Lokonga, c'est l'ADN d'Anderlecht: "Trebel veut téléphoner à Guardiola pour moi"
Albert Sambi Lokonga crève l’écran dans l’entrejeu anderlechtois. L’heure pour la première interview de sa prometteuse carrière.
- Publié le 06-12-2018 à 06h46
- Mis à jour le 06-12-2018 à 06h48
Albert Sambi Lokonga crève l’écran dans l’entrejeu anderlechtois. L’heure pour la première interview de sa prometteuse carrière.
À Neerpede, on ne parle que de ces trois lettres : ADN. Le Sporting est à la recherche de son identité depuis des semaines. Ce n’est pourtant pas compliqué : il suffit de regarder jouer Albert Sambi Lokonga. Cette facilité technique déconcertante, cette tête toujours levée pleine d’élégance, cette volonté de jouer vers l’avant sans avoir peur de prendre des risques… Tout ça, c’est l’ADN du RSCA.
Depuis son retour dans l’équipe début novembre après une absence étonnamment longue, ALS crève l’écran dans l’entrejeu anderlechtois. Le petit frère du Standardman Paul-José Mpoku est devenu grand. Au propre comme au figuré. Il était donc de temps de le rencontrer pour sa toute première grande interview.
Pas trop stressé pour cette interview ?
"Non, pas du tout."
Il paraît que vous n’êtes jamais stressé ?
"C’est vrai que je suis assez relax comme gars. J’étais juste un peu stressé par mes examens de rhéto mais j’ai réussi (sourire)."
Sur un terrain de football, c’est frappant en tout cas : vous jouez de manière totalement décomplexée.
"Si tu stresses en faisant la chose que tu maîtrises le mieux, c’est qu’il y a un problème. C’est ainsi que je vois les choses. Je suis toujours calme sur un terrain de foot."
Même quand vous jouez l’un de vos premiers matchs chez les pros à Sclessin face à votre frère ?
"Oui. Avant de partir vers Liège, je discutais tranquillement avec mes potes des Espoirs. En fait, j’ai préparé ce match comme une rencontre U21. Tout ce qu’il y a en plus, le public et les médias, j’essaie d’en faire abstraction. Cela dit, je dois quand même reconnaître que la présence des supporters se remarque fort. Quand tu perds un ballon, tu sens une sorte de souffle qui gronde dans les tribunes. Il n’y a pas ça chez les U21 (rires)."
Mais à Anderlecht, les supporters vous adorent déjà.
"C’est vrai que j’ai l’impression qu’ils m’aiment bien. Mais je suis un enfant du club, ça joue en ma faveur."
Pour nous, c’est plutôt grâce à votre style de jeu.
"Ce que nos supporters aiment, c’est quelque chose qu’on retrouve chez tous les jeunes du club. On représente la philosophie d’Anderlecht : oser demander la balle, ne pas avoir peur de dribbler et jouer vers l’avant."
Anderlecht sort beaucoup de jeunes prometteurs. Le problème vient plutôt des cadres qui ne sont pas au niveau.
"Les jeunes sont en tout cas au niveau et méritent d’être sur le terrain. Quand tu vois Doku à 16 ans, c’est fou. Il a déjà énormément d’atouts. Je pense qu’on pourrait jouer le titre avec tous les jeunes. Mais bon, on a encore pas mal de choses à apprendre."
Comme quoi ?
"Apprendre les petits trucs, comme garder la balle dans un coin quand on mène en fin de match plutôt que de continuer à attaquer sans trop réfléchir. C’est pour ça qu’il faut toujours un mix entre jeunesse et expérience."
C’est vrai que Vanhaezebrouck organise parfois des matchs entre les vieux et les jeunes à l’entraînement ?
"Oui, de temps en temps. Le coach fait ça pour piquer les plus anciens dans leur orgueil."
Et qui gagne ?
"Les jeunes ont failli gagner une fois. On menait 3-0 et le premier à quatre buts l’emportait. Mais on s’est fait remonter. On voulait sans cesse attaquer au lieu de jouer intelligemment. Comme je vous le disais, on doit encore prendre de l’expérience. Mais on n’est pas loin des plus anciens (sourire)."
Revenons à vous. Si on vous parle d’une histoire de train, ça vous dit quelque chose ?
"Oui (rires). Vous allez me parler de la réunion que j’avais eue dans le bureau de Jean Kindermans avec Jean-François Lenvain (NdlR : alors responsable de la cellule sociale du club) ?"
Que s’était-il dit ce jour-là ?
"J’étais encore chez les U17 à l’époque. J’étais vraiment dans le creux. Je ne jouais pas beaucoup et je n’étais pas content. Physiquement, j’étais en retard sur mes équipiers. Ils grandissaient et pas moi. Pour me remotiver, Jean-François a utilisé l’image d’un train. Il m’a dit que je devais m’accrocher au dernier wagon. Ou en tout cas en rester proche pour encore pouvoir le rattraper. Si je laissais filer le train, c’était trop tard. Je l’ai fait et ça a payé. Quelques mois plus tard, pour mon 18e anniversaire, Jean-François m’a acheté un petit train pour enfants. Il est toujours chez moi pour me rappeler ces moments difficiles."
Vous avez eu peur que votre corps ne vous permette pas d’atteindre le haut niveau ?
