Felice Mazzù: "Je veux gagner les playoffs 2 puis je parlerai avec Mehdi Bayat"

Finalement, il s’agira d’un match pour du beurre car Charleroi ne sera pas en PO1, pour la première fois en trois ans. Il servira, pour le coach carolo et ses hommes, à préparer les PO2. Avant lesquels le moment semble indiqué pour regarder dans le rétroviseur. Mais aussi pour plonger son regard vers l’avenir.

Felice, votre équipe reste sur deux bons matchs face à deux équipes du top 6 (partage contre Genk, victoire à l’Antwerp). C’est satisfaisant… ou frustrant ?

"Un peu des deux. C’est satisfaisant car cela veut dire qu’il y a une âme dans l’équipe, qu’il y a toujours de l’envie et que même après toutes ces années, mon message passe encore. Mais c’est frustrant, car on se dit que si on avait réussi à atteindre ce niveau-là dans deux ou trois autres matchs antérieurement, on aurait accroché ces PO1."

Avec un peu de recul, il a manqué quoi à Charleroi pour les atteindre ?

"Je pense que tout le monde doit bien comprendre qu’il y a eu beaucoup de mouvement cette année-ci. On a perdu Rezaei, en été, et Benavente, en hiver, dans les derniers jours du mercato, on était plus dans la prévention. Ici, on a été dans la réaction à chaque fois. D’autres profils sont arrivés, il a fallu préparer le groupe différemment. Il fallait peut-être un peu plus de temps pour que tout s’imbrique, comme ce fut le cas lors de ces deux derniers matchs."

Si le Sporting avait eu son noyau actuel dès le début du mois de juillet, il serait en PO1 ?

"Oui, je pense. Mais même en prenant en compte toutes les conditions qui ont entouré la saison, on aurait pu y arriver si on avait marqué au moins la moitié des occasions qu’on a eues dans tous les matchs."

Principalement face aux équipes moins bien classées, face auxquelles Charleroi a perdu des plumes.

"Oui. Et on va devoir absolument régler ce problème-là, qui est un problème d’état d’esprit, de mise en condition. Quel que soit le match, on doit se mettre dans une situation de peur, entre guillemets. Une peur positive, en se disant que l’adversaire est de grosse qualité et qu’il va falloir être à 100 %. Et peut-être qu’on n’a pas toujours su le faire, en commençant les matchs un peu trop tranquillement."

Défensivement, les soucis ont été nombreux. On avait rarement connu une équipe carolo si friable.

"Je pense, et cela pourra être interprété comme on veut, mais on n’a pas été équilibré du tout dans ce secteur. Cela a été un surnombre constant. Et ce n’est jamais bon. On a eu un concours de circonstances avec la blessure de Zajkov, les arrivées de Noorafkan, qu’on m’a présenté comme arrière latéral gauche, Dervite, Angella… Il y avait aussi Martos, Dessoleil, Willems. Cela fait beaucoup pour deux postes. Il y a eu des changements, des essais. Et on a peut-être perdu un peu en consistance."

Après six ans, la manière de fonctionner du club vous convient toujours, dans la manière dont elle évolue ?

"Oui. L’arrivée de Samba Diawara, par exemple (T3 et entraîneur des U21) est un grand apport. Cela nous permet d’avoir une meilleure liaison avec les jeunes. Nkuba a fait l’une ou l’autre apparition, certains jeunes ont été très satisfaisants lors d’un match amical à Anderlecht dernièrement. Le travail au quotidien de Samba avec Mario (Notaro) et moi est positif aussi et nous aide."

Et les principaux points négatifs, ou à améliorer le plus rapidement possible, quels sont-ils ?

"Le centre d’entraînement et le stade. Ce sont les deux points primordiaux pour que le club puisse évoluer. Je sais qu’il y travaille. Mais on a fait des résultats, les années précédentes, dans la même situation qu’aujourd’hui. Donc on ne peut pas dire que ce sont les infrastructures qui font qu’on n’a pas réussi à atteindre les PO1."

Et en termes de mercato, vous êtes satisfaits des joueurs transférés par rapport aux profils demandés ?

"Je ne cache pas que j’aurais aimé, cette année, des profils beaucoup plus percutants, au niveau de la vitesse, sur les flancs. Cela nous a réussi dans le passé avec des joueurs comme Ndongala, Fall, Tainmont, Baby. Aujourd’hui, on a d’autres profils, des joueurs plus d’intérieur, et notre manière de joueur a évolué. L’important est de trouver la bonne méthode de travail en fonction du groupe que j’ai. Cela fait des mois qu’on essaie de jouer plus haut et on ne s’est pas qualifié pour les PO1. Cela fait trois semaines qu’on joue avec un bloc plus bas, comme on le faisait un peu avant. Et on prend des points."

Pourquoi ne pas l’avoir fait avant, alors ?

"Parce qu’on a eu des profils pour essayer de jouer plus haut, de jouer un autre football. Mais changer les gènes d’un club, même en changeant les joueurs, cela prend du temps. Il y a une partie du groupe qui est toujours là. Mais quand on ne nous laisse pas le temps et que seuls les résultats comptent, il faut revenir aux bases."

Les résultats, parlons-en. Quand on fait le bilan de la saison, Charleroi est passé à côté des deux objectifs de sa saison : les PO1 et la Coupe. Des regrets ?

