Roberto Martinez dresse le bilan de 2018: "La France nous a fait mal, mais elle a mérité son succès"
Conspué quand il a annoncé la non-sélection de Nainggolan, Roberto Martinez est ensuite devenu un héros du sport belge grâce au Mondial. Il revient pour La DH sur cette année historique pour les Diables.
- Publié le 31-12-2018 à 06h31
- Mis à jour le 31-12-2018 à 09h21
Conspué quand il a annoncé la non-sélection de Nainggolan, Roberto Martinez est ensuite devenu un héros du sport belge grâce au Mondial. Il revient pour La DH sur cette année historique pour les Diables. L’Angleterre, l’Écosse et l’Espagne. Mais pas pour visionner des Diables, cette fois. Pendant les fêtes, Roberto Martinez a pris un peu de temps pour voir ses proches. Il aura bien des choses à leur raconter, après une année riche en émotions à la tête des Diables.
Avant son départ, nous avons rencontré le sélectionneur à Tubize pour revenir sur ses réussites et ses joies, mais aussi sur ses défaites et ses décisions polémiques.
Roberto Martinez, quel regard portez-vous sur cette année 2018 ?
"C’est le bon moment pour faire le bilan et le premier sentiment que j’éprouve, c’est de la satisfaction. Désormais, quand je suis en déplacement à l’étranger, je peux constater l’impact que nous avons eu sur les supporters neutres. Nous les avons séduits. Nous sommes une équipe que les amateurs de football veulent voir gagner, nous produisons du jeu offensif. Nous sommes la sélection qui a inscrit le plus de buts de plein jeu et qui a remporté le plus de matchs. En Belgique, on ne réalise pas forcément l’aura acquise par les Diables à l’échelle internationale."
Qu’est-ce qui vous revient en premier lieu en mémoire quand vous repensez à la Coupe du monde ?
"Éliminer le Brésil, c’était une expérience complète et puissante. Ensuite, nous avons été battus en demi-finale mais nous avons terminé troisièmes. C’est historique. Nous avons tout connu en Russie."
Sur le plan personnel, était-ce la plus grande réussite de votre carrière ?
"C’était mon premier tournoi à la tête d’une sélection et c’est très différent du travail en club, où l’on gère un vestiaire pendant dix mois et où l’on peut acheter des joueurs. Les émotions sont également très différentes. Pendant les 51 jours passés ensemble pour cette Coupe du monde, on sent que toute une nation est derrière l’équipe. Pour cette raison, rien ne peut égaler le football de sélection. Ce qui m’a marqué, c’est aussi le retentissement de nos résultats. Belgique -Brésil a été vu par 500 millions de ménages. Aucun événement autre qu’une Coupe du monde n’a autant d’impact."
Est-ce que cela a changé votre vie quotidienne ?
(Rires) "On va dire que quand je me promenais en rue, avant le Mondial, c’était plus… calme."
Votre cote de popularité est très haute aujourd’hui mais elle a été au plus bas le 21 mai, quand vous avez annoncé que Radja Nainggolan n’irait pas en Russie. Vous avez alors subi des critiques très virulentes.
"C’est normal. Je ne dois pas faire des choix avec l’objectif de me faciliter la tâche ou de me rendre plus populaire. Ce qui doit me guider, ce sont les besoins de l’équipe et les rôles à remplir en fonction des profils. Cette décision était à la fois très claire et difficile. Mais ce fut encore plus compliqué de laisser à la maison quelqu’un comme Kevin Mirallas, que je connais très bien. Humainement, choisir les 23 joueurs pour la Coupe du monde a été une des décisions les plus dures de ma carrière. Mais j’ai assumé et les résultats ont été positifs."
Le tableau de chasse des Diables en 2018 est en effet impressionnant, mais les deux seules défaites, contre la France et en Suisse, laissent encore aujourd’hui beaucoup d’amertume aux supporters…
"Ces deux matchs sont incomparables. La France nous a fait plus mal parce que nous étions dans un très bon moment et que l’enjeu était une finale de Coupe du monde. Mais nous n’en avons gardé aucun regret. C’était une rencontre avec des marges minimes et la France a mérité son succès. Le revers en Suisse, c’était peut-être davantage une leçon pour nous réveiller."
Pourquoi ?
