Herman Van Holsbeeck se confie: "J’ai conscience de ne pas être populaire"
Le manager des Bruxellois se confie sur son métier et ses aspirations. De sa propre image à René Weiler, en passant par Youri Tielemans et Dieumerci Mbokani, il n'élude aucun sujet. Entretien exclusif.
- Publié le 22-02-2017 à 09h12
- Mis à jour le 22-02-2017 à 11h52
Le manager des Bruxellois se confie sur son métier et ses aspirations. De sa propre image à René Weiler, en passant par Youri Tielemans et Dieumerci Mbokani, il n'élude aucun sujet. Entretien exclusif.
Alors qu’Anderlecht se rend à Saint-Pétersbourg nanti d’un avantage de deux buts, ce qui lui offre les faveurs des pronostics en vue d’une qualification pour les huitièmes de finale de l’Europa League, Herman Van Holsbeeck, le manager des Bruxellois, se confie sur son métier et ses aspirations.
"Je ne me berce d’aucune illusion. Oui, j’ai conscience de ne pas être populaire auprès des supporters", nous raconte-t-il. "Mais est-ce le plus important ? N’est-il pas plus important, à mon poste, d’être surtout populaire auprès des membres du conseil d’administration ? Or ces personnes qui travaillent avec moi, qui m’ont accordé leur confiance, je n’ai pas le sentiment que je les ai déçues. Maintenant, il faut le savoir, le football est un milieu dans lequel circule beaucoup d’argent et un milieu au sein duquel, qu’on le veuille ou non, aujourd’hui, les agents sont incontournables. Donc, dans le métier qui est le mien, si je ne veux pas être balayé, je suis forcé à garder un contact avec tous les agents. Et je précise bien tous les agents..."
Vos ennemis affirment, eux, que vous en privilégiez certains...
"Il est évident que si j’ai un problème pour vendre un joueur ou pour trouver une solution pour un joueur, j’ai besoin de m’appuyer sur des managers qui ont un portefeuille grand assez pour trouver la solution."
Mogi Bayat est un de ceux-là ? "Bien sûr. Et aussi Christophe Henrotay. Et comme avec ces agents-là, on a finalisé des deals importants, pour eux et le Sporting, il s’est créé entre nous une forme de relation privilégiée."
Qui peut aller jusqu’à de l’amitié ?
"Oui. Et je n’ai pas à avoir honte d’affirmer que Mogi et surtout Medhi Bayat font désormais partie du groupe de mes amis. Mehdi a la même vision du métier que moi. Tout, avec lui, est clair. Il a une ligne de conduite et s’y tient. Moi j’apprécie ce type d’attitude..."
Et que répondez-vous à ceux qui laissent entendre que vous passez à la caisse sur chaque transfert ?
"Moi je peux regarder tout le monde droit dans les yeux ! Et la meilleure réponse à apporter à ces accusations, c’est mon conseil d’administration qui la donne en me maintenant sa confiance depuis bientôt 14 ans. Vous croyez que je serais encore là où je suis si j’étais un tricheur ou un voleur ? Le monde du foot est petit, tout se sait très vite. Si Van Holsbeeck passait systématiquement à la caisse, croyez-moi, le conseil d’administration de notre société anonyme serait déjà au courant..."
Mais vous concédez que vous travaillez plus avec tel ou tel agent qu’un autre ?
"Dans la vie, c’est je donne et je reçois . Si tu ne fais que recevoir, cela ne dure pas et idem si tu ne fais que donner. Donc, la priorité, c’est d’avoir une relation d’échange. Alors, oui, si quelqu’un comme Henrotay me demande de mettre un de ces joueurs en stage une semaine chez nous après avoir réussi à transférer Lukaku pour 20 millions à Chelsea, je réponds positivement. Idem avec Bayat, qui en moins de deux heures, parce qu’il a des relations privilégiées dans nombre de clubs importants, nous permet de transférer Spajic en dernière minute. S’il me demande par après de l’aider avec un autre de ses joueurs, je le ferai. Est-ce pour cela que je triche ou que je vole mon club ?"
"Il nous faut un nouveau stade"
"Le futur stade national ? En fait, aujourd’hui, c’est un dossier qui est surtout traité par les... avocats !"
