Marc Degryse dézingue le RSCA: "Je n'ai jamais vu un Sporting aussi mauvais"
Marc Degryse juge le Club Bruges mais, surtout, Anderlecht avant le Topper. L’ancien numéro 10 n’y va pas de main morte : "Rutten n’est pas l’homme de la situation."
- Publié le 04-04-2019 à 06h56
- Mis à jour le 04-04-2019 à 09h56
Marc Degryse juge le Club Bruges mais, surtout, Anderlecht avant le Topper. L’ancien numéro 10 n’y va pas de main morte : "Rutten n’est pas l’homme de la situation." La dernière fois qu’on a croisé Marc Degryse, c’était sur le parking du Jan Breydelstadion. Il nous avait salués d’un geste de la main, l’autre étant bien agrippée à son guidon. Oui, Marc Degryse, ancien taulier du football belge, vient au stade à vélo. "C’est le minimum en cette période de manifestations pour le climat", sourit-il. "C’est à 500 mètres de chez moi. Donc, ça me ferait mal de sortir ma voiture pour si peu."
En Flandre, Degryse est presque aussi connu à l’heure actuelle qu’à son époque de numéro 10 d’Anderlecht. Au point de voir VTM le faire signer en exclusivité. "Et oui, ça s’est fait sans Mogi Bayat", répond-il en blaguant. "Ce n’est pas un transfert à proprement parler car je travaillais déjà chez eux. C’est davantage un contrat d’exclusivité." Qui ne l’empêchera pas de continuer ses chroniques dans Sport/Foot Magazine.
Le plus brugeois des Anderlechtois s’est taillé une réputation de balanceur de scuds et de consultants sans filtre. Il n’a pas failli à sa réputation.
Marc, on commence par la question à un million, le Club Bruges peut-il enfin battre Anderlecht au Parc Astrid ?
"Je pense que c’est la meilleure chance des Brugeois depuis bien longtemps. Le Club est en pleine confiance. Tu sens la faim dans leur camp. C’est une vraie machine avec beaucoup d’engagement."
Sauf que Bruges n’est pas aussi à l’aise en déplacement qu’à la maison…
"C’est clair, mais prenez le 2-2 d’il y a quelques semaines. Les Brugeois étaient supérieurs à Anderlecht. Ils auraient pu gagner. La réaction de Fred Rutten disait tout. Il a avoué qu’il y avait une différence de niveau."
La gifle prise par Anderlecht à Genk appuie encore davantage vos arguments…
"La prestation des Mauves n’a pas été convaincante. C’est une équipe qui n’a pas confiance, pas assez de qualités et qui n’arrive pas à bien jouer ensemble."
Cela vous frappe ?
"Je n’avais jamais vu une telle saison d’Anderlecht. Ils ont des excuses pour justifier leur niveau mais, en réalité, c’est trop faible."
Imaginez-vous Anderlecht sans Coupe d’Europe ?
"Ce serait vraiment triste après 54 campagnes de rang. Trois équipes leur sont supérieures et ils doivent se concentrer sur la quatrième place. L’atteindre serait un succès. C’est leur meilleure chance de voir l’Europe en 2019."
Vous évoquez une machine brugeoise. Pourquoi s’est-elle à nouveau enclenchée après avoir toussoté ?
"Ce qui leur manquait, c’étaient de bons flancs. La blessure de Danjuma a pesé. Diatta et Dennis ont mis du temps à trouver leurs marques. Leko a tout essayé : Decarli, Mata, Cools et même Amrabat. Au total, dix joueurs différents ont été testés sur les ailes. C’était dingue de voir qu’il n’y avait pas de solution. Il y a trois véritables options de qualité. Trois joueurs avec du talent et une action, un peu comme Limbombe ou Izquierdo. Depuis qu’ils ont retrouvé cette puissance sur les flancs, on voit les adversaires reculer. Bruges est solide à tous les niveaux."
Mata est-il la solution à droite du trio défensif ?