"Non, je savais que j’avais les qualités footballistiques. Mes frères, eux, avaient grandi très vite pendant l’adolescence. Moi, c’est venu tard mais j’ai pris 10 centimètres et 10 kilos en un an. Je suis plus grand que Paul-José maintenant. Les gens sont choqués. Ils me demandent si on m’a piqué aux hormones (rires)."
Avec le physique qui a enfin suivi, êtes-vous maintenant prêt à devenir le conducteur du train ?
"Non, pas encore. Mais j’avance à travers les wagons (sourire)."
Vous savez à qui Emilio Ferrera, votre coach chez les U21 l’an passé, vous compare ?
"Oui, j’ai lu ça. Il dit que je lui faisais penser à Yaya Toure qu’il a entraîné à Beveren."
Il a raison ?
"Je n’aime pas trop me comparer avec un joueur qui a tout gagné ou presque dans sa carrière. Je signerais pour un parcours identique mais j’ai encore beaucoup à apprendre."
Ferrera disait que vous pouviez jouer avec un égal bonheur comme milieu défensif ou comme numéro 10. Vous préférez quelle place, vous ?
"Ça dépend de l’adversaire. Si c’est un bloc bas en face, je préfère jouer comme milieu défensif et avoir de l’espace. Dans les autres cas, plutôt comme numéro 10."
Adrien Trebel dit souvent que vous êtes son successeur.
"Adri a une grande confiance en moi. En rigolant, il me dit toujours qu’il va téléphoner à Guardiola pour moi et me mettre à Manchester City (rires)."
La saison passée, vous aviez joué un grand match à Sclessin puis vous aviez quasiment disparu de l’équipe. Pourquoi ?
"L’entraîneur a fait ses choix. Ce n’est rien d’autre que ça. Il y avait de la concurrence."
Vous n’avez pas songé à partir cet été ?
"Si mais mon entourage n’y était pas favorable. Moi, je voulais du temps de jeu et je pensais à un prêt à l’étranger. Hein Vanhaezebrouck m’avait aussi dit qu’il ne voulait pas que je m’en aille. Finalement, les choses ont bien tourné."
Vous avez quand même dû attendre le 4 novembre pour jouer vos premières minutes.
"Je me disais que j’allais cette fois demander un prêt en janvier. Mais ce n’est plus d’actualité (sourire)."
Pendant ces périodes de doute, votre frère n’essayait pas de vous faire venir au Standard ?
"Si, quand ça n’allait pas bien. Il me disait : ‘Si Anderlecht conti nue ainsi avec toi, je demande à Bruno Venanzi de te prendre !’ Mais mon papa voulait nous séparer. Imaginez que Paul-José quitte le Standard et que ça pose souci. Il ne fallait pas courir le risque que ça retombe sur moi."
C’est pour ça que vous avez opté pour Anderlecht à la place du Standard en quittant Verviers chez les U11 ?
"Oui. C’était mieux qu’on fasse chacun notre route. Ce qui est marrant, c’est qu’Anderlecht était venu visionner un autre joueur de Verviers quand il m’a pris. Le scout du RSCA était là pour Gary Magnée (NdlR : aujourd’hui à Eupen) et il m’a pris avec lui aussi. En tout cas, j’espère que Paul-José et moi, on jouera un jour dans le même club."
Ou dans la même équipe nationale.
"Non, là c’est ma maman qui ne veut pas (rires). Paul-José a choisi le Congo et elle voudrait que je représente la Belgique. Ça serait une belle symbolique pour notre famille. Mais bon, je n’ai pas encore fait mon choix à ce niveau."
Vous n’avez pas l’objectif d’aller à l’Euro U21 cet été avec les Diablotins ?
"Si, c’est dans un coin de ma tête. Mais il faut bien prester en club pour ça, la saison est encore longue. Ce que j’aimerais, c’est d’être titulaire à Anderlecht même quand personne n’est blessé. Qu’on ne puisse plus me retirer de l’équipe. C’est l’objectif mais je dois encore travailler."
Quel aspect du jeu ?
"J’ai progressé dans l’agressivité. C’est surtout mon jeu de tête qui doit être meilleur."
"Je prie avec Saelemaekers"
Comme son frère Paul-José Mpoku, Albert Sambi Lokonga est très croyant. "C’est la base", dit-il. "C’est ce qui me donne ma force. Je veux marcher droit et avoir du respect pour les gens."
Une foi qui l’éloigne aussi des tentations inhérentes à la vie d’un footballeur. "Entre sortir, boire et respecter ma religion, j’ai choisi. Je ne vais jamais en discothèque. Quand je sors, c’est pour aller manger un bout avec mes amis."
Il emmène même Alexis Saelemaekers, son grand ami dans le vestiaire, à l’église. "On parle de la religion et on va parfois prier ensemble. Mais je n’oblige personne et je respecte les croyances de tout le monde. Moi, dès que je le peux, je vais dans une église à Forest le dimanche."
Avec Saelemaekers, Sambi Lokonga ne partage pas que la foi, "On est parti en vacances ensemble l’été passé. On était avec Milan Corryn (NdlR : aujourd’hui à Trencin) et Loris Tinelli (Virton). C’est mieux de partir entre footballeurs. On connaît les limites qu’on ne doit pas franchir en tant que sportifs professionnels."