Zakaria Bakkali se confie avant Anderlecht-Fenerbahce: "Je n'ai aucune consigne tactique" (VIDEO)
Interview avec le nouveau chouchou du Parc Astrid, Zakaria Bakkali : "Pour la première fois de ma carrière, je suis heureux chaque matin en arrivant au club".
- Publié le 25-10-2018 à 06h31
- Mis à jour le 25-10-2018 à 10h29
Interview avec le nouveau chouchou du Parc Astrid, Zakaria Bakkali : "Pour la première fois de ma carrière, je suis heureux chaque matin en arrivant au club".
Si Anderlecht veut encore avoir son mot à dire en Europa League, il devra compter sur la créativité de son nouveau n°10, Zakaria Bakkali (22 ans), pour battre le Fenerbahçe. Après seulement cinq titularisations, le petit Belgo-Marocain est déjà le chouchou du public. "Et pourtant, je n’ai pas encore joué un seul bon match", dit Bakkali, qui impressionne par sa gentillesse, sa politesse et sa disponibilité.Et dire que vous aviez l’étiquette d’enfant terrible, Zakaria.
"Cela date de la fin de ma période au PSV. Tout a commencé quand j’ai refusé de resigner. D’abord, ils m’ont mis sur le banc, puis dans le noyau B. Je ne regrette pas de ne pas avoir resigné parce qu’ils n’ont pas été honnêtes avec moi. Je ne méritais pas la réputation qu’ils m’ont donnée. Pourtant, de mes 12 ans à mes 17 ans, ils ont très bien travaillé avec moi. Puis ils ont montré un autre visage."
Phillip Cocu, l’entraîneur du Fenerbahçe, y était pour quelque chose ?
"Non, non. Il a été très gentil avec moi. Je l’ai eu en jeunes. En A1, ce qui correspond aux U19 en Belgique. Quand il est monté en équipe A, je l’ai suivi."
Et vous avez marqué un but en préliminaires de la Ligue des Champions…
"… sur le terrain d’Anderlecht ! Une reprise de volée contre Zulte Waregem (en août 2013, le stade de Zulte était en reconstruction). Je marque toujours contre Zulte Waregem (clin d’œil) ."
Et vous dites que vous n’avez pas encore joué de bon match ?
"L’équipe oui, mais moi pas. Je suis à environ 70 % de mes capacités. Je ne suis pas encore en forme, mais on se débrouille. Je travaille beaucoup physiquement. Je progresse, mais je ne suis pas encore au top. Je peux tenir les 90 minutes, mais je me sens un peu fatigué sur le terrain. Je ne me sens pas encore super à l’aise. Il me faut encore un mois."
Vous voulez surtout être plus décisif ?
"En quatre matches de championnat, j’ai un but et un assist. Ce n’est pas assez, mais cela va venir. Je n’ai pas encore montré ce que je vaux."
Vous avez d’abord dû perdre des kilos en arrivant ici.
"Je pesais 72 kg. Maintenant, la balance indique 69 kg, comme à Valence. J’avais pris du poids parce que j’ai eu un mois et demi de vacances. J’ai travaillé, mais pas tous les jours. Et la saison passée, je ne jouais pas souvent au Deportivo La Corogne (il a été titulaire dix fois) . Quand tu es toujours sur le banc, tu es moins motivé. C’est quand tu enchaînes les matches que tu perds des kilos."
Vous avez la morphologie d’un Eden Hazard.
"J’ai des grosses cuisses comme lui. Mon frère a les mêmes. Vous savez que mon père était boxeur amateur ? Je ne l’ai jamais vu boxer parce qu’il a arrêté après une opération au dos avant ma naissance. Moi aussi, j’ai fait de la boxe entre mes 8 et 11 ans. Puis le Standard m’a découvert au tournoi du Sljivo et il est venu me chercher."
Vous avez dû choisir entre la boxe et le football ?
"Moi, je préférais le foot. Mais papa voulait que je devienne boxeur. Mais j’en fais encore, de la boxe ! Pour la condition, c’est top. Quand j’ai quelques jours de congés, mon coach à Droixhe me donne une séance d’une heure et demie."
Vous avez lu l’interview de Jan Mulder, la semaine passée ?
"De qui ? Ah oui, je l’ai lue."
Il est fan de vous parce que vous suivez votre intuition et vous n’écoutez pas les directives tactiques de l’entraîneur.
"Mais, honnêtement, le coach ne me donne pas trop de tâches tactiques. Il me laisse un peu libre. Je dois juste participer au pressing défensif. C’est gentil de la part de Mulder, mais j’écoute bel et bien l’entraîneur. J’ai eu beaucoup de coaches. J’en ai eu huit en trois saisons en Espagne. Eh bien tactiquement, Vanhaezebrouck est un des meilleurs. Un des buts de Dimata contre le Cercle, c’était une copie de ce qu’on avait fait à l’entraînement."
Vous n’avez pas encore regretté d’avoir signé à Anderlecht et pas au Standard ?
"Non. Je vais vous révéler un truc. Chaque matin, je suis heureux en arrivant à Neerpede. C’est un bon groupe, avec beaucoup de jeunes. J’avoue qu’après avoir parlé avec la direction du Standard, j’ai hésité un petit peu. Mais quand j’ai parlé avec Anderlecht, je préférais ce projet-ci."
Vous pouvez devenir le nouveau Boussoufa. Vous l’avez entendu ces derniers temps ?