"Poulain est blessé et Amrabat n’est pas bon à ce poste. Mata a très bien fait le boulot face à La Gantoise. C’était inattendu de le voir dans ce rôle et il m’a agréablement surpris. Mata est un excellent footballeur qui a beaucoup apporté à la relance. Défensivement, il a positivement étonné les spécialistes. Il possède des qualités que je ne lui connaissais pas."
Pensez-vous que les tensions au sujet du contrat d’Ivan Leko peuvent influencer le groupe ?
"Je ne crois pas. Il y a assez de personnalités dans le groupe pour ne pas permettre à l’extrasportif d’avoir une mauvaise influence sur le terrain. Le focus est trop grand pour s’en détourner. Leko et ses joueurs débordent d’envie."
Le Club Bruges est-il plus fort que Genk ?
"J’ai souvent dit que Genk pouvait être champion. Ils ont débuté avec des points d’avance, mais ça peut vite changer en cas de victoire de Bruges ce jeudi. Le Club est le grand concurrent des Limbourgeois. La différence entre les deux clubs est qu’à Genk, on se pose encore certaines questions alors que tout est en place à Bruges."
Vous ne citez pas le Standard…
"Il a été moins constant. Cette équipe dépend plus de la mentalité du moment. Puis, elle n’a pas toujours été au niveau en déplacement. Le Standard peut aller chercher le titre si les deux autres craquent totalement."
N’êtes-vous pas déçu d’avoir des playoffs à deux vitesses ?
"C’est souvent comme ça. Anderlecht, La Gantoise et l’Antwerp n’ont jamais été perçus comme de sérieux candidats au titre. Ils en seront les arbitres car le top 3 va perdre des points contre eux."
Ne pas citer Anderlecht parmi les candidats au titre, ça fait toujours bizarre…
"Oui, mais je ne suis pas surpris du niveau d’Anderlecht. Leurs derniers matchs ont fait du bien mais c’était contre de plus petites équipes et parfois ils s’en sont sortis vraiment à la limite. On sentait déjà qu’ils ne feraient pas jeu égal avec de grandes équipes."
Où se situe le problème ?
"Déjà, derrière. Anderlecht ne parvient pas à sortir le ballon. Appiah, Lawrence et Obradovic ont été dépassés contre Genk."
Il y a un problème de qualité ?
"Oui, ça manque de joueurs pour hausser le niveau de jeu. Je trouve, par exemple, Pieter Gerkens méritant. Mais ce n’est pas un joueur qui tire le groupe vers le haut. Pour l’instant, seuls Bolasie et Verschaeren ont envie de faire la différence. D’autres n’ont pas le niveau pour Anderlecht."
Deux joueurs qui ont le niveau, c’est peu…
"Mais c’est la réalité du club. Une réalité qui ne peut pas arriver. C’est une année à très vite oublier. Michael Verschueren et Frank Arnesen doivent rapidement reprendre les choses en main. En janvier, c’était court pour qu’ils puissent réaliser un grand mercato. Ils doivent faire de bons transferts cet été. Leur seul avantage est qu’il est impossible de faire pire."
Sur leur premier mercato, ils ont réussi le prêt de Bolasie. Zulj, par contre, n’est pas au niveau. Que pensez-vous de lui ?
"Il a un bon pied et une bonne frappe, mais ça va beaucoup trop vite pour lui. Il a de moins en moins confiance car il ne parvient pas à suivre. Il n’est pas dans la bonne position, pas dans le bon tempo. Il ne se retrouve pas dans le système. Il sait jouer au foot, mais ça va vraiment encore trop rapidement par rapport à ce qu’il a connu en Autriche. Anderlecht doit lui donner du temps car, pour l’instant, il est trop court. Ne l’effaçons pas pour autant, mais j’attends de lui qu’il montre rapidement qu’il est aussi fort qu’il l’annonce. Il a parlé mais n’a rien montré. Il faut aussi le voir dans une équipe qui joue un football dominant."
Le retour de Trebel dans le onze est annoncé. Anderlecht est-il différent quand le Français est sur la pelouse ?
