Thomas Didillon se présente: "S’il le faut, je marche sur la tête pour être champion"
- Publié le 03-08-2018 à 06h50
- Mis à jour le 03-08-2018 à 11h58
En quelques semaines, Thomas Didillon (22 ans) s’est imposé comme gardien titulaire et comme l’un des patrons du vestiaire. Du haut de ses 193 centimètres, Thomas Didillon impressionne. Le regard sérieux du portier français tranche avec sa bonhomie et son humour.
À coups de gestes et de blagues, il a expliqué ce qu’il attendait de sa première année dans un club du haut du tableau et ce qu’il a su retirer d’une carrière riche en émotions malgré son jeune âge.
Vous avez porté le brassard. Êtes-vous l’un des capitaines d’Anderlecht ?
(Il se marre.) "Calmez-vous. J’ai eu le brassard car les trois capitaines (Trebel, Kums et Boeckx) n’étaient pas là."
Cela en dit tout de même long sur votre caractère…
"C’est flatteur. C’est une preuve de ma bonne intégration. C’est positif. J’ai d’ailleurs pris le brassard avec plaisir, hein, je ne suis pas fou non plus."
José Riga, votre ancien coach, dit que vous faites bien passer les messages dans un groupe !
"Il faut juste trouver la bonne manière avec le bon interlocuteur. Quand on sait faire ça, ce n’est pas bien compliqué. Par nature, un gardien est un peu vice-capitaine. Le brassard n’a rien à voir avec le rôle qu’on doit occuper en match. Je suis obligé d’être un relais important."
Auriez-vous signé ici si Matz Sels était resté ?
"On a tous l’objectif de montrer qu’on est capable de jouer. L’objectif doit être de mettre le coach dans l’embarras au niveau de ses choix. Je voulais d’abord découvrir le groupe et le club mais je suis arrivé en compétiteur. Je voulais jouer. C’est ce que je viens faire. J’ai adhéré à un projet sans faire de calculs de qui reste et qui s’en va. C’était l’opportunité de rejoindre un grand club, de progresser, de découvrir l’Europe, de jouer le titre en D1, ce que je n’ai jamais fait."
Comment Luc Devroe vous a-t-il convaincu ?
"Le blason a suffi (rires) ! C’est plus la discussion avec le coach qui comptait. C’est flatteur quand une direction veut te faire signer, mais c’est encore mieux quand c’est une direction et un coach. Vanhaezebrouck impose sa vision, peu importe l’adversaire. Ça correspond à ma manière de jouer. Je vais chercher les ballons, je n’attends pas. Puis Danijel Milicevic m’a dit que c’était un excellent coach qui a d’énormes exigences."
Vous avez eu Albert Cartier donc vous étiez paré à un coach exigeant…
"Ils ont des types d’exigences différents. Cartier est un meneur d’hommes charismatique. Vanhaezebrouck est plus en retrait, plus concentré sur le foot. Un mélange des deux serait très intéressant."
Cartier vous a offert votre premier match en fin de saison 2013-2014 face à Laval.
"J’avais apprécié sa démarche. Nous étions déjà champions de L2 avec Metz. C’était sa manière de me remercier. Le troisième gardien est celui qui reste après l’entraînement avec les joueurs qui veulent mettre des centres et des volées à bout portant. Il en faut un comme ça. Et il est important dans le groupe. Je garde un super souvenir de ce match qu’on a terminé sur un 0-0."
Pourquoi partir à Seraing la saison suivante ?
"Il y a peu de perspectives de temps de jeu pour un troisième gardien de même pas 19 ans quand tu montes en Ligue 1. L’option Seraing était bonne. J’ai foncé. On a fait une saison dépassant nos espérances."
Vous avez commis quelques erreurs à vos débuts…
"Je ne sais plus… Nous ne sommes pas tous Iker Casillas. S’il y a eu des boulettes, je ne les ai toujours vues que comme un apprentissage à corriger au match d’après. J’étais certain de jouer ce match suivant et pouvais continuer mon apprentissage. C’était une saison très enrichissante. On devait se maintenir et on termine quatrièmes…"
Puis, vous gagnez le festival des espoirs de Toulon.
"J’étais avec du beau monde comme Lemar ou Kimpembe (NdlR : récents champions du Monde) . En sélection, mes équipiers me demandaient où je jouais."
Entre-temps, Metz a refait la culbute et vous êtes mis dans les buts.
"Je suis revenu avec un gros bagage et de la confiance. Metz m’a dit de faire la prépa et qu’on verrait bien. Nous avons fini la saison en étant promus sur le fil. J’ai transpiré jusqu’à la dernière seconde."
En Ligue 1 la saison suivante, vous avez pris 72 buts sans pour autant descendre !
