Quand les coaches étaient joueurs (4/8) : Même Joachim Löw était étonné par René Weiler
Entre promesses, blessures et orgueil, René Weiler a vécu une carrière de joueur frustrante mais qui lui a quand même permis de côtoyer plusieurs futures stars du football.
- Publié le 31-03-2017 à 09h33
- Mis à jour le 31-03-2017 à 09h40
Entre promesses, blessures et orgueil, René Weiler a vécu une carrière de joueur frustrante mais qui lui a quand même permis de côtoyer plusieurs futures stars du football. Tel joueur, tel entraîneur. Le dicton n’existe pas vraiment mais on devait l’inventer pour René Weiler.
En se plongeant dans sa méconnue carrière de joueur, on a pu se rendre compte au fil des témoignages que le coach du Sporting a jeté très tôt les bases de sa future carrière.
"Quand je le vois maintenant, je revois le gamin d’à peine vingt ans qui osait me donner son avis sur la tactique à appliquer, les yeux dans les yeux", rigole Rolf Fringer, son ancien entraîneur au FC Aarau. "Il n’a pas du tout changé. Son caractère un peu original était déjà bien affirmé alors qu’il sortait à peine de l’adolescence."
En neuf mois de travail, le Suisse a bouleversé les mentalités dans le vestiaire anderlechtois.
Il a fait le tri sans faire de sentiment, ni de compromis, même pour les onéreux Stefano Okaka et Sébastien De Maio. Il exige un groupe à l’écoute qui applique ses consignes à la lettre.
"Il était déjà comme ça quand il jouait", se souvient Bernard Challandes, son coach au Servette Genève. "C’était un des leaders de mon équipe. Il savait déjà où il voulait aller, parfois à l’excès. Il n’écoutait pas toujours ce qu’on lui disait… Mais c’est aussi ce qui fait sa force. Il ne doute pas de lui et ça lui permet d’aller au bout de ses idées. René peut faire une très, très belle carrière d’entraîneur car il a toutes les qualités nécessaires. On l’espère tous en Suisse car avoir de bons coachs fait aussi progresser notre football."
Personne n’aurait pu imaginer un tel destin au tout début des années 1990 quand un gamin encore frêle est sorti du centre de formation du FC Winterthour, club phare de cette petite ville éponyme située à vingt-cinq kilomètres de Zurich.
Au FC Winterhur de 1990 à 1993: "Un milieu droit plus malin que la moyenne"
Né à Winterthur, René Weiler fait toutes ses classes dans le club de la ville. S’il n’avait pas un physique impressionnant, il sortait du lot grâce à ses qualités techniques. "Il était vraiment doué avec le ballon", raconte Axel Thoma, son ancien équipier. "Il était un très bon milieu droit, capable de donner de très bons centres. Il était tout jeune quand il est sorti de l’école de jeunes mais il avait déjà frappé le vestiaire par sa personnalité à l’époque. On sentait qu’il était plus malin que la moyenne et qu’il avait une certaine confiance en lui. Il pouvait se le permettre car il était très exigeant envers lui. Il voulait toujours progresser."
Dans le vestiaire de ce club qui évoluait alors en deuxième division, on retrouve un autre futur entraîneur : Joachim Löw, le sélectionneur champion du monde en titre avec l’équipe nationale allemande. "Löw était en fin de carrière (NdlR : il avait 32 ans) et René profitait de son expérience", poursuit Thoma. "Je ne pense pas qu’ils soient restés en contact aujourd’hui mais c’est amusant de se dire qu’on avait ces deux personnalités dans notre club de D2 (sourire). Je n’aurais pas pu dire à l’époque qu’ils deviendraient tous les deux de bons coaches mais ils avaient déjà du caractère. Et c’est important dans ce job."
Au FC Winterhur de 1998 à 2000: "Sa cheville le faisait trop souffrir"
René Weiler boucle la boucle en terminant sa carrière à Winterthur. Très rapidement, il se rendra compte que son corps n’est plus fait pour le haut niveau après de trop nombreuses blessures. "Il a surtout souffert de la cheville droite", précise Axel Thoma, son ancien équipier au tout début de sa carrière qui était entre-temps devenu entraîneur adjoint à Winterthur. "Il a tenté jusqu’au bout de revenir mais ça n’allait plus."
Weiler raccroche les crampons en 2000, à seulement 26 ans. Ceux qui l’ont connu se doutent déjà qu’il enfilera rapidement le costume d’entraîneur. "Il est devenu un coach à son image : strict, exigeant et très doué", résume Bernard Challandes. "En suivant Anderlecht, je me suis rendu compte qu’il avait créé un véritable esprit de groupe."
"Être un joueur de Weiler ne doit pas être une partie de plaisir tous les jours mais il s’en moque : il ne fait pas ça pour plaire", ajoute Rolf Fringer. "Si une soi-disant vedette ne l’écoute pas, il peut faire très mal. Il pense uniquement au collectif et c’est essentiel pour un coach."
Oliver Neuville approuve : "J’avais perdu René de vue après notre période commune au Servette et j’ai été surpris de lire son nom quand il a signé à Nuremberg. J’ai suivi plus attentivement son parcours et il a réalisé de belles choses là-bas. Anderlecht a eu le nez fin en allant le chercher en D2 allemande."