"Nous étions à la première place mondiale, ce qui veut dire que nos résultats ont été les meilleurs sur les dernières années, pas seulement sur un tournoi. Dans ces cas-là, cela peut arriver que les joueurs se relâchent un peu. C’est ce qui s’est produit à 0-2 en Suisse. Les joueurs ont cru que le match était fini et quand on a voulu réagir, c’était trop tard. Mais l’enjeu n’était pas aussi important qu’en Russie."
Cette défaite a tout de même privé les Diables de l’opportunité de remporter un trophée. Ces occasions-là ne seront plus légion pour cette génération…
"C’est vrai, mais ce n’est pas la fin du monde. Il ne faut pas oublier que nous avons été éliminés sur le critère de la différence de buts, tout comme le champion du monde français. Pour moi, la Nations League doit subir des modifications. C’est une compétition très intéressante qui était nécessaire pour le football de sélections, car il fallait réduire le nombre de matchs amicaux. Mais le format de la Ligue A ne fonctionne pas à cause des groupes de trois. Cela crée des décalages dans le calendrier. Ce n’est pas normal qu’une équipe comme la Croatie, en quelques minutes, passe de la première place de sa poule à la relégation ! Il faut des surprises mais pas une telle incertitude. L’idéal, ce serait trois groupes de quatre équipes. Cela aurait évité des situations comme celle du prochain Final Four, qui sera privé des trois meilleures équipes du Mondial…"
Y a-t-il une chance que vous occupiez encore le poste de sélectionneur pour la prochaine Nations League, qui débute en septembre 2020, ce qui supposerait une prolongation de votre contrat actuel ?
"Vous devez poser la question à ceux qui prennent ces décisions. Ce n’est pas dans mes mains."
"Pour aller de l’avant, il faut appliquer la tolérance zéro"
Le sélectionneur, également directeur technique, formule ses souhaits pour les Diables et pour le foot belge en 2019 : "On n’aura pas de match amical : tant mieux. Car un amical n’est pas utile pour préparer l’Euro."
Roberto Martinez n’a pas attendu les fêtes pour se projeter et préparer activement 2019. Une année qu’il traversera pour la première fois de bout en bout avec une double casquette : celle de sélectionneur et celle de directeur technique de l’UB.
L’année 2019 sera particulière pour les Diables : ils y disputeront dix matchs de qualification pour l’Euro, mais aucun amical.
"Tant mieux ! Les amicaux peuvent être utiles pour certaines choses, comme un essai tactique ou l’intégration de nouveaux joueurs, mais pas pour préparer un Euro. Dans son état actuel, la sélection belge n’a pas besoin de matchs amicaux."
Quels sont les objectifs fixés pour cette nouvelle année ?
"Face à des adversaires très différents (Russie, Chypre, Écosse, Kazakhstan, Saint-Marin) , il faudra assumer notre statut de favori. La Russie a montré en éliminant l’Espagne qu’elle pouvait s’adapter pour mettre une bonne équipe en difficultés. Le Kazakhstan sera un déplacement avec certaines difficultés logistiques. Ce seront des défis que nous devrons relever, en conservant notre niveau d’exigence."
Que souhaitez-vous en 2019 pour le football belge, dont l’image a été fortement ternie par le scandale de fraude et de matchs truqués ?
"Les décisions judiciaires qui tomberont pourraient être bénéfiques et permettre au championnat domestique d’aller de l’avant, avec un bon niveau. Je pense qu’il y aura un avant et un après."
Avez-vous été surpris quand l’affaire a éclaté ?
"Par le trucage de matchs, oui. En tant qu’entraîneur, on fait attention à tout ce qui se passe sur le terrain et en coulisses et en treize ans, je n’avais jamais vu ou entendu parler de trucage. On verra quelles seront les condamnations mais j’estime qu’il faut appliquer la tolérance zéro. Ceux qui ont triché doivent être sévèrement punis."
En tant que directeur technique fédéral, allez-vous contribuer aux idées pour lutter contre ces problèmes qui ont pourri le foot belge ?
"Oui. Il faut mettre des mesures en place, revoir certains règlements et moderniser plusieurs choses. Le football n’est plus le même qu’il y a dix ans : il nécessite qu’on s’adapte. La Pro League, les arbitres, les agents, les dirigeants, le format des compétitions, la formation des jeunes : les chantiers sont nombreux. C’est le bon moment pour asseoir tous les acteurs impliqués autour de la table et pour réaliser des avancées concrètes."