Quel est l'apport de Thierry Henry aux Diables? Découvrez l'expertise de Wenger et d'anciens champions du Monde 98
Les champions du Monde 98 comme Arsène Wenger, qui a longtemps été son entraîneur, sont convaincus de l’apport de Thierry Henry aux Diables.
- Publié le 16-06-2018 à 09h44
- Mis à jour le 16-06-2018 à 11h03
Les champions du Monde 98 comme Arsène Wenger, qui a longtemps été son entraîneur, sont convaincus de l’apport de Thierry Henry aux Diables.Juin 1998 : Thierry Henry est appelé en équipe de France pour disputer la première Coupe du Monde de sa jeune carrière.
Juin 2018 : Thierry Henry entame, pour la première fois, une Coupe du Monde dans un staff technique.
En vingt ans, l’attaquant français est devenu une icône du football mondial et sa présence chez les Diables Rouges ne passe pas inaperçue. Lors des entraînements, il est souvent impliqué dans les séances réservées aux attaquants et n’hésite pas à donner l’un ou l’autre conseil. "Il parle souvent de sa carrière mais c’est normal, c’est un amoureux du football. Il me donne des tuyaux mais bon, je préfère les garder pour moi", glisse Michy Batshuayi.
Pour mieux juger son apport mais aussi son passé de joueur, nous avons discuté avec sept anciens joueurs qui ont remporté en sa compagnie la Coupe du Monde. Et tous sont unanimes : son apport pourrait être précieux pour les Diables Rouges !
"Oser prendre un tir au but à 20 ans : respect !"
Son intégration dans le groupe de la France s’est déroulée très naturellement.
Thierry Henry n’avait que vingt ans lorsqu’il a été sélectionné pour disputer la Coupe du Monde. Sa présence avait constitué une petite surprise car il n’avait jusqu’alors jamais porté le maillot bleu mais son excellente saison avec Monaco (onze buts, toutes compétitions confondues) lui avait logiquement ouvert les portes de l’équipe. "C’était un jeune qui se faisait tout petit. Il était humble et cherchait simplement à apprendre. Personnellement, j’ai essayé de le prendre sous mon aile car comme moi, il venait des Dom-Tom. C’était mon protégé" , se souvient Bernard Lama. "Il n’était quand même pas dans sa coquille, il était décomplexé. Il faut dire qu’il avait déjà réalisé de solides performances avec son club et donc sa présence dans le groupe ne nous a pas spécialement surpris."
Aimé Jacquet, le sélectionneur, a étonné en le titularisant dès la première rencontre du tournoi, face à l’Afrique du Sud. Le technicien français voulait que sa vitesse casse la défense africaine. "Je ne l’ai jamais vu comme un concurrent qu’il fallait abattre. Bien au contraire, la concurrence m’a toujours fait avancer, d’autant qu’il se montrait très respectueux envers le groupe. Et donc, moi aussi je le respectais", explique Stéphane Guivarc’h, qui avait disputé ce match d’ouverture à ses côtés en attaque. "Il avait déjà d’énormes qualités et cela ne m’étonne pas qu’il ait connu autant de succès durant sa carrière. Mais je me souviens surtout d’un jeune garçon qui s’exprimait correctement et était déjà très intelligent. Il a su être patient dans son intégration et il a pris le temps de découvrir tout le monde."
Trois fois buteur lors des deux premiers matches, il a fait étalage de ses qualités aux yeux du monde entier, même s’il a dû se contenter d’une place sur le banc lors de la finale face au Brésil. "Il n’avait pas vraiment de stress durant le tournoi. Et jamais personne n’a essayé de le saboter car les anciens l’ont rapidement respecté. Cela, il l’a gagné grâce à sa grande force mentale, notamment quand il a osé prendre à son compte un tir au but lors du quart de finale contre l’Italie. Il fallait oser prendre de telles responsabilités à vingt ans", continue Stéphane Guivarc’h
Et si cela se passait moins bien, Bernard Lama était présent pour le protéger. "Je le surveillais même pendant les matches. Lors de ce même match contre l’Italie, il ne s’était pas bien repositionné et cela avait permis à Roberto Baggio d’être à deux doigts d’ouvrir le score. Certains joueurs avaient voulu lui remonter les bretelles, c’était donc le moment pour moi d’intervenir."
