Didillon: "Kanté, c’était une machine à laver"
À l’image de Thomas Didillon, les Belgicains qui ont croisé N’Golo Kante ont été charmés par ce personnage dont ils brossent un portrait élogieux. Forcément
- Publié le 10-07-2018 à 12h35
- Mis à jour le 10-07-2018 à 13h35
À l’image de Thomas Didillon, les Belgicains qui ont croisé N’Golo Kante ont été charmés par ce personnage dont ils brossent un portrait élogieux. Forcément D’autres pourraient avoir le vertige. Pas N’Golo Kanté. Ce mardi soir, l’infatigable milieu de terrain va se démultiplier sur la pelouse de Saint-Pétersbourg comme il en a pris l’habitude. Loin, très loin de ce qui a longtemps été son quotidien.
Rappeler qu’il y a 8 ans encore, le Franco-Malien évoluait à Suresnes, en D9, dit presque tout de son incroyable ascension. Qui soulève une question : comment Amiens, Le Mans, Rennes ou Sochaux, où le milieu a été testé dans sa jeunesse, ont-ils pu passer à côté ?
"Sans doute parce qu’il était tellement discret et altruiste que les recruteurs n’ont sans doute pas pu s’apercevoir qu’il était exceptionnel", avance Pierre Ville, dirigeant de Suresnes où Kanté a joué de 9 à 19 ans avant de partir pour Boulogne-sur-Mer. Où il a atterri grâce au président de son premier club, Jean-Pierre Périnelle, dont le fils Damien évoluait à l’époque.
Pas question pour lui d’évoluer avec l’équipe première, promue en Ligue 1, mais en réserve en CFA2, soit le 5e niveau français.
"J’étais déjà là quand il est arrivé", se souvient Maxime Colin, son coéquipier de l’époque, avant d’avouer : "C’est une des belles histoires du foot. Il part de rien du tout. C’est beau à voir." Déjà l’époque, le volume de jeu du milieu fait son effet. "Il avait ses 4 poumons et donnait l’impression que tout était facile", observe Benjamin Boulenger, lui aussi Boulonais en même temps que Kanté. Mais à chaque fois, la même rengaine. Boulenger encore : "Tout le monde se posait la question de sa taille (1,69m pour 68 kilos), de savoir si avec des joueurs plus costauds, cela allait passer. Mais au final, cela passe toujours."
Grâce notamment à Caen qui est allé le chercher sur la Côte d’Opale après une dernière saison en National (D3) à l’été 2013. "S’ils ne le prennent pas, peut-être qu’il n’aurait pas explosé", observe Colin, qui partageait à l’époque le même agent que le milieu.
Dennis Appiah arrive en même temps en Normandie en provenance de Monaco. Et tombe très vite sous le charme. "En fait, je n’ai pas le souvenir qu’il m’impressionnait tant que cela car, en deux jours, j’étais habitué. Quand on joue avec lui, il est partout. Il est très fort. On a l’impression qu’il s’adapte à chaque fois au niveau où il est. Il arrive en L2, bam il s’adapte. Puis pareil en L1, à Leicester, à Chelsea et en France. Tu sais direct qu’il fera une bonne saison", résume l’Anderlechtois.
Ce côté caméléon a inspiré cette jolie formule à Thomas Didillon qui, assis sur le banc de Metz lors de la victoire des Lorrains à Caen le 9 septembre 2013, a été bluffé par "ce mec qui était une machine à laver".
"Il avait déjà un volume de course monstrueux et un gros impact sur le jeu", n’a pas oublié le nouveau gardien d’Anderlecht. "Il était déjà ciblé. En plus il venait de DH et on se demandait ce qu’il foutait…"
"Ne pas venir du milieu du football fait qu’il apprend encore beaucoup et il s’imprègne", note Appiah pour qui "le football est un monde un peu pervers pour lui car c’est un mec tellement simple qui a juste besoin de jouer au football. Tout ce qui est agent et argent, cela ne lui colle pas à la peau".
Ce décalage avec les codes de son milieu actuel ne fait finalement que renforcer son immense capital sympathie. Sans pervertir la personnalité foncièrement bonne de ce musulman très pratiquant.
"Des gens gentils, il y en a dans des vestiaires mais N’Golo a ce truc inexplicable qui en fait quelqu’un d’à part", a précisé dans L’Équipe le défenseur du Cercle Manu Imorou qui a joué avec lui à Caen. "On sait qu’il n’est pas faux. Vous feriez du mal à quelqu’un qui n’est pas profondément bon ?"
"C’est le seul joueur que j’ai connu qui n’a jamais dit un mot sur le coach ou l’entraînement ou sur l’arbitre", appuie Colin. "Parfois, tu te laisses aller à râler, mais lui jamais. Il ne va jamais dire du mal d’un équipier ou d’un coach. C’est le travailleur idéal."
