Nibombé, coach des U15 du Sporting de Charleroi.
Une fois la séance de sensibilisation terminée, le coach carolo livre son ressenti. “Cette séance leur a fait prendre conscience du bien-être de tous, du bon comportement à adopter pour les futurs joueurs qu’ils deviendront un jour, du fait que certains mots banalisés dans le foot peuvent blesser certaines personnes.”
Et selon lui, il faudrait une réponse plus forte des instances pour limiter le phénomène. “Au plus haut niveau, les instances footballistiques et juridiques ont du mal à arriver à des conclusions et des solutions concrètes. Il faut bien sûr continuer à sensibiliser les jeunes et à parler du fond du problème, mais si ça continue, il faut être plus ferme et exclure ces personnes des stades ou faire le ménage autour des terrains de jeunes.”