Thomas Didillon: "Arrêtez de croire que le sportif parfait existe"
Favori pour recevoir le brassard, Thomas Didillon devra beaucoup plus jouer avec ses pieds cette saison, et ça ne le stresse pas.
- Publié le 27-07-2019 à 07h16
- Mis à jour le 27-07-2019 à 08h04
Favori pour recevoir le brassard, Thomas Didillon devra beaucoup plus jouer avec ses pieds cette saison, et ça ne le stresse pas. L’interview ci-dessous a commencé dans une loge du stade et s’est terminée dans le couloir des vestiaires. Un entretien mobile pour tenter d’échapper aux rayons du soleil qui cuisaient littéralement Thomas Didillon, à peine sorti d’une grosse séance d’entraînement en ce mercredi après-midi. "C’est encore pire pour les gardiens. Plus il fait chaud, plus le terrain est sec et plus il faut ajouter des couches pour éviter de se faire mal en tombant au sol. C’est sauna gratuit… On doit même se peser avant et après la séance pour savoir quelle perte de poids il faut compenser."
La préparation de Kompany est-elle la plus dure de votre carrière ?
"Physiquement, non. Mais c’est la plus intense au niveau de la concentration. On a dû intégrer un tout nouveau système très rapidement. Chaque semaine, les séances étaient axées sur un thème. C’était intense."
La théorie est-elle encore plus présente qu’à l’époque de Vanhaezebrouck ?
"Je n’aime pas trop comparer les techniques de deux coachs différents. C’est comme si t’essayais de comparer un chien avec un chat. L’avantage avec Vince, c’est qu’il a joué au très, très haut niveau. Il sait comment faire passer un message. Il sait comment un joueur se sent quand les théories sont un peu longues. Attention, les joueurs sont bien conscients de la nécessité de la théorie. C’est aussi comme ça qu’on gagne des championnats."
Kompany met en place une philosophie ambitieuse, à la Guardiola.
"Je ne pense pas que Vince fasse à la lettre près ce que Guardiola fait à City. Il n’a pas les joueurs de City, il n’a pas le public de City, il n’a pas les installations de City. Le ressenti est différent. Mais c’est vrai que la philosophie de jeu est ambitieuse. Je pense qu’on a les qualités pour le faire. Certains joueurs un peu moins en vue l’an dernier se sentent mieux dans cette configuration."
Vous pensez à Gerkens ?
"Oui, entre autres. Je vois aussi Peter Zulj. Il est arrivé en janvier dans un contexte très compliqué. Il a toujours des qualités et il peut mieux s’exprimer maintenant."
Dans cette philosophie ambitieuse, le rôle du gardien prend de l’importance.
"Oui. Je n’avais jamais été aussi impliqué tactiquement de ma carrière. Le gardien n’est plus une solution par défaut mais un membre à part entière de l’équipe pour construire le jeu. Ça rejoint ma vision du football. C’est gratifiant. Dans l’inconscient des gens, le foot, c’est dix joueurs et un gardien. Le gardien est un joueur à part, oui, mais aujourd’hui il permet d’avoir une solution en plus quand l’adversaire fait un pressing. Dans notre système, on ne se dit plus : Merde, je n’ai aucune solution, tant pis je remets au gardien. Le gardien fait vraiment partie du jeu."
Vous devez donc beaucoup jouer aux pieds. Est-ce stressant ?
"Je ne parlerais pas de stress. Il faut juste rester lucide. Je suis dépendant de mes équipiers. Si, quand j’ai le ballon, j’ai trois possibilités de passe, tout doit bien se passer. Le but, c’est de trouver la solution qui va faire que l’adversaire arrête de me presser. S’il faut le faire trois fois, on le fera trois fois. Que les attaquants adverses fassent des courses et finissent par se rendre compte qu’on est toujours en supériorité numérique. Même si toute l’équipe adverse presse, on sera toujours un de plus puisque le gardien d’en face ne va pas venir presser aussi. Ça part d’un constat mathématique simple. Il faut juste bien occuper les positions."
Les gardiens ont fait des erreurs pendant la préparation, notamment vous contre l’AZ.
"Ces matchs-là servent à faire des erreurs. Après, on les regarde et on les analyse pour que ça n’arrive plus. C’est pour ça que c’était intéressant d’avoir des adversaires costauds en préparation. En championnat, on sait que certaines équipes ne nous presseront pas et que d’autres le feront. Mais l’an passé en playoffs 1, je n’ai pas vu une seule équipe qui ne pressait pas. C’est ce niveau qu’on veut atteindre."
Vous avez commis deux erreurs aux pieds en débuts de playoffs la saison passée.
