Max de Jong, ancien entraîneur des gardiens au RSCA, se livre: “Vanhaezebrouck a chassé beaucoup de bons joueurs”
Max de Jong, l’entraîneur des gardiens d’Anderlecht, devient un ancien et parle pour la première fois.
- Publié le 15-06-2019 à 04h14
- Mis à jour le 15-06-2019 à 11h59
Max de Jong, l’entraîneur des gardiens d’Anderlecht, devient un ancien et parle pour la première fois.
Alors que les têtes n’ont cessé de tomber à Anderlecht, l’entraîneur des gardiens Max de Jong (50 ans) a signé un nouveau contrat portant sur deux saisons. Arrivé en 2012 avec John van den Brom, il aura travaillé neuf saisons pour le Sporting, en 2021. Une éternité. Vu qu’il n’a jamais accordé d’interview depuis qu’il a succédé à Filip De Wilde, aucun supporter ne le connaît vraiment. Et donc, de Jong a invité La DH chez lui à La Haye pour mettre certaines choses au point. “Qu’est-ce que j’aime Anderlecht, ce grand club avec une riche histoire ! Je suis ‘zen’ quand je roule vers Bruxelles.”
De Jong en a vécu des choses, en tant que bras droit de tous les entraîneurs qu’il a vu passer. Il en a connu six.
1. “John van den Brom aurait voulu revenir en 2019” “L’homme grâce à qui je suis à Anderlecht. ‘Je vais bouleverser ta vie’ , m’avait-il dit en 2012. Je ne voulais pas aller au Sporting. Je travaillais à ADO La Haye et j’avais une société (voir par ailleurs) . Mais ma femme m’a obligé. ‘C’est ton rêve, vas-y.’ ”
“John avait cinq ans d’avance sur son temps. Il a toujours le sentiment que son limogeage était injuste. Je suis resté en contact avec lui. John aurait voulu revenir à Anderlecht, quand Vanhaezebrouck a été viré. Je l’ai conseillé à Michael Verschueren, mais ils ont pris Rutten.”
2. “Besnik Hasi est vraiment fort”
“Un très bon coach, je vous l’assure ! Il savait tout du championnat de Belgique. J’ai très bien travaillé avec lui. Quand John et moi sommes arrivés à Anderlecht, nous ne connaissions rien de la Belgique. Il nous a tout expliqué. On doute de ses capacités ? Il a qualifié Anderlecht, le Legia Varsovie et l’Olympiacos pour la Ligue des champions. Et il obtient de bons résultats avec une petite équipe en Arabie saoudite.”
3. “René Weiler a osé dire la vérité mais ne croyait pas en Roef”
“Weiler osait dire la vérité : qu’Anderlecht n’a plus une équipe pour gagner tous ses matchs en faisant le jeu. Il a obtenu le titre et il a joué les quarts de finale de la Coupe d’Europe contre Manchester United. Si Gand ou Genk avait réalisé cela, le pays lui aurait construit une statue.”
“Par contre, c’est le seul coach qui ne partageait pas mon avis concernant le gardien numéro 1. Moi, j’aurais laissé Roef. Mais lui, il ne croyait pas en Roef et il a mis Boeckx. J’ai dit à Boeckx que ce n’était pas mon choix, mais que je le soutiendrais à fond. À partir du changement de gardien, on a gagné des matchs.”
4. “Vanhaezebrouck a chassé beaucoup de bons joueurs”
“En tant qu’homme, il était agréable à côtoyer, mais j’attendais plus de lui en tant que coach. Et c’est lui seul qui faisait la loi. Il n’écoutait pas ses adjoints.”
“On dit qu’il est bon au niveau tactique, mais beaucoup de joueurs ont perdu leurs moyens sous ses ordres. Il montrait des images de Gand – Tottenham pour montrer que sa tactique fonctionnait. Cela n’intéressait pas les joueurs d’Anderlecht ! Ils se sentaient petits après avoir vu les images.”
