Roberto Martinez répond aux critiques et analyse notre football: "Le foot belge n’a pas besoin d’un Ballon d’or"

Avec Roberto Martinez, c’est une petite tradition : il aime entamer la conversation en parlant du match qu’il a vu la veille. Quand nous l’avons rencontré dans les bureaux de l’Union belge à Tubize, il avait aussi pris le temps de regarder les images de Liverpool - Naples. "Dries Mertens a été très chanceux de ne pas être gravement touché par ce tacle de Virgil Van Dijk ! Voilà pourquoi c’est une très bonne chose que le VAR débarque en Ligue des champions la saison prochaine. Il pourra intervenir sur ce genre de phase pour que le joueur soit exclu…"

Privé de rassemblement international jusqu’en mars, le sélectionneur continue de suivre de très près l’actualité de ses Diables ; c’est de cela que nous avons discuté avec lui. L’occasion de voir que son visage souriant peut aussi se fermer, au moment d’évoquer le dossier Carrasco, sur lequel il a été attaqué. Roberto Martinez se montrant toujours très prudent dans sa communication, il était intéressant d’évoquer avec lui certains dossiers délicats.

Roberto Martinez, une première chose nous a interpellé dans l’actualité des Diables : Romelu Lukaku s’est plaint d’une certaine forme de racisme en Belgique. Il affirme que quand il est moins bon, les gens mettent en avant ses origines africaines. Or, on n’a pas l’impression qu’il fasse l’objet de telles attaques. Il est même assez épargné par les critiques…

"Entre le match contre la Bosnie-Herzégovine (NdlR : le 7 octobre 2016, Lukaku avait été sifflé) et maintenant, j’ai perçu une grande évolution dans la façon dont il était perçu par le public. Dès lors son discours me surprend mais il faut le prendre avec un certain recul. Parfois, un jeune joueur parle de trente choses différentes, et vous pouvez être sûr que c’est sa seule phrase maladroite qui sera mise en avant… Rom a un bon cœur. Il est impliqué et il est devenu très constant dans ses prestations en équipe nationale. Il adore venir jouer avec les Diables."

Pouvez-vous en dire autant de Marouane Fellaini ? Lors du dernier rassemblement, il a préféré se soigner à Manchester United plutôt que de rejoindre la sélection.

"Il faut bien comprendre la situation : son corps l’a fait souffrir. C’était une décision médicale. Avant chaque rassemblement, nous devrons faire le point avec Marouane pour savoir comment va son corps. Le souci est là, pas dans sa tête. Car il reste engagé. Il aurait pu prendre sa retraite internationale après la Coupe du monde. À 31 ans, il n’avait plus besoin de l’équipe nationale pour faire progresser sa carrière et personne ne l’a forcé à rester. Mais il a voulu continuer."

Pourquoi ne pas avoir expliqué clairement la situation avec Fellaini lors du dernier rassemblement, pendant vos conférences de presse ? Votre communication a été floue sur ce sujet, comme sur l’absence de Yannick Carrasco…

"Moi, je trouve que j’ai été très clair par rapport à Carrasco : il n’était pas là car il avait un problème de passeport."

Avant le match contre l’Islande, vous aviez pourtant déclaré que tout le monde était disponible et sans même évoquer l’absence de Carrasco pendant trois jours…

(D’un ton sec) "J’ai répondu à l’époque. Si vous vouliez plus d’explications, vous n’aviez qu’à demander à la Fédération. Il faut comprendre qu’à l’époque, Carrasco faisait l’objet d’une enquête judiciaire. Je ne pouvais pas dévoiler le moindre élément, sous peine de l’affecter directement. Personne n’a menti. On a simplement cru que ce problème de passeport serait plus vite réglé. Je ne suis pas ici pour cacher des choses, mais je ne veux pas non plus porter préjudice à mes joueurs quand ils ont besoin d’aide."

Leander Dendoncker aurait lui aussi bien besoin d’un coup de main : il n’a joué que neuf minutes en Premier League avec Wolverhampton. Doit-il changer de club en janvier ?

"Il est dans une situation compliquée. Leander n’a rien fait de mal. Quand il est monté au jeu contre Chelsea, il a même été bon. Mais il n’a plus jamais joué. Si son club conserve Leander, c’est parce qu’il est capable de jouer à deux positions. Mais au final, cette polyvalence le dessert car la concurrence est haute à chaque poste. Ce dont il a besoin, c’est de la clarté. Le club doit lui dire : on compte sur toi, ou pas. Quand il connaîtra les plans de Wolverhampton à son égard, Dendoncker devra prendre une décision."

La situation de Michy Batshuayi à Valence est-elle aussi préoccupante ?

"Pas du tout. Michy joue à chaque match."

Mais dans sa carrière, il n’a jamais aussi peu marqué…

"Ce n’est pas grave. Cela arrive de traverser un creux… tant qu’on joue. Il a du temps de jeu et c’est ce qui compte le plus."

Dernière déception du moment pour les fans des Diables : Eden Hazard n’a terminé que huitième du Ballon d’or, lui qui a pourtant marqué 2018 de son empreinte…

"Je ne crois pas dans les récompenses individuelles. Elles sont très subjectives. Je dirais même que ces trophées ne sont pas réalistes. Ils sont le résultat d’une histoire derrière un joueur, ou d’un trophée majeur remporté cette année-là. C’est davantage une question de popularité. Le foot belge n’a pas besoin d’attendre le Ballon d’or pour être fier de ses joueurs."

"Tielemans n’ira pas à l’Euro Espoirs"

Roberto Martinez vise trois joueurs de Pro League pour les A, dont Dimata, mais il ne les reprendra pas avant septembre.

"Trois joueurs de Pro League ont capté mon attention, mais je préfère taire leurs noms."

Landry Dimata est certainement l’un d’eux. L’Anderlechtois aurait d’ailleurs pu être repris lors du dernier rassemblement, mais Roberto Martinez ne veut pas aller trop vite. "Certains joueurs des Espoirs sont assez bons pour être Diables rouges mais je veux d’abord les voir à l’Euro Espoirs en juin prochain en Italie. Ce sera une excellente opportunité pour nous de juger ce dont ils sont capables. Les prendre chez les A en mars puis les remettre en Espoirs, ce serait le meilleur moyen de les distraire. Ce serait injuste pour eux."

Cette politique aura des implications pour un joueur comme Youri Tielemans. "Il n’ira pas à l’Euro Espoirs : je ne crois pas à ce genre de choses. C’est la première fois en 12 ans que les Espoirs belges se qualifient pour un grand tournoi. Cette longue attente n’est pas normale, vu le talent à disposition. Johan Walem a désormais créé une vraie équipe ; il a amené une dynamique de succès. Ce serait contre-productif d’y intégrer un Diable actuel, même s’il est plus talentueux sur le papier. Ce serait aller à l’encontre de tout ce qu’on a mis en avant depuis deux ans."