"Sa montée au jeu à Genk a amené de la grinta, de la confiance. C’est exagéré de dire que l’équipe a un autre visage avec ou sans lui. Vu ce qui se passe actuellement, il peut rendre l’équipe meilleure, c’est clair. Je ne sais pas s’il sait faire tourner un match à lui seul. Il peut aider et il aura envie de prouver à ceux qui l’ont critiqué ou qui sont en conflit avec lui qu’il n’est pas pour rien le joueur le mieux payé d’Anderlecht. Chose qui n’aurait jamais dû arriver."
Comment ça ?
"Je n’aurais jamais fait de Trebel le joueur le mieux payé d’Anderlecht. La star doit être un joueur qui fait la différence. Un attaquant ou un numéro 10. Trebel n’est pas le meilleur joueur du Sporting, c’est un joueur qui doit se mettre au service des autres. Il n’est ni buteur ni un donneur d’assists."
Le bémol est que le meilleur joueur d’Anderlecht n’a que 17 ans !
"Oui, il est logique que Verschaeren n’ait pas le plus gros salaire. Je vois quatre ou cinq Mauves qui, selon moi, méritent un meilleur salaire que Trebel."
Comment expliquez-vous alors qu’il ait reçu un contrat aussi monstrueux ?
"C’est typique de Marc Coucke. Il exagère. Comme pour Sanneh. Huit millions pour un défenseur… Quelle folie. Je comprends qu’il mette ça pour un attaquant mais pas pour un défenseur. Mogi Bayat a plus d’expérience que Coucke et il en a profité lors des négociations de contrat de Trebel. Le président avait déjà la réputation de trop payer à Ostende et visiblement il continue. Chacun fait ce qu’il veut de son argent mais je trouve ça dingue."
Pensez-vous que Yari Verschaeren s’inscrira dans votre lignée, celle des grands numéros 10 d’Anderlecht ?
"Il est trop tôt pour le dire. Il faut qu’il progresse pas à pas. Je ne vais pas commencer à lui mettre la pression. C’est un immense talent, impossible de le nier. Il a explosé ces dernières semaines. C’est la première étape de sa construction. Il doit ensuite devenir un titulaire important sur la continuité. Puis seulement, il pourra essayer de faire partie de la classe des grands joueurs. Il faut connaître ces trois étapes pour que je puisse affirmer qu’il est un grand."
A-t-il tout pour y parvenir ?
"Son potentiel me semble gigantesque et ce qui me frappe certainement le plus, c’est sa mentalité. Pour devenir un grand, il faut beaucoup de talent et une tête bien faite. Je pense qu’il a les deux. Des contre-exemples comme Bakkali existent. Il y a cinq ans, il était la coqueluche des Diables, le nouveau phénomène mais il n’y arrive plus."
Si on vous dit que Verschaeren nous fait un peu penser à vous…
"On se ressemble un peu. Physiquement déjà. J’étais aussi petit et léger. Il a aussi cette vista et un crochet court comme j’avais à l’époque. J’espère qu’il peut suivre ce chemin."
Anderlecht a une vraie tradition de joueurs de ballon. Ne trouvez-vous pas que ça manque ces dernières années ?
"Surtout chez les numéros 10. Ça fait du bien de voir un gamin qui renoue un peu avec cette tradition. Il faut un truc spécial pour s’installer à Anderlecht et il l’a. Ça me fait plaisir de voir l’ADN d’Anderlecht avec ce jeune joueur. Trop de gars moyens ont été portés au-devant de la scène ces dernières années. Il y a bien eu Tielemans, Praet ou Dendoncker mais beaucoup d’autres étaient juste assez bons pour la D1, pas pour Anderlecht. La formation anderlechtoise a une réputation historique et je vois qu’elle revient en force."
Les avis divergent au sujet de Fred Rutten. Selon vous, est-il l’homme de la situation ?
"Non, il ne l’est pas. C’est un job temporaire. Ils repartiront avec un nouveau coach. Rutten a sous-estimé l’honneur de bosser pour Anderlecht. Il est mieux à Twente qu’à Anderlecht. Il est très honnête mais je ne le vois pas faire grimper le niveau de jeu du Sporting."