Michal Zewlakow met Kompany en garde: "Vince, il faut les résultats avant la manière"

Que voulez-vous dire ?

"Avant, on ne demandait rien. On faisait ce que le club et les anciens disaient. Désormais, le club doit se plier en quatre pour les joueurs. La génération actuelle préfère le beau geste à l’efficacité. Ils veulent marquer d’une frappe en pleine lucarne, pas en poussant le ballon dedans."

Vincent était-il comme cela quand il est arrivé avec l’équipe première d’Anderlecht ?

"On a rapidement vu qu’il était très fort mais on n’en a pas fait une star au bout de trois matches comme c’est le cas maintenant. Et je pense que ça va être de pire en pire."

Vous deviez un peu l’encadrer en tant que joueur plus âgé ?

"Il avait déjà tellement de qualité que je n’avais pas grand-chose à lui dire. Oui, je lui glissais parfois de prendre moins de risque, de moins dribbler mais que voulez-vous, il parvenait toujours à passer."

Voyez-vous une différence de traitement des jeunes par rapport à ce qui se faisait avant ?

"Un gars comme Kompany, on n’y prêtait pas plus attention qu’à un autre joueur. Il était sur le terrain. Très bien, à lui de prouver ce qu’il vaut. Il fallait te montrer. Désormais, tout est plus délicat. Les jeunes sont encadrés. Ils ont un agent, un accompagnateur, un coach mental, un préparateur physique. Moi, j’étais déjà bien content d’avoir un agent. (rires)"

Vincent vous impressionnait-il en tant que jeune défenseur ?

"Je devais avoir 27 ou 28 ans. J’avais déjà croisé quelques bons joueurs mais Vincent était le plus fort que j’ai vu. Il a été homme du match dès sa première rencontre de Champions League. On savait qu’il deviendrait bon. Le devenir est une chose mais Vince a su rester au top au long de sa carrière. En même temps, il avait tout pour lui : un gros physique, de la technique et une belle intelligence de jeu."

C’est peut-être ce dernier point qui a fait sa réussite. Il a toujours été plus malin que les autres…

"Il a une tête bien faite et c’est dû à son éducation. Il savait comment gérer sa carrière et comment se comporter avec ses équipiers."

Avait-il déjà des qualités de leader ?

"Au début, comme tous les jeunes, il était assez calme. Après six mois, il commençait à faire la différence sur le terrain et il a progressivement grandi comme leader de l’équipe. Logique, il était l’un des meilleurs éléments."

Beaucoup disent qu’il avait déjà un fort caractère…

"Il avait une forte personnalité. Il disait déjà ce qu’il pensait. Pas méchamment, hein, car il n’était pas prétentieux. Mais il savait défendre ses idées."

Pensez-vous qu’il peut réussir comme entraîneur ?

"Après sa belle carrière, il arrive avec une expérience qui va faire du bien au club. Il a vu beaucoup de choses et a appris de Pep Guardiola, le meilleur coach au monde. J’espère pour lui qu’il réussira en tant que coach."

Le contexte l’aide-t-il ? Il ne pourra pas faire pire que la saison dernière…

"Oui mais en même temps, cela prouve que le noyau manque de qualité. Il y a d’énormes attentes et il doit rapidement montrer de bonnes choses. Ça m’a fait mal quand Anderlecht a loupé l’Europe. Ce n’est pas normal. Je sais qu’Anderlecht finit toujours par se relever mais le contexte n’est pas évident. Il faut retrouver les bases de ce qui fait l’ADN d’Anderlecht et maintenir coûte que coûte une certaine stabilité dans le club."

Il ose, par exemple, lancer des jeunes du cru. Ça fait un point pour lui, non ?

"C’est une nouvelle tendance dans des petits pays comme la Belgique ou la Pologne. Cela fait également partie de la philosophie de mon club. Mais il ne faut pas perdre de vue que, sans l’apport d’un joueur d’expérience, un jeune ne va pas apprendre toutes les ficelles du métier."

Kompany veut aussi qu’Anderlecht joue un football champagne, comme à la belle époque…

"Je me souviens comment le stade vibrait quand on jouait un beau football. (il marque une pause) Les fans aiment le jeu mais ils veulent surtout gagner et fêter des titres. Je pense que les résultats sont la base de tout et que le jeu vient ensuite."

Kompany fait l’inverse pour l’instant…

"Il a toujours aimé prendre des risques. (rires) Il peut compter sur un certain crédit. Vincent est un monument à Anderlecht. Les tribunes ne vont pas directement le siffler. Attention toutefois que seul le classement compte à la fin et qu’au plus longtemps les résultats mettront à venir, au plus la pression sera présente. Je connais Vince, c’est un gagnant et il trouvera un moyen de gagner des matches."

N’a-t-il pas trop de poids sur les épaules ?

"Il devra bien s’entourer. Il est le patron et paiera les pots cassés si ça va mal mais il n’est pas responsable de tout ce qui se passe sur et en dehors du terrain. L’équipe est jeune et il faudra voir comment elle va gérer quand le public montrera des signes de mécontentement. J’avais déjà de l’expérience en arrivant ici et je peux vous jurer que ce n’est pas évident."

"Montrer le Canonnier à mon fils"

Michal Zewlakow suit encore Mouscron. De loin, faut-il avouer. Le club a beaucoup changé et il n’y connaît plus grand monde. "Avant, il y avait beaucoup de vrais gars du coin et même beaucoup de joueurs belges qui fournissaient ensuite les grands clubs comme mon frère, Jestrovic ou Vanderhaeghe. Ça redevient le cas avec trois transferts vers le Standard et c’est positif pour l’image du club." Il n’en oublie pas tout ce que son ancien club a fait pour lui. "Je supporterai toujours Mouscron. Sans eux, je ne sais pas si j’aurais vécu une telle carrière. Je leur dois beaucoup. Je suis venu montrer le club à mon fils et on a posé les pieds sur le terrain. Je lui ai expliqué que tout a commencé ici."