Herman Van Holsbeeck n’en dira pas plus, conscient qu’il est que chaque mot prononcé, dans ce dossier, peut servir à interprétation. Par contre, il est ouvert à l’idée que son club a besoin d’un nouveau stade.
"Si nous avons un stade moderne, avec du parking facile, du confort, de la restauration adaptée à tous les revenus, je suis convaincu que nous comptabiliserons facilement 30.000 abonnés et plus de monde encore pour les grosses affiches. Aujourd’hui, je m’explique les places vides qui, parfois, sont visibles dans notre stade. Le parking est lointain et cher, le prix des tickets trop élevé, la sécurité pesante, bref les points négatifs sont trop nombreux. Si nous voulons évoluer, comme l’ont fait par exemple l’Ajax ou La Gantoise, alors, oui, il nous faut un nouveau stade dans lequel viendront des personnes qui, aujourdhui, pour de bonnes ou mauvaises raisons, font l’impasse sur nos matches…"
"On savait qu’on allait devoir soutenir Weiler"
"Je partage avec Roger Vanden Stock cette vision de la gestion d’un club : quand on a fixé une ligne directrice, on s’y tient !"
Si vous tenez à souligner ce choix, c’est prioritairement pour accompagner le parcours actuel de René Weiler.
"En invitant le Suisse à devenir l’entraîneur du Sporting, on savait qu’on allait devoir le soutenir. La raison est simple : quand un club vend 13 joueurs et en engage 9, qu’il modifie en profondeur son staff technique et qu’il nomme à sa tête un nouvel entraîneur en lui demandant d’instaurer ses idées, on savait qu’il était impossible, en trois mois, d’aligner une équipe performante. Et, en effet, c’est ce qu’il s’est produit, même si parfois on a pris les points attendus, mais sans que la manière soit brillante. C’est alors que la presse et les supporters se sont déchaînés contre nous et notre entraîneur. Mais nous n’avons pas cédé à cette pression extérieure car on a toujours eu confiance en Weiler, en sa méthode, en sa volonté de créer un groupe solidaire et motivé. Il fallait simplement lui laisser le temps de construire tout cela, ce qui n’est pas facile à accepter dans un club comme Anderlecht où les résultats et la manière sont prioritaires."
Y a-t-il eu, à un moment, un déclic ?
"Oui, une décision arbitrale prise à la 76e minute à Qarabag ! Roger Vanden Stock aime à le répéter : un bon entraîneur a toujours de la chance. Tout grand entraîneur se doit d’avoir, dans sa carrière, ce coup du destin qui modifie tout. Pour Weiler, il est tombé quand l’arbitre a fait retirer ce penalty qui pouvait permettre à Qarabag de mener 2-1 et, sans doute, de nous précipiter vers une défaite aux très lourdes conséquences. À cette seconde-là, je me souviens, dans la tribune, Roger Vanden Stock et moi on s’est regardé en se disan t : on va voir si Weiler est un grand entraîneur. Le penalty n’a pas été transformé et, dans le dernier quart d’heure, nous avons inscrit deux buts très précieux. Faites le calcul : depuis ce match à Qarabag, Anderlecht n’a plus été… battu ! Donc Weiler est…"
René Weiler avait-il conscience qu’à Anderlecht, on n’a pas le temps ?
"Pas vraiment. Mais c’est quelqu’un de réceptif. Il a donc déjà compris, que lui qui vient d’un pays où tout est structuré, droit, ici, il doit composer avec des mentalités qui sont différentes d’une région à l’autre. Comme c’est quelqu’un d’intelligent, il s’est vite adapté à la situation, même si, intérieurement, il a souffert des critiques, surtout qu’il avait du mal à les comprendre."
Êtes-vous plutôt satisfait du travail que votre entraîneur a accompli ?
"Plus que cela, je suis franchement fier de ce qu’il est parvenu à réaliser. Le foot pratiqué n’a certes pas toujours été extraordinaire, mais on lui avait dit qu’il avait 6 mois pour construire quelque chose et, aujourd’hui, on découvre un groupe qui a faim, qui accepte la rotation et qui a intégré que nous avons un objectif prioritaire: gagner le titre. Tout cela dans une saison où nous aurions pu dire, à l’aube du championnat, que c’était une saison de reconstruction."
