Roberto Martinez évoque ses prochaines ambitions et revient sur le parcours des Diables "Je n'ai pas revu nos matches du Mondial. J'attendrai 5, 6 ou 7 ans"
Roberto Martinez est très ambitieux mais il refuse d’imiter le cynisme français : On ne changera jamais notre style".
- Publié le 25-08-2018 à 07h18
- Mis à jour le 25-08-2018 à 07h19
Roberto Martinez est très ambitieux mais il refuse d’imiter le cynisme français : On ne changera jamais notre style". "Regardez l’expression sur son visage. Quel moment incroyable…"
Roberto Martinez pointe du doigt une photo de Nacer Chadli, prise juste après son but contre le Japon. Avant notre entretien, dans le lobby de l’hôtel des Diables à Tubize, nous avons offert au sélectionneur deux exemplaires des suppléments DH post-Mondial : "Champions du monde de cœur" et "Merci les Diables !"
Visiblement, l’entraîneur à succès prend du plaisir à les feuilleter, se replongeant dans les souvenirs de la superbe aventure russe. Le teint halé et tiré à quatre épingles, Roberto Martinez est désormais aimé de toute la Belgique mais il ne semble pas avoir changé d’un iota. Il est toujours aussi aimable et souriant. Pendant près d’une heure, il est revenu pour nous sur ce Mondial historique et nous a détaillé ses ambitions pour la suite.
Comme dans toute discussion de rentrée, il a d’abord été question des… vacances.
"J’ai profité de vacances en famille à Ibiza, où nous allons depuis longtemps. En fait, la célébration populaire à Bruxelles nous a donné un tel sentiment de fierté que je n’ai pas senti de fatigue. J’étais juste satisfait de notre parcours. Contre le Japon, c’était la première fois dans l’histoire du Mondial que deux remplaçants marquaient. Cela montre les valeurs du groupe, qui a réussi à répondre aux très hautes attentes."
Qu’est-ce qui vous a surpris durant ce Mondial ?
"Nous étions préparés à tout. Au final, la seule chose qui m’a choqué, c’est qu’après les matches, nous rentrions à l’hôtel à Moscou quand il faisait déjà jour. On ne pouvait pas se reposer convenablement et la lumière troublait notre sommeil. Mais pour les joueurs, rien n’aurait pu devenir un problème. Ils ne voulaient aucune excuse. C’est grâce à cette attitude que nous avons marqué l’histoire du football belge. On se souviendra pour toujours de cette équipe."
Avez-vous revu certains matches des Diables ?
"Je les avais revus pendant le tournoi, pour voir certaines choses précises, mais depuis, jamais. Je voulais que mes souvenirs de matches restent intacts. Dans cinq, six ou sept ans, ce sera peut-être le bon moment de revoir ses matches et ranimer ces émotions."
Dans cette demi-finale, la France n’était-elle pas supérieure, finalement ?
"On savait que le premier but allait dicter les rôles. La rencontre était si serrée… On était sûr qu’on pouvait être champion du monde et la déception était énorme. Mais on a tout essayé et je n’ai aucun regret. Après avoir ouvert le score, les Bleus ont sans doute utilisé la douleur de la finale perdue contre le Portugal à l’Euro pour mieux gérer la suite et pour tuer le match. D’habitude, nous étions très bons pour trouver la faille quand il le fallait. Mais ce jour-là, nous n’y sommes pas parvenus parce que les Français avaient un supplément d’âme et de capacité à souffrir. La France a fini par remporter le tournoi…"
Était-ce la meilleure équipe ?
(Il hésite) "La plus efficace, sans doute. Ce sont de dignes vainqueurs. Après, chacun décidera qui était la meilleure équipe en fonction de ses affinités et de sa vision du football. Quand on a vu la générosité de leur attaquant de pointe qui devenait un médian pour défendre. Il n’a tiré qu’une seule fois dans le cadre sur toute la compétition. Mais je ne veux pas que cela sonne comme une critique. C’est une façon de jouer assumée. Chacun a le droit de l’aimer ou pas."
Après l’Euro 2016, la France s’est adaptée pour devenir plus réaliste afin de gagner un trophée. Allez-vous aussi vous adapter ? Faut-il devenir plus cynique ?
"Non. Il ne faut pas changer notre style. C’est notre identité et nous devons en être fiers. Dans ce que nous avons fait, nous étions les meilleurs. Cette façon de jouer, ce sera l’héritage de cette équipe aux générations futures. Maintenant, ce que nous devons réussir à faire, c’est de trouver le moyen de marquer face à une opposition solide même quand ça coince. Ce n’est pas une question tactique : nous sommes flexibles et nous avons déjà beaucoup d’options offensives. Nous sommes dangereux en contre, en attaque placée, sur les côtés, dans l’axe… Ce qu’il nous faut, c’est avoir encore plus de solidité mentale pour forcer un résultat et marquer. Il faut que cela devienne une obsession."
Johan Cruyff, dont la philosophie vous a marqué, disait que l’important pour une équipe, c’est qu’on se souvienne d’elle…
"C’était la première Coupe du Monde sans Johan. En nous regardant de là-haut, il aurait été très fier de voir la Belgique jouer. C’est mon plus grand point de satisfaction personnelle. Le mérite en revient aux joueurs."
La Belgique va faire ses débuts en Nations League . La première étape sera de la comprendre…
"Il faudra en effet bien en expliquer le fonctionnement au public mais pour moi, l’arrivée de cette compétition est extrêmement positive. J’en suis sûr à 100 %. En plein milieu de la saison, nous prenons des joueurs impliqués dans des grands projets de clubs. C’est très difficile de le faire pour une rencontre amicale… Désormais, à chaque fois qu’un joueur viendra en équipe nationale, ce sera pour disputer un match qui compte ! Des promotions et des relégations sont en jeu."
Pour les Diables, la Nations League est aussi le moyen le plus court de remporter un trophée. Il suffit de sortir du groupe et deux gagner deux matches…
"Il faut voir cela dans un contexte plus large. C’est notre mérite et c’est aussi grâce au bon travail fourni depuis deux ans que nous sommes en Ligue A. Si nous perdons deux matches, nous quitterions le Top 12 et dans ce cas, ça sera impossible de viser un trophée !
Quelle sera votre ambition ?
"Quand tu finis troisième du Mondial, il faut viser la finale de la Nations League . L’objectif, c’est de gagner chacun de nos matches. Entre le premier match amical perdu contre l’Espagne en 2016 et la défaite contre la France, nous sommes restés invaincus. Nous voulons retrouver cette invincibilité. Avec les qualités qui sont les nôtres, il faut développer de hauts standards et se montrer exigeants."
"500 millions de ménages ont vu Brésil-Belgique. Après, on est reconnu"
Roberto Martinez le reconnaît : il est désormais plus souvent reconnu en rue. "Un Mondial amplifie tout. Dans ce contexte, on vit des émotions qu’on ne peut pas vivre en club. Ces émotions, on les partage avec tellement de personnes… 500 millions de ménages ont regardé Belgique - Brésil, vous imaginez ? Voilà pourquoi je suis désormais plus reconnaissable, sans être une célébrité. À Ibiza, quelques supporters belges m’ont accosté… L’an dernier, ils m’auraient peut-être lancé des pierres !", conclut-il en riant.