En visite chez Javier Martos: "Piqué était assis à ma place dans le vestiaire"
L’ancien capitaine du Sporting Charleroi s’est lancé dans le projet un peu fou de la star du FC Barcelone : faire du FC Andorre un club du top en Espagne…
- Publié le 23-08-2019 à 08h14
- Mis à jour le 23-08-2019 à 11h41
L’ancien capitaine du Sporting Charleroi s’est lancé dans le projet un peu fou de la star du FC Barcelone : faire du FC Andorre un club du top en Espagne… C’est l’histoire d’un club qui il y a encore quelques mois était quasiment inconnu de la planète foot. Mais le destin du FC Andorre a basculé en janvier 2019 quand via la société Kosmos, la star du FC Barcelone Gérard Piqué a racheté cette formation évoluant en D5 espagnole. Huit mois plus tard, le FC Andorre s’apprête à jouer, ce dimanche contre l’Espanyol Barcelone B, son premier match en D3 après un titre en D4 où le club a remonté 17 points de retard grâce à l’arrivée de nouveaux joueurs et une deuxième promotion décrochée administrativement en profitant du dépôt de bilan de l’équipe catalane de Reus. Le FC Andorre, via son homme fort, a versé la coquette somme de 450000 euros à la Ligue pour pouvoir sauter un échelon en rachetant la licence du club rétrogradé. Ce qui n’était possible que pour un club évoluant dans la même division territoriale.
Parmi les nouvelles recrues du FC Andorre pour la saison à venir on retrouve une vieille connaissance de notre championnat : Javier Martos (35 ans), l’ancien capitaine du Sporting Charleroi.
C’est au centre d’entraînement de Prada de Moles, niché à flanc de montagne à 1400 mètres d’altitude entre la capitale Andorre-la-Vieille et les stations de ski de la Principauté que l’ancien Zèbre nous attend pour discuter de sa nouvelle vie, de son dernier challenge comme joueur.
Javier Martos, comment êtes-vous arrivé au FC Andorre ?
"Pendant mes vacances, je suis allé voir jouer Prat, le club de ma ville natale qui disputait les playoffs pour monter en D3. J’y ai rencontré un joueur avec qui j’ai évolué à Barcelone et qui était déjà à Andorre. Je lui ai expliqué ma situation avec Charleroi et le fait que j’allais peut-être rejoindre Prat. Il m’a demandé d’attendre car le FC Andorre cherchait un défenseur central, formé à Barcelone et avec de l’expérience. Lors du match suivant de Prat, le directeur sportif du FC Andorre était-là et connaissait presque tout de moi. Il avait visionné mes matchs avec Charleroi et il avait parlé avec des dirigeants du centre de formation de Barcelone qui sont des personnes qui me connaissent. Elles ont donné un bon avis me concernant. Il m’a dit : on a besoin de joueurs comme toi et on a parlé du projet où on retrouvait déjà Gabri et Albert Jorquera, deux anciens de La Masia et du FC Barcelone dans le staff technique. Jorquera était d’ailleurs dans les buts du Barça quand j’y ai joué mon premier match. Il me connaissait. Le directeur sportif m’a expliqué : tu viens pour prendre du plaisir, pour jouer au football avec la même philosophie qu’à Barcelone, en prônant le tiki-taka. C’était difficile de refuser. J’ai dit : on va essayer, je n’ai rien à perdre. Pendant les matchs de préparation on n’a pas dégagé un seul ballon."
En quittant Charleroi vous ne pensiez pas venir à Andorre ?
"Le projet d’Andorre est arrivé après mon choix de quitter Charleroi. Il n’a pas influencé ma décision. Pour porter le maillot de Charleroi je voulais être à 100 % et la saison dernière j’ai eu des difficultés pour y arriver. C’est pour cela que je voulais retourner à Barcelone et jouer près de ma famille. Après est arrivé le projet d’Andorre qui jouait en D5 et qui montait en D4. Ensuite le club a profité d’un problème administratif et financier d’un club de D3 pour prendre sa place. La D3 espagnole, c’est déjà un niveau sérieux. Ce n’est pas ce qui était prévu au départ pour moi. Normalement je retournais à Barcelone pour finir mes cours et suivre une formation comme coach. Maintenant cela va attendre un peu pour le cursus d’entraîneur."
Et donc finalement vous poursuivez une carrière comme professionnel ?