Au FC Aarau de 1993 à 1994: "Avec Weiler, on avait dégoté un caractère spécial"
Après trois saisons à Winterthur où il finit par s’imposer comme titulaire, René Weiler est repéré par le FC Aarau qui vient de laisser filer un jeune espoir italien, Roberto Di Matteo. Un gros transfert puisque ce club était champion en titre à l’époque et se préparait à disputer les tours préliminaires de la Ligue des Champions. "Je l’adorais", intervient Rolf Fringer, l’entraîneur autrichien du club à cette période. "Ce mec avec cette personnalité spéciale sortait vraiment du lot et je voulais l’avoir avec moi. Vous savez, en Suisse, on a plein de footballeurs qui savent jouer mais qui n’ont pas beaucoup de caractère. Avec René, on a dégoté un caractère spécial. Il était encore jeune mais il osait donner son opinion. Et surtout, il le faisait devant tout le monde, pas derrière le dos de certaines personnes à qui cela aurait pu déplaire. Je n’étais pas toujours d’accord avec son avis mais ça faisait du bien d’avoir un type comme ça dans mon vestiaire."
Sportivement, tout n’est pas rose cependant. "René était un bon footballeur, très accrocheur et doté d’une bonne technique, mais il avait un gros problème : il était très souvent blessé. Il avait vraiment la poisse. Sans ça, il aurait fait une bien plus belle carrière."
Plus tard, Rolf Fringer offrira d’ailleurs à René Weiler ses deux seules sélections en équipe nationale en 1997 (contre la Russie et une sélection de Hong Kong où il marquera même un but). "René aurait pu être une valeur sûre de la Nati. Il avait le potentiel pour avoir 60 ou 70 sélections sans aucun problème mais les blessures venaient chaque fois l’interrompre dans sa progression. C’est dommage car il avait l’orgueil nécessaire pour toujours vouloir en faire plus et donc s’améliorer."
Au FC Zurich de 1996 à 1998: Nonda et Yekini nourris par ses caviars
Deux saisons à Genève puis René Weiler retrouve la partie allemande de la Suisse en signant au FC Zurich. "Il a eu de très bons moments chez nous", se rappelle Raimondo Ponte, l’entraîneur de l’époque. "C’est d’ailleurs durant cette période qu’il a obtenu sa seule sélection avec l’équipe nationale. René aimait le ballon et avait un bon dribble. Il pouvait faire tout le flanc droit, comme milieu ou comme défenseur. En plus, c’était un leader dans le vestiaire. Il était très franc mais ça ne me posait aucun souci. C’était mieux d’avoir un gars comme lui que quelqu’un qui n’ose rien dire. Pour tout vous dire, je sentais déjà qu’il ferait un futur entraîneur. Il avait ça en lui."
À Zürich, il partage le vestiaire avec deux très bons attaquants : le regretté Nigérian Rachid Yekini (décédé en 2012) et le Congolais Shabani Nonda. Il distribue quelques caviars aux deux Africains mais il passe surtout beaucoup de temps à l’infirmerie, encore une fois…
Au Servette Genève de 1994 à 1996: Un bon feeling avec la future star Oliver Neuville
Après une saison pourrie par les blessures mais qui laisse tout de même entrevoir son potentiel, René Weiler a le choix entre deux équipes lors du mercato estival : le Grasshopper de Zürich et le Servette de Genève. Tout le monde s’attend à le voir partir à Zürich, une ville proche de chez lui et où on parle son allemand natal. "Mais il a réussi un superbe contre-pied en signant à Genève", sourit Bernard Challandes, qui était présent au Parc Astrid il y a trois semaines pour le match contre l’APOEL Nicosie en tant que scout du FC Bâle. "René expliquait qu’il voulait progresser en français en venant à Genève, mais ce n’était pas l’unique raison. À l’époque, le Servette était réputé comme un club qui payait très bien ses joueurs … (sourire)"
Le club s’offre d’ailleurs un espoir du football allemand pour emmener son attaque à cette époque : Oliver Neuville, future valeur sûre de la Mannschaft. "J’avais 21 ans et René 20, on est directement devenus assez potes", raconte l’ancien buteur dans un excellent français hérité de sa période au Servette mais aussi d’un grand-père aux origines… belges. "Cela remonte à loin mais je suis sûr que René m’a donné pas mal de passes décisives à l’époque. Il avait un bon pied droit. Sur le terrain, il était vraiment élégant. En dehors, il était assez tranquille, mais il épatait tout le monde par son intelligence au-dessus de la moyenne. C’était frustrant qu’il soit aussi souvent blessé."
Dans le vestiaire du Servette, Weiler rencontre aussi celui qui allait devenir son futur adjoint : David Sesa. Du beau monde sur papier mais la sauce ne prenait pas. "J’étais arrivé en cours de saison car les résultats ne suivaient pas avec l’ancien entraîneur", précise Challandes. "Je m’étais vite rendu compte qu’il y avait un souci dans le vestiaire. Ça ne collait pas entre les Suisses alémaniques et les Suisses romands. C’est un peu le même souci qu’en Belgique avec les Wallons et les Flamands… C’était vraiment compliqué d’unir le vestiaire. Par contre, René ne causait aucun souci. Il ne pensait qu’au foot et vivait comme un vrai pro. Malgré ces mois difficiles au Servette, j’ai gardé un bon souvenir de lui, et j’étais ravi de lui donner quelques cours à l’école des entraîneurs quand il a passé son diplôme."