"Tielemans ne partira pas rien que pour l’argent"
Herman Van Holsbeeck va tout faire pour garder sa pépite si Anderlecht est... champion !
"Il paraît que son pied gauche est le moins bon ! J’aurais du mal à le faire croire aux scouts qui sont venus le visionner à Ostende..."
C’est donc avec une pincée d’humour que Herman Van Holsbeeck épingle ce qui va devenir son sujet hot des prochains mois : la vente ou pas de Youri Tielmans, dont on ne doute plus qu’il a tapé dans l’œil de tous les recruteurs européens. "Ses chances de nous quitter au terme de la saison ? Disons 60%. Ce qui nous laisse une petite chance de croire qu’il va rester au moins un an de plus à Anderlecht."
Herman Van Holsbeeck croit-il à ses propres paroles ? Pas sûr. Mais il s’accroche à cette évidence pour entretenir le feu de l’optimisme : Youri Tielmans est quelqu’un de très équilibré et mature pour son âge et son proche entourage trempe dans la sérénité là où, hélas! trop souvent, nombre de joueurs à l’avenir prometteur sont vus, par leur famille, comme une boîte à fric...
"Dans le foot, le mot roi, c’est ‘pognon’. Moi-même, et je le regrette, 90 % de mon temps se passe à parler de fric. Donc, dans ce milieu, beaucoup de parents ne voient dans leur gamin que celui qui, grâce à son talent, va leur permettre d’améliorer leur quotidien. Au Sporting, aujourd’hui, heureusement, il y a deux exceptions : Tielemans et Dendoncker. Ils sont tous deux très équilibrés et bien élevés. Forcément, cela facilite les discussions et, surtout, cela permet de cadrer ces discussions sur un autre angle que le strict aspect de l’argent. Je suis ainsi convaincu que si Tielemans nous quitte, il ne partira pas uniquement pour l’argent, mais pour un club qui lui proposera un véritable plan sportif. Partir, il pouvait d’ailleurs déjà le faire l’été dernier. Des clubs ont proposé, pour lui, plus de 20 millions. Il a dit non et nous aussi, parce qu’il voulait encore grandir et qu’Anderlecht était, pour lui, l’endroit idéal pour le faire."
Mais pourquoi resterait-il une saison de plus ? "Parce que si nous sommes champions, avec nous il pourra évoluer sur la scène de la Ligue des Champions et s’y distinguer. Ce serait là aussi un vrai plan sportif avec, à la clef, une garantie d’être titulaire et, qui sait, d’asseoir ce statut chez les Diables à la veille du Mondial en Russie. S’il devait par exemple opter pour Manchester City, pas sûr qu’il y serait titulaire avec les conséquences sportives que cela suppose. Tout cela, Youri va y réfléchir."
En cas de départ, va-t-il devenir le plus gros transfert sortant de l’histoire d’Anderlecht ? "Je sais le prix que je vais demander, mais je le garde pour moi. Mais oui, il devrait établir un nouveau record du genre..."
"J’aurais pu remplir les caisses du Sporting en janvier"
"Si je l’avais voulu, rien qu’avec Kara Mbodj et Frank Acheampong, j’aurais pu remplir les caisses du Sporting en janvier. Mais en discutant avec René Weiler, on a dit non à ces deux ventes afin de conserver un noyau complet. Un choix qui s’est aussi axé sur l’une des qualités essentielles que nous reconnaissons à notre entraîneur : il a l’art de faire progresser ses joueurs. Vous pouvez me croire, à la bourse mondiale des joueurs, tous les Anderlechtois d’aujourd’hui ont vu leur valeur marchande sérieusement augmenter…"
"Dieumerci Mbokani, le plus difficile à gérer"
"De mes 14 ans de présence ici, le joueur le plus difficile à gérer fut Dieumerci Mbokani. Le Congolais avait certes un talent exceptionnel, mais c’était un garçon avec une autre culture et qui parlait très peu. Il fallait donc perpétuellement anticiper les signaux qu’il émettait puis les décoder afin de répondre à ses attentes. En fait, pour le gérer, on était toute une équipe. Mais on a pas mal travaillé puisque Mbokani nous a tout de même aidés à gagner deux titres…"