"Peut-on dire que Ter Stegen a fait une super saison à Barcelone ? Oui, et pourtant il a fait une fameuse erreur (NdlR : lors d’une défaite au Celta Vigo). Il faut sortir le sportif parfait de la tête des gens. Le foot, c’est un sport imparfait, et il faut l’accepter. Je ferai encore des erreurs. Et parfois des grosses. Et parfois des pénalisantes. Mais je ne m’arrêterai pas. Chaque erreur, je l’analyse en me demandant comment je peux l’améliorer. Il n’y a pas d’autre chemin pour progresser."
Après ces deux erreurs, vous avez bien relevé la tête. Vos playoffs étaient même bons dans l’ensemble. Avez-vous été rassuré par votre force mentale ?
"Les erreurs sont arrivées et je n’en ai pas fait une montagne. On ne peut pas être un grand gardien sans avoir un mental. Tout cela est arrivé rapidement, en une semaine. À un poste où on est tout seul, parfois isolé. Quand le ballon est de l’autre côté du terrain, la tête travaille vite chez un gardien. Tu te dis : Je viens de rater le ballon, je fais quoi sur le prochain ? C’est important d’être prêt à affronter ça. Ça va faire quatre ans que je bosse avec un préparateur mental. Aujourd’hui, ça paie.
Le travail avec le préparateur mental, c’est intensif ?
"Il n’y a pas besoin de quatre heures par jour mais il faut un contact régulier, tous les deux-trois jours. Quand je remarque quelque chose à l’entraînement et que j’ai envie de vérifier ça avec lui. Pour ne pas laisser une question sans réponse ou une émotion ressentie sans explication. Ça permet de mieux gérer la fois d’après. C’est un échange avec quelqu’un qui est devenu mon ami. Un échange avec quelques exercices. Le mental, ça s’entraîne aussi."
L’intérêt de Rennes révélé par la presse française peut-il perturber votre préparation mentale ?
"Si je commençais à spéculer pendant le mercato, j’aurais la tête retournée. Ce serait de l’énergie perdue pour rien. Je suis heureux à Anderlecht. C’est encore plus excitant avec le nouveau projet. C’est flatteur d’avoir de l’intérêt mais je suis heureux ici, la direction est contente de moi, Vince est content de moi, le staff est content de moi. Il n’y a aucune raison que ça change. Je pense être apprécié de tous et c’est une vraie récompense après une seule saison."
Vous avez eu un contact direct avec Rennes ?
"Même si c’était le cas, je ne le dirais pas. Je suis à Anderlecht et il faut du respect pour ça. Si je vous dis : ‘Oui, j’ai eu des appels.’ Puis que ça ne se fait pas, j’ai l’air d’un couillon. J’ai encore trois ans de contrat et je suis heureux ici."
D’autant que vous pourriez devenir le nouveau capitaine.
"Il faudra demander ça à Vince. J’étais capitaine samedi passé à Hambourg mais je crois que Vince va attendre la fin du mercato pour désigner définitivement son capitaine. Il est conscient qu’il va avoir besoin de relais. Il ne peut pas tout gérer tout seul. Mon comportement restera toujours le même. S’il estime que ça me rend digne d’avoir le brassard, tant mieux."
Vous occupez-vous plus particulièrement de l’intégration de Nasri, votre compatriote ?
"Vous faites une fixation sur les différences entre Français et Belges, hein (rires) ! On n’est pas si différents. On lui traduit juste quelques expressions bien belges mais rien de plus. On essaie d’intégrer tous les nouveaux, c’est notre rôle. On se doit d’être accueillants."
C’est le discours d’un capitaine, ça…
"C’est vous qui le dites…"
Comment ça se passe avec Nasri à l’entraînement ?
"Ça fait un moment qu’il n’avait pas joué. Il faut respecter son corps. Ça va prendre du temps avant d’avoir du grand Samir mais il est très impliqué et souriant. Sa technique est toujours bien là. C’est vraiment exceptionnel."
Toute dernière question : allez-vous mettre du Metallica pendant les échauffements en salle ?
"Ah, vous avez vu que j’étais allé voir Metallica en concert au Heysel (rires) ? Je suis un grand fan. Boeckx était là aussi, mais lui était tout devant. Il est plus fou que moi. Pour mettre du Metallica, il faudrait que je gagne le petit jeu à l’entraînement mais ça ne m’est pas encore arrivé. De toute manière, c’est devenu une dictature. C’est Vince qui met toutes ses musiques. Va falloir que je lui en parle (rires). Grâce à lui, j’ai quand même découvert une musique africaine et j’ai le morceau sur mon téléphone. Si je pouvais choisir la programmation, je mettrais du rock, mais des trucs écoutables pour tout le monde."