Marco Kana : "Je comprends qu’on me compare à Kompany"
Interview Marco Kana (17 ans) parle de son amour pour le beau jeu, le RSCA et… les mathématiques.
- Publié le 22-11-2019 à 06h46
- Mis à jour le 22-11-2019 à 06h48
Interview Marco Kana (17 ans) parle de son amour pour le beau jeu, le RSCA et… les mathématiques. La première grande interview de la vie de Marco Kana n’était pas classique. Parce qu’elle s’est déroulée au Green Park, le bistrot en face d’un stade dont les lumières étaient éteintes vu l’heure tardive de l’entretien (18 h). Mais surtout parce que le jeune défenseur central du Sporting n’est pas un gamin comme les autres.
Installé depuis cinq matchs dans l’axe défensif et bien parti pour une sixième titularisation de suite dimanche contre Courtrai, Kana parle avec une maturité bluffante. Une maîtrise de la langue qui n’étouffe pas son enthousiasme de jeune footballeur découvrant le monde professionnel.
Marco, dans quelle langue peut-on faire cette interview ?
"Anglais, néerlandais ou français, comme vous voulez (sourire)."
Il paraît que vous avez même de bonnes notions en espagnol et en allemand.
"J’apprends l’allemand à l’école. Et j’étudie l’espagnol de ma propre initiative car je trouve la langue très belle."
Vous trouvez encore le temps d’apprendre une langue supplémentaire dans votre emploi du temps surchargé par le foot et votre rhéto ?
"Ça demande beaucoup d’organisation. Avec les matchs en pro, j’ai raté pas mal de cours. Je dois les rattraper, sans accumuler le retard. Ce n’est pas simple. J’ai d’ailleurs quelques mauvais points à cause de ça."
Il faut dire que vous n’avez pas opté pour la facilité : une rhéto en enseignement général, option math-sciences.
"Mes parents ont toujours mis le football et les études sur le même pied. Il n’était pas question d’oublier l’école parce que je jouais à Anderlecht. Quand je recevais une mauvaise note, je n’avais pas le droit d’aller m’entraîner. Et donc, je n’ai eu un mauvais bulletin (rires). Cette saison, j’ai par contre refusé une sélection avec l’équipe nationale U18 pour pouvoir étudier lors d’une trêve internationale. Mes parents m’encouragent à ne pas lâcher mes études car ils disent que j’ai des capacités. J’ai déjà pris mes renseignements avec la cellule sociale du club pour voir comment je pourrais poursuivre mes études au-delà du secondaire. Il y a quelques possibilités mais il faudra choisir la voie. J’adore les mathématiques et j’adore les sciences, je ne sais pas comment je vais trancher. J’ai rêvé de devenir docteur, ingénieur, architecte…"
Et maintenant, c’est footballeur ?
"Oui. Je suis en train de vivre un autre rêve en jouant pour cette équipe, dans ce stade."
C’était inattendu pour vous d’avoir déjà autant de temps de jeu ?
"Clairement. Mon objectif pour cette saison, c’était d’être titulaire avec les U21. Et de grappiller quelques entraînements avec les A pour me montrer petit à petit."
Vincent Kompany vous apprécie beaucoup.
"La première fois qu’il m’a parlé cet été, j’étais très surpris : il savait tout de moi. Il avait analysé mes qualités et mes défauts."
La comparaison entre Kompany et vous revient souvent : même polyvalence milieu défensif/défenseur central, mêmes origines à Ganshoren, même assurance balle au pied…
"Je comprends qu’on puisse me comparer à Vincent. C’est très flatteur pour moi mais j’ai encore un très long chemin si je veux atteindre son niveau et avoir une aussi belle carrière."
De quels défauts vous parle-t-il ?
"Il me dit que je dois être plus agressif sur l’homme et que je dois plus être un leader sur le terrain."
Pas de votre vitesse ?
"Je sais que ce n’est pas un point fort. Ça fait trois ans que je l’ai compris et trois ans que je travaille pour y remédier. Je ne deviendrai jamais un sprinteur mais on peut apprendre à cacher ce défaut."
Votre taille, 1,80 m, peut-elle être un défaut pour le plus haut niveau en défense centrale ?
