Sanneh se livre sur sa vie avant Anderlecht: "J’ai vécu une enfance difficile"
Bubacarr Sanneh, la nouvelle recrue d’Anderlecht, raconte sa vie avant d’arriver à Anderlecht.
- Publié le 14-09-2018 à 06h46
- Mis à jour le 14-09-2018 à 06h53
Bubacarr Sanneh, la nouvelle recrue d’Anderlecht, raconte sa vie avant d’arriver à Anderlecht. "Vous faites vraiment 1,83 mètre ?" Bubacarr Sanneh (23 ans) se poste à nos côtés pour le prouver. "Vous voyez, c’est juste", sourit-il alors qu’on lui dit qu’il a l’air bien plus grand. "C’est dû à la carrure, vous faites directement immense."
Il se met à rire et confirme que ses larges épaules de déménageur ont également fait parler d’elles en Gambie et au Danemark où il a été affublé des surnoms de the rock et the timber (NdlR : le rocher et l’arbre).
Dans le vestiaire du RSCA, les joueurs ne lui ont pas encore trouvé un nouveau sobriquet. "Ils m’appellent Buba (NdlR : lisez bouba) mais faites comme vous voulez." (rires)
Bubacarr, parlez-nous de votre ville natale…
"Je suis né à Banjul mais j’ai grandi à Serrekunda. Ce n’est pas la plus grande ville du pays mais la plus populaire. Il y a des plages, Banjul n’est pas loin. Ai-je appris sur la plage ? Non, je n’y allais pas si souvent que ça."
Quand avez-vous débuté le football ?
"Je suis passé pro quand j’avais 15 ou 16 ans. Avant, je jouais dans une petite académie locale en parallèle à mes études. J’ai été repéré à l’académie et j’ai fait forte impression grâce à ma taille et ma puissance."
Comment s’est déroulée votre jeunesse en Gambie ?
"C’était difficile. J’ai perdu mon père quand j’avais trois ans. J’ai grandi avec ma mère pour seul parent. Nous étions assez pauvres. J’avais sept frères et une sœur mais j’ai perdu un de mes frères."
Vous avez grandi tous ensemble ?
"Non, nous étions séparés. Je suis le deuxième plus jeune de la famille. Les plus jeunes, nous vivions avec notre mère."
Vous avez tout de même pu vivre une enfance normale ?
"Vous savez, la Gambie est un pays pauvre. Nous avions une maison correcte et de quoi manger. Nous jouions au football. C’était une manière de penser à autre chose."
Vous êtes le seul à avoir atteint le haut niveau ?
"Je suis le seul. Mes grands frères jouaient bien mais ils devaient bosser pour survivre et que nous soyons heureux. Mon petit frère joue au football mais il n’a que 18 ans."
Votre enfance explique aussi pourquoi vous vouliez quitter le Danemark et rejoindre Anderlecht qui vous proposait un salaire plus conséquent qui va vous permettre d’aider vos proches…
"C’était une situation difficile. Midtjylland avait payé un petit montant pour m’acheter à Horsens car j’étais presque en fin de contrat. Ils m’avaient dit qu’en cas de bonne opportunité, je pourrais partir. C’est arrivé mais le club ne voulait pas me laisser partir car j’étais important pour eux. Midtjylland était encore en course en Ligue des Champions puis en Europa League. Puis, je voulais être correct dans les négociations."
Comment était votre arrivée au Danemark ? Cela devait être un choc !
"Les trois premiers mois étaient compliqués. C’était la première fois que j’étais en Europe. J’ai d’abord été prêté avant de signer un contrat. Je n’avais jamais connu un tel froid en Afrique. Jusqu’à la trêve, ça allait mais à mon retour en plein hiver, il faisait très froid. Je m’y suis fait."
Êtes-vous devenu un peu danois après avoir passé plus de trois ans là-bas ?
"Je ne me suis pas imprégné de leur culture mais un peu de leur style de vie. Ils vivent très simplement, sont heureux et bons. Alors qu’ils sont bien occupés."
Qu’avez-vous dû changer là-bas ?
"Ils m’ont demandé d’être plus puissant. J’ai passé beaucoup de temps en salle de sport et ils m’ont appelé the rock." (rires)
"J’envoie de l’argent en Gambie tous les mois"
Il a offert à sa mère des cadeaux dont un voyage à La Mecque
Ses proches gambiens ont décrit Bubacarr Sanneh comme l’une des étoiles montantes du football gambien. Un statut qui lui permet de revenir au pays sans être ennuyé.
À quelle fréquence rentrez-vous au pays ?
"Tous les six mois, pour les vacances."
