Fred Rutten se confie pour la première fois: "Je vais peut-être rester 20 ans à Anderlecht"
L’entraîneur d’Anderlecht s’est confié pour la première fois et ose affirmer que "les joueurs doivent se regarder dans le miroir"
- Publié le 12-01-2019 à 07h30
- Mis à jour le 12-01-2019 à 09h09
L’entraîneur d’Anderlecht s’est confié pour la première fois et ose affirmer que "les joueurs doivent se regarder dans le miroir".
"Merci beaucoup et au revoir." C’est en français que Fred Rutten a conclu sa première interview en tant que coach d’Anderlecht.Après une présentation express lundi matin et quatre journées de stage sous le soleil (mais quand même dans le froid) à la Pinatar Arena, il a enfin pu se poser. Pour parler de lui, de psychologie et surtout de football.
Vous avez beaucoup observé ces derniers jours. Quel premier bilan pouvez-vous tirer du groupe ?
"Je voulais comprendre le groupe, voir comment il vit. J’ai vu beaucoup de positif : il y a une dynamique et de l’envie."
Vous ne vous attendiez pas à ça ?
"Je pensais que ça allait être plus négatif. Regardez les résultats et les sept défaites de la première partie de saison. Les joueurs ne peuvent pas fêter et chanter avec de tels résultats et un tel écart avec la tête."
Avez-vous une solution au souci de confiance dans le groupe ?
"Le meilleur remède, ce sont souvent les résultats. Ils n’étaient pas suffisants. Anderlecht a perdu des matches qu’il ne pouvait pas perdre. Je suis encore dans une phase d’analyse. Des deux matches amicaux, je pourrai ressortir une image globale. C’est encore trop tôt."
On parle beaucoup de vos qualités de people management. Vous voyez-vous de la sorte ?
"Je suis proche de mes joueurs, oui. J’ai encore des contacts avec beaucoup de joueurs avec qui j’ai bossé et souvent été au clash. Je ne le faisais pas pour le plaisir, mais pour les faire passer un palier. J’aime m’impliquer dans le groupe, mais je suis capable de m’en détacher pour obtenir un aperçu global."
On cite souvent en exemple Marko Arnautovic que vous avez su contenir alors qu’il a rendu fou José Mourinho !
"C’était un beau projet. (rires) Le plus dur de ma carrière. Et je ne suis pas devenu fou ! Pour beaucoup Memphis Depay ou Arnautovic sont des joueurs difficiles. Mais je pense aussi que le coach doit se remettre en question. Voir s’il a envoyé le bon message. Il y a une différence de culture entre un coach et un joueur. Je dois m’adapter en tant que manager pour que mon message passe bien. Et finalement, ces joueurs difficiles ne l’étaient pas pour moi. C’est une approche égoïste de ma part de me concentrer à ce point sur ces joueurs, mais ce sont souvent les meilleurs. Ceux qui peuvent avoir un énorme rendement."
À Anderlecht, le vestiaire est plutôt trop brave. Kara va aider à amener du leadership…
"Quand il entre dans une pièce, tu te rends compte que c’est un patron."
Tenez-vous compte de Vranjes, qui n’est toujours pas arrivé en Espagne pour cause de maladie ?
"Je ne m’en occupe pas pour le moment. Je suis concentré sur ce que j’ai sous la main. Je dois mettre mon énergie dans mon travail avec les joueurs qui sont là. J’ai peu de temps pour mettre tout en place. Le premier match (NdlR : à Gand) arrive vite et j’aimerais, en neuf matches, réduire l’écart avec la tête du classement. Ce sera une première étape."
Certains joueurs vous ont-ils déjà impressionnés ?
"Les jeunes du cru sont talentueux, ça, je peux le confirmer."
C’est aussi pour ça que vous êtes là. De réputation, vous avez un certain talent avec les jeunes joueurs…
"Oui, mais ma priorité, ce sont les points. Tout le monde n’attend qu’une chose : des victoires."