"Non. C’était un bon joueur, il a fait beaucoup pour le club. Mais quand j’étais jeune, j’étais surtout fan de Ronaldo, le Brésilien. Et de Ronaldinho. J’avais des posters de ces deux dans ma chambre."
Pourquoi est-ce qu’il y a si peu de supporters maghrébins à Anderlecht ?
"Je ne sais pas. En tout cas, ma famille vient toujours à 15 ou 20 personnes."
"J'aime trop Bressoux"
Il a pourtant volontairement quitté le quartier où il s'est tant amusé
Tout au long de notre interview, Bakkali fera souvent référence à Bressoux, le quartier liégeois où il a grandi, à côté de Droixhe. “J’aime trop Bressoux”, dit-il. “Maintenant, j’habite Bruxelles. Mais quand j’ai le temps, je rentre à Bressoux. Carcela vient aussi de là ! Et Benteke habitait Droixhe, juste à côté.”
Et pourtant, il a volontairement quitté le quartier de son cœur. “J’avais 13 ans et je jouais au Standard. Anderlecht me voulait, mais le PSV aussi. Papa a décidé d’aller à Eindhoven pour être loin de la maison, où je pourrais me concentrer à 100 % sur le football.”
À Bressoux, ce n’aurait pas été possible. Bakkali : “Vous savez, il y a des ghettos. Disons qu’il n’y a pas une bonne fréquentation. Quand tu es jeune, tu es vite influencé et tu ne fais pas toujours le bon choix. Je suis parti aux Pays-Bas avec mes parents et on revenait une fois par semaine.”
Bakkali n’avait qu’une seule occupation dans son quartier : le football. Après un triplé avec le PSV contre NEC, la chaîne néerlandaise NOS a fait un reportage à Bressoux. Bakkali : “Vous y avez vu le petit terrain où nous jouions au football ? J’y ai passé toute ma jeunesse. Je rentrais de l’école à 15 heures et j’y restais jusqu’à 22 heures. Ou même jusqu’à une heure du matin pendant les vacances. Et quand je rentrais chez moi du PSV, j’allais même encore jouer avec mes potes.”
Les parties de minifoot à Bressoux ont influencé sa carrière. “Si je suis le joueur que je suis aujourd’hui, c’est grâce à cela. J’ai beaucoup travaillé mon explosivité. Et ma technique. Il y avait des bosses sur ce terrain, c’était difficile de maîtriser le ballon. Donc, sur un vrai terrain de foot, tu as plus facile.”
Autre aspect qu’il a développé dans la rue : sa rage de vaincre. “On faisait beaucoup de tournois, avec des grands. Moi, j’étais le seul petit. Les tournois duraient toute la journée. Les matches se jouaient à fond. L’équipe qui marquait deux buts avait gagné. Sept ou huit équipes participaient. Quand tu perdais un match, tu devais attendre que les six autres jouent contre le gagnant. Et quand tu gagnais un match, l’autre équipe rentrait parfois chez elle (il sourit).”
Quand il rend visite à sa famille, Bakkali ne s’aventure plus parmi les footballeurs pour ne pas se blesser. “Ils jouent encore, mais ils sont moins nombreux qu’à mon époque. S’ils ne m’en veulent pas d’avoir signé à Anderlecht et pas au Standard ? Non, non… Ils comprennent.”
"J'ai failli signer à Manchester City à 16 ans"
Bakkali a un lien particulier avec Manchester. “À 15 ans, j’ai été élu meilleur joueur de la Nike Cup, qui avait lieu dans le centre de formation de United. Le PSV était 10e sur 20 équipes. Les plus grands clubs comme Chelsea, Boca Junior et le Real étaient présents.” L’année suivante, il était sur le point de signer à City. “Patrick Vieira avait parlé avec moi au stade. J’ai beaucoup hésité, mais encore changer de pays était délicat. Mon père a décidé que c’était mieux de signer au PSV.” Entre-temps, Bakkali travaille avec le plus grand agent au monde, Jorge Mendes. “J’ai été une fois ou deux à sa maison…”
"Mon oui à la Belgique? Pas de regrets"
On l’oublierait presque, mais Bakkali est sélectionnable pour l’équipe nationale belge. En 2013, il avait dit oui à Marc Wilmots alors qu’il avait 17 ans. Il a joué 11 minutes contre le pays de Galles en 2013 et 12 minutes contre Andorre en 2015. “Je n’ai jamais regretté ma décision. Je sais qu’il y a beaucoup de concurrence, mais le Maroc a aussi de bons joueurs offensifs ! Bien sûr que, pendant la Coupe du Monde, j’ai pensé que j’aurais pu être là. Mais je n’ai pas beaucoup joué à La Corogne, je n’avais rien à revendiquer. À Anderlecht, j’ai retrouvé le plaisir du foot. Je me concentre d’abord sur le Sporting.”
"Seedorf, mon T1, faisait des retournés
L’aventure espagnole de Bakkali (deux ans à Valence, un au Deportivo) ne s’est pas passée comme prévu. Il a inscrit trois buts et donné six assists. “J’ai joué de bons matches, mais j’ai souvent été blessé”, dit-il. “J’ai subi une opération pour guérir une pubalgie. En même temps, ils ont opéré mes hanches. J’ai été absent pendant longtemps. Et on changeait trop souvent de coach. Je n’aime pas, même quand on perd. Mais j’ai aussi gardé de bons souvenirs. Notamment un 1-1 contre Barcelone. Et j’ai aussi eu quelques bons entraîneurs. Comme Seedorf. Lui, il faisait des retournés à l’entraînement.”