Morioka pas tendre avec son ancien coach: "Avec Hein, on se croyait parfois à l’armée"
Le Japonais Ryota Morioka, passé sous les couleurs carolos, n’épargne pas son ancien entraîneur du Sporting mauve.
- Publié le 08-03-2019 à 07h59
- Mis à jour le 08-03-2019 à 08h00
Le Japonais Ryota Morioka, passé sous les couleurs carolos, n’épargne pas son ancien entraîneur du Sporting mauve. Interviewer le Japonais Ryota Morioka (27 ans) s’est toujours révélé être une tâche compliquée. Premièrement, parce qu’il se cachait derrière la barrière de la langue pour ne pas répondre aux questions délicates. Deuxièmement, parce qu’il devait faire attention à ce qu’il disait, vu qu’Anderlecht était son employeur.
Avec l’aide d’un traducteur japonais, le nouveau meneur de jeu de Charleroi se sent beaucoup plus à l’aise. Mais c’est surtout son nouvel environnement qui l’a métamorphosé. Et vu qu’il pourra bientôt définitivement clôturer le chapitre Anderlecht, il peut enfin se lâcher.
Considérez-vous votre passage à Anderlecht comme un échec ?
"Pas à mes yeux. Dans ma première demi-saison, j’ai marqué six buts et donné trois assists. Mais ensuite, tout a changé. Hein Vanhaezebrouck a fait de moi un robot. Tous mes mouvements étaient programmés à l’avance. Pendant un match, je devais tenir compte de tellement de directives tactiques que je finissais par bloquer. J’étais obligé de jouer le ballon vers les flancs, je devais respecter les lignes de course, je devais couvrir une zone précise… Je n’étais pas le seul joueur à avoir perdu la confiance. Beaucoup d’autres que moi étaient dans le même cas."
Du coup, on vous trouvait trop fragile. Aussi bien mentalement que physiquement.
"Physiquement, c’est ma cheville qui a posé problème pendant plusieurs mois. Mais qui était le fautif ? À la fin du mois d’août, je me suis pris un coup à l’entraînement. Ce n’était pas un coup violent, mais j’avais vraiment mal. Le staff médical a estimé que je pourrais rejouer endéans les deux semaines. Quand j’ai repris les entraînements, la douleur s’est aggravée. J’ai quand même joué contre le Standard, mais il va de soi que je n’ai pas répondu aux attentes. Puis, j’ai dit : stop ! Je voulais bénéficier d’une guérison complète. Je n’ai été rétabli qu’au mois de décembre. C’était seulement la première véritable blessure de ma carrière. Suis-je donc si fragile ?"
Selon Hein Vanhaezebrouck, vous n’étiez pas non plus affûté à votre retour de vacances.
"Un autre dada de Hein Vanhaezebrouck, c’est la course à pied. J’ai suivi mon programme individuel, pendant la trêve estivale. Mais j’ai toujours eu l’habitude de monter en puissance pendant la préparation. Hein Vanhaezebrouck, lui, exige que ses joueurs soient à 100 % dès le premier entraînement. On devait tellement courir, qu’on se croyait parfois à l’armée. Et on était tellement fatigués qu’on risquait de se blesser. Je n’avais jamais connu une préparation comme celle-là. Sous Philippe Clement, à Waasland Beveren, on s’entraînait beaucoup plus souvent avec ballon. Mais je vous assure que physiquement, on répondait présent."
Le C4 de Vanhaezebrouck aurait pu vous soulager.
"C’est ce que je pensais. Mais au stage en Espagne, j’ai parlé avec Fred Rutten. Il me considérait comme un médian récupérateur, qui distribue le jeu depuis un poste devant la défense, et qui fait des infiltrations dans le rectangle adverse pour reprendre des centres de la tête. Ce n’est vraiment pas mon jeu. J’ai vite compris que cela n’avait aucun sens de rester à Anderlecht."
Vous regardez encore des rencontres du Sporting d’Anderlecht aujourd’hui ?
"Non. Et j’ai demandé qu’on m’éjecte du groupe Whatsapp des joueurs d’Anderlecht."