"C’est l’humilité incarnée", renchérit Boulenger. "En fait, N’Golo, c’est toujours le même", poursuit le Carolo. "Il est toujours souriant."
Quitte à en jouer pour se cacher. "C’est même difficile de créer une relation avec lui", trouve Colin. "Il faut vraiment passer du temps et s’ouvrir à lui d’abord. Il ne fait pas le premier pas. Il faut aller creuser un peu et de savoir qui il est."
Appiah l’a fait et n’a pas été déçu du voyage : "Parce qu’il n’est pas timide mais réservé. On peut croire qu’il est timide mais quand il connaît bien les gens, il est normal. Il apprend, il écoute puis il agit sur le terrain. Il écoute beaucoup et parle peu au début. Après, c’est le premier à chambrer", détaille le latéral droit anderlechtois.
Preuve que derrière cette réserve naturelle se cache une vraie mentalité de vainqueur illustrée par cette anecdote : "On était souvent dans la même chambre et Thomas Lemar venait souvent avec nous pour jouer à la Wii" , raconte encore Appiah. "N’Golo ne voulait pas lâcher tant qu’il n’avait pas gagné. Thomas m’a encore envoyé un message hier et il m’a dit que cela n’a pas changé. Je ne faisais pas exprès de perdre pour autant. Il racontera une autre histoire mais la vérité c’est : on a fait un duel en trois manches sur Smash Bros. Je savais que j’étais plus fort. Je lui ai mis 3-0 et il voulait continuer jusque 5. J’ai dit stop, j’avais gagné. Après, j’avoue, quand tu l’as dans ton équipe ça va mais quand tu l’as en face, tu te rends compte… Je n’ai jamais joué contre lui et tant mieux !"
Eden Hazard va expérimenter la situation. Et il a conscience de la montagne qui va souvent naviguer dans sa zone : "Quand N’Golo est au top , tu as 95 % de chances de gagner le match, quand il est moins bien, si cela arrive un jour, tu risques de perdre." En espérant que ce jour arrive ce mardi.
Tout le monde aime Kanté
Difficile de faire plus consensuel que le milieu.
Les paroles se fredonnent sur l’air des Champs-Élysées chers à Joe Dassin. Elles proviennent de l’esprit facétieux de Thomas Thouroude et, à défaut de devenir le tube de l’été, sont désormais virales sur les réseaux sociaux.
"Il récupère, il distribue, à Chelsea comme en Russie. C’est le gars sûr de notre Dédé, N’Golo Kanté." Le refrain n’est pas encore entonné par les Bleus. Mais tous pourtant chantent unanimement les louanges de leur petit milieu.
Depuis son irruption dans le paysage de la sélection, difficile de faire plus consensuel que le milieu de Chelsea. Qui a tranquillement fait son trou. Sans rien revendiquer.
Appelé pour la première fois en mars 2016, il inscrit son premier but et pour l’instant seul but en bleu contre les Pays-Bas pour la deuxième de ses 27 sélections.
À l’Euro, le milieu commencera par être titulaire avant de céder sa place à la mi-temps du 8e de finale contre l’Irlande quand le 4-3-3 a disparu pour se transformer en 4-2-3-1 pour installer Antoine Griezmann dans sa position préférentielle en soutien d’Olivier Giroud.
Et quand les Bleus sont repassés dans ce système contre le Pérou, il n’a plus été question de sortir Kanté de l’équipe. Mais de décaler Blaise Matuidi sur un côté pour laisser celui qui est surnommé NG (à prononcer à l’anglaise) aux côtés de Paul Pogba avec qui son style se marie si bien.
"Lui, il court partout, il a quinze poumons. Le foot est beaucoup plus facile avec des joueurs comme lui", savoure le milieu de Manchester United.
Lucas Hernandez , après le match contre le Pérou et les 13 ballons récupérés par le phénomène, a trouvé cette jolie image : "Tu le vois partout et d’un seul coup, tu le vois sortir de terre."
Sa faculté de se fondre dans le collectif, de travailler pour les autres, a boosté sa cote de popularité. Forcément, voir quelqu’un qui court à sa place a de quoi séduire les joueurs offensifs quand d’autres, comme Djibril Sidibé, se sont rapprochés de lui en raison de leur foi commune.
Mais tous, dans le groupe, apprécient "le voleur de mangues parce qu’il gratte toujours les ballons" (dixit Griezmann) à sa juste valeur.
"C’est quelqu’un d’adorable, je l’ai rarement vu énervé. Mais attention, je l’ai déjà vu se lâcher quand il joue aux jeux vidéo", l’a chambré Samuel Umiti. Le débat sur sa place parmi les meilleurs milieux récupérateurs du monde fait tant parler en équipe de France, personne n’a eu un tel rayonnement depuis Claude Makélélé.
"C’est difficile de hiérarchiser", a noté Hugo Lloris. "Cela dépend des goûts mais on est bien content de l’avoir avec nous." Eden Hazard n’aurait pas dit mieux…