“Ses théories étaient trop compliquées. Une semaine, le botteur d’un coup de coin devait se gratter derrière l’oreille pour un ballon au second poteau. La semaine d’après, il devait faire rebondir deux fois le ballon avant de frapper. Les garçons ne savaient plus quoi penser. Leur tête était bourrée de consignes.”
“Je trouve qu’il n’a pas bien évalué son groupe. Il voulait se débarrasser de Teo. Mais la saison d’après, il se plaignait du fait que Teo ait été vendu. Il ne voulait plus de Harbaoui et de Thelin. À eux trois, ils ont inscrit 70 buts. Et il ne voulait pas d’Onyekuru. S’il l’avait repris dans la sélection après sa blessure en toute fin de championnat 2017-2018, Henry aurait été à la Coupe du monde et il serait resté à Anderlecht. Et que dire de Stanciu ? Il ne l’a même pas regardé, alors qu’il faisait des trucs incroyables à l’entraînement.”
“Il est aussi le seul qui a interrompu mon entraînement avec les gardiens pour me dire comment il fallait faire. Mes gardiens m’ont regardé avec de grands yeux…”
5. “Rutten a tout balayé et m’a réveillé”
“Fred était vraiment un bon coach. Il a tout balayé sur sa route. Il a dit les choses comme elles sont, non seulement au club, mais aussi aux joueurs, comme à Bakkali. Il voulait qu’Anderlecht reparte de zéro. Finalement, il a tiré sa révérence.”
6. “Belhocine est un bagarreur dans le bon sens du terme”
“Karim a fait ce qu’il a pu pour sauver les meubles. C’est un petit bagarreur de rue, dans le bon sens du terme. Il a des capacités, ne le sous-estimez pas. Et il a remonté le moral de certains joueurs francophones, qui étaient proches de lui.”
“Hein montrait des images de Gand contre Tottenham. Nos joueurs étaient petits comme ça.”
"Moi, je veux que Roef reste"
Max de Jong donne son avis sur les gardiens qu’il a entraînés. De Jong a travaillé avec une dizaine de gardiens depuis qu’il est à Anderlecht. "Je suis encore en contact avec tout le monde" , dit-il. "C’est bien la preuve du fait qu’ils ont aimé travailler avec moi."
Voici les plus importants.
Thomas Didillon : "J’avoue que je ne le connaissais pas quand Anderlecht a annoncé son arrivée. C’est entièrement le transfert de Luc Devroe. En signant mon nouveau contrat, j’ai d’ailleurs demandé qu’à l’avenir, on requière mon avis. Mais heureusement, Thomas a été une réussite. Je crois qu’il va rester. Je le lui conseille fortement, d’ailleurs. J’ai toujours cru en lui, même après ses deux erreurs."
Frank Boeckx : "Il a déclaré dans la presse qu’il a souffert de ne pas avoir eu sa chance et qu’il aurait pu aider l’équipe avec son expérience. Tout deuxième gardien estime qu’il doit être le numéro 1. J’avoue qu’il y a eu des doutes au sein du club, après les deux erreurs de Didillon en playoffs. Mais moi - et Boeckx le sait - j’ai dit à Rutten que j’estimais que Didillon devait rester dans la cage. Puis, c’était à Rutten de choisir. Si Boeckx était fâché sur moi ? Avec lui, cela dure un jour… Si on avait mis Didillon sur le banc, on l’aurait tué. Il s’est bien racheté. Je comprends que Boeckx veuille partir, afin qu’il puisse jouer. S’il reste, pas de problème pour moi."
Davy Roef : "Si cela dépend de moi, il reste. Il veut partir pour pouvoir jouer, mais il aurait du temps de jeu à Anderlecht. Didillon a tout joué, cette saison, alors qu’il a eu quelques pépins physiques. Faut-il prêter Roef et payer son salaire ? Un trio Didillon - Roef - Boeckx, ce serait du solide. J’ai vu ses matchs à Beveren ; il a livré de bonnes prestations. Il lui manque juste l’arrogance de Proto."