"Oui, j’ai un contrat pro même si je n’ai pas un salaire comme à Charleroi. Il y a des exigences différentes par rapport à un statut d’amateur que je pensais devenir. Avant au FC Andorre, les joueurs travaillaient et jouaient au football, maintenant tous les joueurs qui évoluent ici sont des pros qui viennent de D2 espagnole ou de D1 dans d’autres pays. Le projet est de monter en D2 le plus vite possible puis en D1."
Et physiquement, vous vous sentez mieux ?
"Je me sens bien après deux mois de congé. J’en avais besoin. Mes batteries sont rechargées. Le foot belge est très exigeant physiquement et j’étais arrivé à un moment où même après les jours de congé, j’étais encore fatigué. Je n’avais pas le temps de récupérer. Cela, c’est l’âge. Peut-être que maintenant j’ai toujours le niveau pour jouer au Sporting après une période plus calme. Ici on a fait une préparation courte tout en travaillant sérieusement. Ce week-end, on commence le championnat et on verra si notre méthode de travail était la bonne. Moi, je me sens bien, comme lors des trois ou quatre dernières saisons. Mon poids est bon tout comme mon taux de masse graisseuse."
Quel est le niveau de la D3 espagnole ?
"Il ressemble à celui des bonnes équipes de D1B en Belgique qui ont comme projet de monter. J’ai été surpris car je connaissais la D2 espagnole avec de nombreux joueurs qui possèdent le niveau de la D1 belge. En D3, c’est aussi du costaud. Il y a des joueurs dans le championnat qu’on va disputer qui quittent l’Espagne pour des D1 dans des pays comme la Grèce ou Chypre. Dans notre série, il y a Barcelone B avec qui j’ai évolué quand j’étais jeune et qui joue au Mini Estadi, un stade comme celui de Charleroi situé à côté du Camp Nou. La pelouse y est immense pour que le Barça puisse y développer son football. Il ne faudra pas que je me trompe de vestiaire. Je vais également retrouver l’équipe de ma ville, Prat. Cela va être spécial, je connais le coach, les dirigeants, mon appartement se situe dans cette ville et ma famille y habite depuis 25 ans. Si le projet d’Andorre n’était pas venu, c’est certainement là-bas que je jouerais cette saison."
Et quel est l’objectif du FC Andorre ?
"À court terme, monter en D2. Cette semaine Gérard Piqué a encore dit dans les médias qu’il voulait entendre la musique de la Ligue des champions à Andorre. Cela, c’est pour le long terme. Tout ce qui est certain, c’est que ce sera compliqué pour moi de jouer en C1 avec le FC Andorre (rires). Il y a des gens qui veulent faire grandir ce projet. Le plus difficile ce sera de monter de D3 en D2. Il y a 80 équipes sur la ligne de départ (NdlR : quatre séries de 20) pour seulement quatre places en D2. Si on n’y arrive pas cette saison car on a préparé notre équipe pour jouer en D4, ce sera l’objectif de la saison prochaine."
Avez-vous déjà rencontré Gerard Piqué ?
"Il est venu nous voir lors du dernier match le week-end dernier. Il est passé dans le vestiaire pour parler avec les joueurs après la rencontre. Moi je suis arrivé le dernier car j’étais resté longtemps dehors pour voir ma famille. Quand je suis rentré dans le vestiaire il était assis à ma place et m’attendait. On a discuté pendant une petite demi-heure. Tu vois qu’il croit en son projet, ce n’est pas juste un jouet ou un caprice. Il se souvenait de moi car je jouais trois ans au-dessus de lui au FC Barcelone. Il m’a dit : tu vas avoir 36 ans en janvier et tu cours plus que moi à Barcelone. Il m’a félicité pour le niveau que j’avais encore. Cela m’a fait plaisir de le voir car cela prouve qu’il s’implique dans le projet. C’était son jour de congé avec le Barça, il pouvait rester avec sa famille à la maison. Mais non, il a pris sa voiture pour venir voir le match, pour parler avec les joueurs. Mais attention, au quotidien ce n’est pas lui qui gère le club. Il a placé des personnes de confiance."
"Mourir avec nos idées…"
Le FC Andorre doit jouer, à son niveau, comme le FC Barcelone.