C’est la tradition quand un joueur s’en va ?
"Non, je n’étais pas obligé de quitter ce groupe Whatsapp. Et je n’avais pas de problèmes avec les autres joueurs. On s’est bien marrés en communiquant par ce biais. Surtout quand la Belgique a affronté le Japon en huitièmes de finale de la Coupe du Monde en Russie. À 0-2, j’avais envoyé des messages provocateurs à mes coéquipiers anderlechtois. Quand Chadli a inscrit le 3-2 pour la Belgique, j’en ai évidemment pris pour mon grade (rires). Mais maintenant, je n’ai plus rien à voir avec Anderlecht."
"Anderlecht m’a un peu poussé au Moyen-Orient"
Morioka a failli ne pas signer à Charleroi mais ailleurs. Voici les trois pistes dont il a été question.
1. Genk , qui craignait de perdre Pozuelo à Al Ahli. Clement aurait même appelé Morioka. "Mais Pozuelo n’est pas parti à Al Ahli. Cela n’a donc jamais été concret. Et je me demande si Anderlecht m’aurait permis de signer à Genk, un candidat pour le titre. En ce qui concerne Clement, j’ai gardé un très bon contact avec lui. Il croyait fort en moi. Un jour, on va retravailler ensemble."
2. Al Duhail , le club d’Edmilson, aurait fait une offre. Anderlecht aurait préféré qu’il aille au Moyen-Orient pour récupérer plus d’argent. Morioka : "Anderlecht a un peu poussé, oui. Mais jouer dans le Moyen-Orient ou en Chine ne m’intéresse pas, malgré l’argent. Ce serait la fin de mon rêve européen. Et je n’aurais pas voulu emmener ma femme et mon bébé de vingt mois là-bas. Même plus tard, je dirai non. Je préfère terminer ma carrière au Japon."
3. Saint-Trond , qui a un propriétaire japonais. Morioka : "Je le connais bien. L’année passée, il m’a dit que j’étais toujours le bienvenu. Mais je ne suis pas fan d’un terrain synthétique."
“Plus facile avec Osimhen qu’avec Santini”
Il se sent déjà chez lui dans sa nouvelle famille.
Ryota Morioka se sent déjà comme un poisson dans l’eau à Charleroi.
“Je suis déjà bien intégré”, dit-il. “Charleroi est une grande famille. Il y a tellement de nationalités, que je ne me sens même pas étranger. Et mon guide s’appelle Massimo Bruno, que je connais encore de ma période à Anderlecht.”
Morioka a aussi retrouvé le sourire sur le terrain.
“Je me sens libéré. Charleroi joue le football qui me convient. Je suis libre en tant que meneur de jeu, je peux suivre mon instinct. Et Osimhen est un attaquant qui aime plonger dans le dos de la défense. J’aime servir des attaquants avec ce profil. C’était plus difficile avec Santini.”
Morioka a perdu sa place en équipe nationale.
“J’en suis convaincu que je peux récupérer ma place dans la sélection grâce à Charleroi. Jusqu’à présent, j’ai marqué un but et j’ai provoqué un penalty. Et dans les semaines à venir, je vais améliorer mes stats.”
Encore trois titularisations et il appartient à Charleroi pour 1,5 million
C’est devenu la mode quand des clubs négocient la location d’un joueur : après un certain nombre de matchs comme titulaire, le club qui loue le joueur doit automatiquement l’acheter pour un prix fixé à l’avance. En ce qui concerne Morioka, le Japonais doit atteindre sept titularisations pour appartenir définitivement à Charleroi. Et le prix que les Carolos devront payer est de 1,5 million, soit la moitié de ce qu’Anderlecht a payé à Waasland Beveren.
Morioka ne tient pas compte d’un retour à Anderlecht. "Grâce à cette clause, le transfert sera bientôt définitif, dit-il. Je suis heureux à Charleroi. Chaque année, ce club a l’ambition de participer aux playoffs 1."
Morioka a déjà quitté son appartement bruxellois. "On déménage à Waterloo. Depuis le centre-ville de Bruxelles, il me fallait parfois plus d’une heure pour arriver à Charleroi."