Silvio Proto : "Une machine. Avec lui, j’étais toujours sûr qu’il était réveillé. Et les sifflets du public adverse ne le gênaient pas, que du contraire."
Mile Svilar : "Je n’avais jamais vu un tel talent à 17 ans. Il était un kamikaze au but, il ne voyait pas le danger et ne réfléchissait pas. Il plongeait vers tout. C’était aussi une bête d’entraînement. Mais quand son entourage a fait des exigences impossibles, j’ai dit à Van Holsbeeck qu’il fallait le vendre. A-t-il joué tant que cela à Benfica ? À Anderlecht, il aurait joué davantage."
Thomas Kaminski : "Lui aussi, il avait le niveau pour devenir premier gardien à Anderlecht. Mais son entourage était aussi impatient. Il fallait qu’il joue directement. Pas facile, tout cela…"
“Mon fils troisième gardien, c’était difficile”
Lors des deux dernières saisons, le fils de Max De Jong était le troisième gardien à Anderlecht. “Quand Svilar est parti, le club ne savait pas qui prendre. Je leur ai conseillé de regarder des images de Boy. Il les a convaincus.”
Mais la suite n’était pas évidente. De Jong : “J’ai sous-estimé cela. Les mauvaises langues disaient qu’il n’était pas bon, et qu’il n’était à Anderlecht que grâce à moi. Alors qu’il a une trentaine de matchs en équipe nationale de jeunes des Pays-Bas, qu’il a été formé par Feyenoord et qu’il a été champion d’Europe. Je ne prétends pas qu’il a le niveau pour être premier gardien à Anderlecht. Mais dans un club comme Zulte ? Sans problème. Son niveau a augmenté à Anderlecht. Mais c’était une situation délicate. Je ne pouvais quand même pas dire à l’entraîneur qu’il se rapprochait de Boeckx...”
Le contrat de Boy n’a pas été renouvelé. “Il a un contact en Afrique du Sud et en D2 néerlandaise. Il faut qu’il joue…”
Triste, le négativisme envers le RSCA”
De Jong se dit amoureux d’Anderlecht. Mais en sept ans, il a surtout été dégoûté par l’aversion qui existe en Belgique envers Anderlecht. “Toujours ce négativisme”, soupire-t-il. “Quand on va en car à Bruges, au Standard ou à Zulte, c’est comme si on était des criminels de guerre. Et les interviews des anciens sont souvent négatives. Un exemple : quand Munaron m’a critiqué parce que Vormer avait pris Boeckx à contre-pied. Je vous assure que mes gardiens disposent de toutes les informations nécessaires ! Je leur envoie toutes les images intéressantes.” Le manque de collégialité a étonné de Jong. “Il y a plusieurs entraîneurs des gardiens qui ont postulé auprès des entraîneurs d’Anderlecht, alors que j’étais en fonction. Et des entraîneurs avec des contrats à long terme qui ont appelé le Sporting pour proposer leurs services…”
“Je garde ma société de nettoyage, mais je dirais oui à Dubaï”
Max de Jong a été gardien à Telstar, Haarlem, ADO La Haye et Den Bosch avant de devenir entraîneur des gardiens. Mais il a toujours combiné le football avec un autre métier. “Je gère une société de nettoyage”, dit-il. “On nettoie des bureaux, des écoles, des boîtes de nuit ou des bars… C’est une société qui a été transmise de père en fils. Depuis que je travaille à Anderlecht, mon bénéfice a diminué de la moitié. Mais je ne regrette pas mon choix.” De Jong n’a jamais eu peur de travailler beaucoup. “Quand j’étais encore joueur, je nettoyais moi-même. Je me levais parfois à quatre heures du matin pour nettoyer les bureaux au stade de l’ADO, puis je me changeais à neuf heures pour l’entraînement.”
Et quel sera son avenir ?
“J’ai signé pour deux ans. Mais si j’ai une belle offre de Dubaï, j’espère qu’Anderlecht me lâchera. Je n’ai jamais gagné des fortunes en tant que joueur…”