"Non, le but, c’est d’arriver à compenser ma taille. Par le placement, par l’anticipation, par la détente…"
Umtiti ne fait que deux centimètres de plus que vous, Marquinhos trois.
"Oui, voilà. Ce sont des exemples à suivre."
Quel est votre modèle dans le foot européen actuellement ?
"J’aime beaucoup De Ligt de la Juventus. J’ai suivi de près sa saison l’an passé à l’Ajax. À 19 ans, c’était déjà un leader, technique et mental dans cette formidable équipe."
Vous aimez le beau jeu.
"Oui, c’est un foot dominant que j’apprends depuis tout petit à Anderlecht. C’est ce qu’on essaie de faire avec l’équipe première aussi. Petit, j’étais fan du Barça."
Vous avez demandé à Kompany de vous parler de Guardiola ?
"Oui. Il en parle aux jeunes. Il nous explique à quel point ce coach met l’accent sur le football. C’est ce qu’il veut faire aussi pour le Sporting."
L’arrivée de Vercauteren n’a pas perturbé cette philosophie ?
"Pas à mes yeux. Vercauteren n’a pas bouleversé les bases. Il insiste juste plus sur l’assurance défensive. Il me dit de continuer à jouer comme j’en ai l’habitude mais il veut que j’apprenne à faire la différence entre l’audace et le risque."
Comme quand vous faites la passe à Zulj qui amène l’égalisation de Zulte Waregem ?
"Oui, c’est ça. On a parlé de ce moment avec le staff. Vercauteren et Kompany m’ont expliqué qu’à la 72e, quand on mène 0-1 dans un match contre un concurrent direct, je dois savoir prendre mon temps. J’ai voulu me précipiter alors que tous mes équipiers n’étaient pas encore placés. C’est une leçon pour moi."
(Le serveur amène un bol de cacahuètes).
C’est vrai que vous devez faire attention à votre alimentation pour ne pas grossir rapidement ?
"Oui (rires). Quand j’étais plus jeune, j’étais rondouillard. J’ai toujours été bien bâti de nature. Et j’étais gourmand. J’ai pris l’habitude de manger sainement avec l’aide de mes parents chez qui je vis toujours. Vous verrez, je ne prendrai aucune cacahuète (rires)."
Vous évoquez souvent vos parents dans cet entretien.
"Ils ont beaucoup d’importance dans ma réussite. Ma maman est caissière dans un magasin de prêt-à-porter et mon papa a arrêté son travail pour reprendre des études. Il a aussi mis le foot de côté, il a longtemps coach chez les jeunes au Maccabi. Il m’emmenait déjà à l’entraînement quand je n’avais que quatre ans."
Vos parents ont-ils eu de l’influence dans votre choix de signer pro à Anderlecht quand le Standard et Lille vous proposaient également un contrat ?
"Oui, on a décidé ça ensemble. J’ai reçu de belles offres mais je suis un Sporting Boy. C’est ici que j’allais avoir le plus de chances de percer. La formation est au top à Anderlecht."
Il y aura peut-être un jour un autre choix à faire : entre la Belgique et le Congo où vous êtes né.
"Oui, c’est un choix que je devrai faire. J’ai quitté le Congo pour la Belgique à l’âge de deux ans. Je n’en ai aucun souvenir mais j’en parle régulièrement avec Albert (Sambi Lokonga). Il est allé en vacances là-bas il y a quelques mois et j’envisage de faire la même chose prochainement. Malgré tout, je penche plutôt pour la Belgique en ce moment."
Roberto Martinez vous connaît en tout cas déjà bien.
"Avec la traduction que j’ai dû faire (rires) ? Un jour au centre national de Tubize, il voulait parler à l’équipe nationale U18 et j’ai pu jouer le traducteur grâce à mon bon anglais. Mais j’ai vite vu ce qu’il voulait nous dire et j’ai pu réfléchir au bon vocabulaire. Pour l’instant, je me fixe l’objectif de rejoindre le noyau des Espoirs à moyen terme."
Et à Anderlecht ?
"Prendre un maximum du temps de jeu cette saison puis viser une place de titulaire la saison prochaine."