En attendant de pouvoir emménager dans son appartement à Andorre-la-Vieille et être rejoint par sa femme et sa fille, l’ancien capitaine du Sporting vit seul dans un appart-hôtel.
"Une fois installé, ma compagne cherchera un emploi ici. Je voulais que ma fille (NdlR : qui a 4 ans) continue d’apprendre le français. On avait trouvé une place à Barcelone dans une école privée mais c’était hyper-cher. Ici à Andorre, il y a des cours de français dans les écoles publiques. Pour elle c’est donc un bon choix."
Pour Javi , l’adaptation fut facile avec un entraîneur qui pense comme lui : "On a beaucoup parlé avec Gabri car nous avons été tous les deux formés à Barcelone et on connaît très bien son style de jeu. Quand tu sors de Barcelone et que tu vas ailleurs, tu dois t’adapter. Car le style du Barça tu ne le retrouves pas ailleurs. Il y a Barcelone et le reste du monde. Ici au FC Andorre, quand j’ai le ballon, que le gardien me donne dans notre grand rectangle, je dois avoir trois ou quatre joueurs disponibles pour me donner des solutions. On construit de derrière comme le fait aussi Manchester City. Si tu perds la balle en tentant de jouer comme cela, il n’y a pas de problème car tu suis ta ligne de conduite. On va mourir avec nos idées."
Et l’ancien carolo va, lui, souffrir sur le synthétique du club.
"Les chevilles, les genoux et les tendons d’Achille font un peu mal après les entraînements. Heureusement c’est un synthétique dernière génération. Il est arrosé pendant les entraînements pour travailler sur un rythme rapide. C’est mieux qu’un terrain naturel qui n’est pas arrosé. Par rapport à la Belgique, la culture est différente. Ce mercredi c’était la journée physique mais on a énormément travaillé avec le ballon."
EN IMAGES: Javi Martos à l'entraînement à Andorre
"Imiter Monaco…"
Arrivé cet été à Andorre, Javier Martos, qui portera le numéro 6 ("Le huit était déjà pris"), découvre au fil des jours les ambitions et la politique du FC Andorre.
"Il n’y a pas que Piqué et sa société qui mettent de l’argent dans le club. Il y a aussi des familles de la région qui désirent que ce projet fonctionne tout comme le gouvernement andorran. L’idée, si ce projet avance, c’est de faire un nouveau stade à la dimension du club ou de nous fournir le stade national. Pour cette saison, le club va installer des tribunes provisoires autour de notre terrain pour pouvoir accueillir 2 000-3 000 personnes. Maintenant on peut seulement accepter 500 ou 1 000 supporters. Le club doit encore évoluer. L’espoir, c’est d’imiter Monaco. Mais il faut laisser un peu de temps, il faut aussi de l’argent et des résultats sportifs. On démarre de zéro et il faut encore tout mettre en place. Il n’y a, par exemple, pas d’équipes d’âge. Ce qui n’est pas idéal. Je sais que nos dirigeants sont en négociations avec le Gimnastic Manresa, un club qui se situe entre Barcelone et Andorre, pour l’acheter. Ce club qui ne fait que de la formation et n’a pas de vraie équipe première possède une excellente réputation. Il a déjà sorti plusieurs joueurs pros."
Un coup de pouce venu d’Australie…
Si Javi Martos a quitté Charleroi et la Belgique c’était pour initialement retourner près des siens à Barcelone. Ce qui aurait permis à femme Saray et sa fille Daniella de plus profiter de la famille. Quand le projet andorran s’est présenté il n’a pas été accueilli très chaleureusement. Mais un petit coup de pouce du destin a aidé l’ancien Carolo…
"Au début ma famille voulait me voir chez moi à Barcelone et pas à Andorre. Mais un élément extérieur est venu aider mon nouveau club. J’ai reçu à la même période une proposition pour jouer en D1 en… Australie. Avec à la clé beaucoup d’argent. J’ai parlé avec ma femme et elle préférait Andorre à l’Australie. Elle ne voulait pas trop que je vienne à Andorre au départ mais quand le coach du club australien m’a téléphoné elle a dit : on va à Andorre. Et je suis content de ce choix car je me retrouve dans une ambiance familiale comme à Charleroi. J’espère que les résultats vont suivre sinon on devra rigoler un peu moins. J’étais tenté par l’Australie pour les côtés sportif et financier mais aussi pour perfectionner mon anglais."