Pour gagner, devez-vous revenir aux bases ?
"J’essaie de donner un cadre aux joueurs. Ils peuvent s’y rattacher. Je veux qu’ils aient un niveau de jeu constant, un minimum de 6 sur 10, sans jamais passer sous cette frontière (il mime un graphique). Tout le monde se développera rapidement si on maintient ce niveau."
Donnez-vous beaucoup de liberté à vos joueurs ?
"Je dois analyser quel joueur peut avoir de la liberté et jusqu’à quel point. Mon premier message n’est pas ‘ça, tu ne peux pas et ça, non plus’. Ils sont autorisés à faire beaucoup de choses mais avec certaines limites. Tout le monde ne peut pas jouir d’une totale liberté."
Hein Vanhaezebrouck voulait des joueurs qui collent à ses principes et suivent ses lignes de courses et ses consignes. Ça n’a pas fonctionné.
"Je ne veux pas parler du passé. Je dois respecter mes collègues. J’ai peut-être une autre vision et ce n’est pas pour ça que la sienne n’est pas bonne. Je ne veux pas qu’on dise que je critique."
Vous changez toutefois la donne en revenant à quatre derrière !
"J’essaierai de jouer en 4-3-3 lors des prochains matches. Avec une ou deux pointes dans l’entrejeu. Ça variera. Nous avons fait quelques 11 contre 11 ces derniers joueurs et j’ai vu que les joueurs réagissaient bien et qu’ils étaient capables de jouer dans ce système."
Certains joueurs comme Morioka, Milic ou Obradovic sont dans le dur. Comment voyez-vous cette situation ?
"Le plus important est que les joueurs se regardent dans le miroir et se demandent ce qu’ils ont fait durant la première partie de saison. Ils ont leur part de responsabilité. Ce sont aussi eux qui, via les résultats, ont fait virer un coach."
Tout le monde redémarre de zéro ?
"Ce n’est pas possible. Nous devons être directement prêts. J’ai pris quelques points des analyses de la période précédente pour m’aiguiller. C’est logique de ne pas soudainement passer du blanc au noir ou l’inverse."
Vous avez toujours su gérer les trublions. Comment comptez-vous vous y prendre avec la personnalité excentrique du président Marc Coucke qui n’hésite pas à rentrer dans le vestiaire ?
"Lors de mes expériences à l’étranger (NdlR : Maccabi Haifa et Al Shabab), j’ai été confronté à des dirigeants qui venaient chipoter à mon tableau de consignes et qui parlaient aux joueurs dans une langue que je ne comprenais pas (rires). Marc Coucke est très enthousiaste, il fait partie de l’équipe, il vit avec le groupe. Je ne vois pas le souci. Mais s’il vient dans le vestiaire, ça veut dire que ça ne va pas bien (grimace)."
Comprenez-vous le manque d’enthousiasme des fans à votre égard ?
"Je comprends, mais j’espère faire changer les supporters d’avis comme je l’ai fait par le passé. Le club a fait une analyse au moment de chercher un nouveau coach. Et que je sois le premier ou le troisième sur la liste, cela veut quand même dire que je corresponds au profil."
Qu’allez-vous faire de vos six adjoints ?
"Jusqu’à présent, ce staff large n’est pas un souci. Je n’avais pas les connaissances du passé et devais rattraper mon retard. Après, peut-être qu’à l’avenir, un des membres de l’équipe ne sera plus heureux de notre travail. Je suis content de pouvoir compter sur un gars comme Pär Zetterberg à mes côtés. Je serais fou de me passer de ses qualités."
Travaillez-vous encore pour Twente comme ça a été annoncé aux Pays-Bas ?
"Plus physiquement mais je donne des conseils à la direction si elle m’appelle. Je ne suis pas payé pour ça. Je veux juste aider mon club."
On dit même que vous le rejoindrez cet été s’il revient en Eredivisie…
"J’ai signé un contrat à durée indéterminée. Cela veut dire que je resterai peut-être 20 ans à Anderlecht, hein !"