"Oui, évidemment. J’entends depuis le début de la saison qu’on a le meilleur noyau que nous n’avons jamais eu. Donc à partir du moment où, avec un tel noyau, on n’a atteint aucun des deux objectifs, peut-être que le problème, c’est moi. Je ne sais pas comment on peut l’analyser autrement."

Et vous, vous vous le dites parfois que le problème, c’est vous ?

"Non, car je sais que ce n’est pas le cas. Je travaille toujours de la même manière avec mon staff. J’ai la même ligne de conduite, peu importe le prix d’achat d’un joueur ou sa valeur potentielle à la revente. Tout ça, je le mets de côté pour faire mon équipe. La preuve, Dorian Dessoleil sera peut-être candidat à être vendu, plus tard. Mais je n’en tiens pas compte. Personne n’est indéboulonnable. En tant que coach, je me remets en question tous les jours. Mais cela ne veut pas dire que j’estime être le problème. Mais je n’ai pas de problème à ce que d’autres le pensent, s’ils estiment que c’est le meilleur noyau que nous n’avons jamais eu."

Et pour vous, quel est le meilleur groupe que vous avez eu à Charleroi ?

"Quand on dit meilleur groupe, je pense qu’il faut tenir compte de tout. De la qualité individuelle, collective, de l’équilibre du vestiaire, de l’entente… Donc par rapport à ces paramètres-là, je dirais que c’est celui avec Kebano, Milicevic, Tainmont, Marcq… Pour moi, cela a été la meilleure osmose."

On parle de plus en plus de la fin de cycle de Felice Mazzù à Charleroi. Quel est votre sentiment ? Vous avez toujours l’intime conviction de pouvoir faire plus ?

"On peut toujours faire plus. Mais cette décision-là, de savoir si je suis toujours la bonne personne au bon endroit, ne dépend pas de moi. La seule conviction que j’ai aujourd’hui, c’est que je veux gagner les PO2 et jouer le barrage européen. Une fois qu’ils seront terminés, on verra, je discuterai avec Mehdi Bayat. J’ai envie, tout simplement, de continuer à évoluer. Ça, c’est une certitude. J’ai envie de savoir si je suis capable d’être quelqu’un d’autre, un jour, ailleurs."

Vous vous êtes senti plus critiqué, cette saison, que par le passé ?

"Oui. Mais en toute humilité, je ne me bats pas pour prouver des choses aux autres. Je me bats pour prouver des choses à moi-même. Et si après six années positives pour le club, où on a disputé trois fois les PO1 et gagné une fois les PO2, je dois encore prouver, alors, c’est que ceux qui analysent sont des petits."

Depuis votre arrivée à Charleroi, vous nous avez habitués à tirer le meilleur de votre groupe, même en repartant de zéro. C’est toujours le cas ?

"Je pense qu’on s’est habitué à ce que Charleroi se qualifie en PO1 et soit constamment dans le haut du classement. On a fait le maximum lors des cinq dernières années. On l’oublie parfois. Cette année, je n’ai peut-être pas tiré le maximum de ce groupe. Mais l’analyse, ce n’est pas à moi à la faire. On a travaillé de la même manière mais il y a eu des circonstances, beaucoup de mouvement, d’une part, et d’autre part, un poteau qui était rentrant la saison passée est devenu sortant cette saison."

Au vu de la saison actuelle, il vous arrive de regretter les opportunités que vous avez eues par le passé (le Standard, Bruges, Gand…) ?

"Non. Des opportunités, j’en ai eues. Mais ce n’est pas parce que la saison est moins bonne qu’il faut commencer à pleurer. Je ne suis pas déçu. Chaque moment de la vie a son importance. Et on verra le futur. Nous ne sommes pas en PO1 mais personne n’est mort."

Si cet été, Gand, ou un autre club du top 6, revient à la charge cet été. Quelle sera votre réaction ?

"Je serai flatté, d’abord, car Gand est un club que j’apprécie énormément. Puis j’irai avec Mehdi Bayat afin d’avoir une discussion ouverte. J’ai toujours dit que je ne partirais pas, de moi-même, en cours de saison - même si certaines personnes auraient été contentes - car je n’ai pas envie d’avoir cet esprit d’abandon. Et j’ai toujours dit que je n’irais jamais au clash avec Mehdi. J’ai du respect pour lui, trop de choses se sont passées entre nous depuis six ans."

Et le Standard ? Vous vous y verriez ?

"Dans la vie, il ne faut évidemment jamais dire jamais. Mais par contre, j’ai toujours dit que je ne quitterais pas Charleroi de moi-même pour aller en droite ligne au Standard. En tant que carolo, je connais la rivalité qui existe entre les deux clubs et je la comprends, même si elle se refère à des évènements du passé, que je n’ai pas connus. Moi, ma préoccupation est, avant tout, sportive. Mais mon métier est de prendre de la hauteur par rapport à l’émotion. Et pour moi, le plus important, c’est le fair-play."

Charleroi arrive à un carrefour de son évolution, avec la fin du projet 3-6-9 et la mise en place d’un nouveau plan par Mehdi Bayat. N’est-ce pas le bon moment pour que vos chemins se séparent, pour le bien de tout le monde ?

"C’est quoi le bon moment ? Je n’en sais rien. Peut-être que le nouveau plan coïncide avec des changements à la tête de l’équipe, il faut poser la question à Mehdi. Moi, je pense d’abord, comme je l’ai dit, à jouer les PO2 à fond pour revivre un peu, cette saison. Après, on verra."