"On encaissait beaucoup contre les grands. Mais pas contre les équipes de notre niveau. J’ai réalisé 11 clean sheets . C’était toutefois dur mentalement. Je n’étais pas en faute mais je râlais d’encaisser. Ce n’était pas facile de passer au-dessus."
Vous dites apprécier le jeu offensif et la possession…
"Oui, mais s’il faut mettre un pointu en tribune pour gagner, on le fera. Pour être champions du Monde, les mecs ont fait des choses qu’ils ne voulaient pas. Pas grave, tu es champion du Monde. Si on est moches et qu’on ne signe que des victoires sur le score de 1-0, je n’en ai rien à faire tant qu’on est champions. Je signe direct. Si je dois marcher sur la tête pour le titre, je le fais."
"J’adore Neuer mais ne nous comparez pas"
Thomas Didillon dit s’inspirer de nombreux bons gardiens et d’avoir grandi en regardant "les immortels" Buffon et Casillas. "J’aimais bien Oliver Kahn aussi. Mais c’est un autre style." Il avoue tout de même avoir un faible pour Manuer Neuer. "C’est le cœur qui parle", sourit-il. "Certains nous comparent mais je ne préfère pas. Laissons à ce grand monsieur ce qui lui appartient. Je joue avec mes qualités et elles ressemblent un peu aux siennes." Le Français aime par exemple évoluer très haut et jouer au pied. "C’est comme ça que je prends du plaisir sur le terrain et que je suis le plus utile. Mais je dois être concentré sinon je fais vite n’importe quoi."
"J’aime les jeux vidéo, mais aussi la pêche et la philo"
Thomas Didillon a tenté d’étudier le droit, a obtenu un Bac scientifique et a grandi bien plus vite que les autres
Un gardien qui peut se targuer d’autant de matches à 22 ans, ça ne court pas les rues. Rien qu’à l’entendre parler, on comprend que Thomas Didillon a du plomb dans la cervelle.
À votre âge, vous avez déjà vécu beaucoup de choses…
"Rien ne remplace l’expérience. J’ai encore beaucoup des choses à vivre. Mon évolution est liée à mon poste : un gardien doit avoir plus de réflexion."
N’est-ce pas souvent le plus fou ?
"Cela n’empêche pas la réflexion." (rires)
Quelle est la différence psychologique avec un joueur de champ ?
"Nous sommes habitués d’être isolés. On ne fait pas grand-chose mais on est obligé de rester concentré durant 90 minutes. Essaye. À la fin, t’es rincé. Cela coûte beaucoup d’énergie."
Vous êtes déjà un homme de famille (lire ci-dessous), cela signifie une certaine maturité…
"C’est vaste la maturité. Certains diront que je suis immature car je vais acheter une voiture. C’est subjectif. Professionnellement, on vit des choses qui nous font grandir. Sans être adulte dans la tête, on a des soucis."
On dit de vous que vous êtes intelligent et curieux…
"J’ai eu le choix : être pro ou de faire autre chose. J’ai beaucoup réfléchi et longtemps hésité vu qu’une carrière peut être courte. J’ai gardé cette envie de me battre contre le préjugé du footeux débile. C’est important de montrer à la société qu’on n’est pas plus con qu’un autre. Le cliché persiste."
À quoi vous intéressez-vous ?
"Je suis curieux de tout. Beaucoup de choses m’intéressent. C’est une question de développement personnel. Un banquier peut aimer la mécanique. Je souhaite m’enrichir personnellement. Je suis capable de passer une après-midi à jouer à la console. Mais je peux en faire de même avec un bouquin de philo, mon livre du permis moto, etc. J’adore aussi aller pêcher."
Vous avez étudié les sciences ?
"J’ai un Bac scientifique. Je ne sais pas ce que j’aurais fait si je n’avais pas été footballeur. Quand je suis revenu de Seraing, je me suis inscrit en droit. J’ai suivi trois mois de cours à distance avant d’être largué. Je voulais mettre le nez là-dedans. J’ai adoré découvrir cette matière. À Metz, on nous poussait vers la scolarité et le football à la fois. Ce n’était pas compatible. On verra à 30 ans si je ferai quelque chose. Je m’émerveille de toute façon de tout."
Vous êtes conscient qu’une carrière peut rapidement prendre fin. Vous avez été opéré d’une hernie au dos et vous n’aviez plus de sensation dans le pied…
"Je suis inquiet pour la fin de ma carrière et mon après-carrière. J’effectue beaucoup de travail de prévention pour éviter des rechutes. Mais j’ai décidé de vivre le truc sans me prendre la tête. Je profite de faire un beau métier qui me paie très bien. C’est même un métier qu’on ferait gratuitement car si je n’étais pas pro, je jouerais certainement avec mes potes le dimanche."