Vous y revoyez juste votre famille ?
"Voilà et mes amis. J’ai toujours gardé les mêmes amis sans en avoir de nouveaux. En dehors du terrain, je suis un gars normal, pas une star. Je peux encore traîner en rue avec les copains sans être arrêté."
Allez-vous inviter votre famille en Belgique ?
"J’aimerais vraiment pouvoir car aucun de mes frères n’est venu au Danemark."
Vous êtes pourtant très proches…
"Oui. Quand je reviens au pays, je passe beaucoup de temps en famille. Après les entraînements, j’essaie de les appeler, de leur parler par message."
Votre maman travaille-t-elle encore ?
"Elle a un certain âge et reste désormais à la maison."
Elle doit être fière de vous…
"Très. Et je suis fier d’elle. Elle a tout fait pour que nous ayons une bonne vie. J’essaie de lui rendre ce qu’elle m’a donné en lui faisant des cadeaux. L’an passé, je lui ai offert un voyage à La Mecque. C’est un voyage important pour nous, musulmans."
La religion a une place importante dans votre vie ?
"Oui et j’aimerais vraiment aller un jour à La Mecque."
Vous soutenez votre famille à distance ?
"Je verse de l’argent tous les mois. Et en monnaie locale, ça fait beaucoup mais c’est important pour ma famille. Je ne veux pas vivre une vie de luxe ici alors qu’ils n’ont pas tout ce dont ils ont besoin à la maison. Jouer pour eux est la meilleure motivation au monde. Je travaille dur pour moi mais aussi pour huit autres personnes."
"Huit millions ? Pas de pression"
Le but de Sanneh est d’aller en Liga, en Serie A ou en Premier League
Dans les tribunes du Stade Constant Vanden Stock, on ne parle que du prix de Bubacarr Sanneh. Huit millions, c’est un record pour un défenseur. Autant pour Anderlecht que pour le championnat de Belgique.
Cela ne vous met-il pas trop de pression ?
"Absolument pas. Je crois en moi et ne veux décevoir personne. Il y a de grandes attentes et j’espère y répondre. Je dois prendre mes marques et me lancer."
Votre réputation vous précède. On connaît déjà vos surnoms…
"Au Danemark, c’est the rock (NdlR : le rocher) . Il suffit de voir mes matches pour comprendre. Omar Colley vous a dit qu’on m’appelait ‘the timber’ en Gambie ? Cela doit faire cinq ou six ans que les gens me connaissent sous ce nom. J’ai joué six mois avec Colley avant qu’il n’aille en Europe. On se connaît bien."
Il est un exemple pour vous ?
"Bien sûr. Il faut regarder ce que font les aînés. Il est très professionnel et a réussi à construire sa carrière step by step . La Belgique était une bonne étape dans sa carrière et il m’a conseillé d’en faire autant. Il m’a parlé d’Anderlecht."
Vous évoquez une étape…
"Mon but est d’aller plus haut. En Italie, par exemple. Mes clubs préférés sont Manchester United et le Real Madrid. J’espère un jour évoluer dans une compétition de ce niveau. Pour cela, je dois franchir les étapes progressivement."
Connaissiez-vous Anderlecht ?
"C’est le meilleur club de Belgique. Je connais la Belgique via mes entraîneurs. Mon sélectionneur, Tom Saintfiet, est belge. J’ai également eu Paul Put comme coach. Quand j’étais plus jeune, j’ai aussi eu un entraîneur belge. Puis, il y a eu des Gambiens en Belgique comme Jarju ou Sylla. Il y a déjà eu un Gambien à Anderlecht : Idrissa Sonko."
Pensez-vous débuter ce week-end ?
"Je suis prêt. Mentalement et physiquement. Mais le coach décide."
Vous le connaissez un peu ?
"C’est un coach qui s’y connaît. Nous ferons rapidement connaissance. Il m’a appelé avant que je signe. Il m’a dit que j’allais convenir à son système de jeu. C’est toujours bon à savoir pour un joueur."
Vous avez l’habitude d’une défense à trois…
"C’est un avantage. Je joue d’habitude à la position la plus axiale. Je suis du genre à couvrir beaucoup de terrain. J’aime également distribuer le jeu. À Midtjylland, tu n’avais pas le choix. Si tu n’étais pas capable de construire depuis l’arrière, tu n’avais pas ta place."
Que devez-vous encore améliorer ?
"Je ne suis jamais satisfait. Je pense qu’on peut toujours s’améliorer. J’espère m’adapter. Et apprendre le français ou le néerlandais (rires) . Mais je veux me concentrer sur le terrain."