"Il peut expliquer comment nous avons gagné en 98"
Thierry Henry connaît la recette pour remporter un Mondial. Son rôle de T3 est donc important.
Jusqu’ici, Thierry Henry ne s’est pratiquement jamais exprimé sur son rôle au sein de l’équipe nationale. Mais il ne faut pas croire pour autant que son apport est nul. Durant les séances d’entraînement, il est très actif avec les éléments offensifs et n’hésite pas à leur parler durant de longues minutes. Et dans la vie de groupe, il est souvent présent, notamment lors d’un match de basket disputé avec quelques joueurs avant de partir en Russie.
"Personnellement, j’ai été un petit peu étonné de le voir entamer une carrière d’entraîneur mais il veut peut-être montrer qu’il peut encore amener quelque chose au football. Cela dit, qui aurait pensé que Zinedine Zidane allait avoir autant de succès comme coach ? Thierry Henry connaîtra peut-être la même trajectoire", espère Stéphane Guivarc’h. "J’aurais simplement préféré qu’il bosse au sein de la Fédération française mais il faut encore voir si on lui a proposé quelque chose…"
"Rejoindre l’équipe nationale belge n’a strictement rien de déshonorant", continue Bernard Lama. "Vous avez connu un petit creux pendant dix ou quinze ans mais là, vous remontez bien la pente. Et puis, ce n’est jamais facile de prendre ses responsabilités dans le foot, donc je tiens à le féliciter."
Et ses anciens équipiers n’ont aucun doute sur ce qu’il apportera à son nouvel employeur. Car il n’a jamais fait les choses à moitié durant sa carrière active. "Il a du recul par rapport à tout ce que nous avons vécu durant cette fameuse Coupe du Monde 1998 et je pense qu’il peut transmettre notre expérience aux joueurs belges. Nous, nous n’étions partis de rien mais nous savions qu’individuellement, nous avions du talent. Ce qu’il fallait, c’était créer une vraie force collective, un groupe. Thierry peut faire passer ce message à ses joueurs et cela pourrait être une force pour vous durant le Mondial", analyse Stéphane Guivarc’h.
Bernard Lama croit aussi en ce passage de témoin entre les deux générations. "C’est vrai qu’avoir gagné ce tournoi en 1998 constitue un avantage pour Thierry mais traduire un discours en résultats est toujours quelque chose de difficile. Mais au-delà de cela, il va être utile à votre équipe. Les attaquants vont se régaler car il va pouvoir les conseiller sur leur sens du placement, les courses à réaliser."
Lebœuf : "Comme Deschamps"
"J’ai souhaité bonne chance à Thierry Henry. La Belgique a le même problème que la France. Elle a de superbes individualités mais il n’y a pas, pour l’instant, cette sensation de groupe soudé. Peut-être que la magie peut opérer pendant la compétition, on va leur souhaiter parce que nos amis belges ont une équipe absolument extraordinaire. Mais tant qu’ils n’auront pas trouvé qu’il faut qu’ils se battent les uns pour les autres, ils ne gagneront pas. Thierry peut-il être ce ciment ? C’est un vecteur important comme Didier Deschamps l’est pour l’équipe de France. Ce sont des gens qui ont connu cela et qui savent exactement comment fonctionner. Les joueurs doivent comprendre que même si on est dans une société qui devient de plus en plus égoïste que s’ils n’ont pas cela, ils ne gagneront pas. On n’a pas vu une équipe gagner qu’avec des individualités : même Maradona n’était pas tout seul. Heureusement qu’il y avait des mecs qui travaillaient avec lui, pour lui et qui lui aussi a fait son œuvre. L’Allemagne de 2014 est la preuve de ce travail ensemble pendant des années. C’était une équipe de club, pas une équipe nationale."
Wenger : "Ouvrir des portes pour la confiance"
"Il peut apporter des discours rassurants en dehors de sa connaissance technique du poste d’attaquant qui est parfaite. C’est important parfois d’avoir un gars qui peut leur dire : écoutez, vous doutez en ce moment, je suis passé par là, moi aussi, j’ai loupé des occasions. Il peut ouvrir des petites portes pour leur permettre de garder leur confiance. Thierry va devenir entraîneur, c’est une expérience utile pour lui. Ce n’est pas une trahison mais une occasion pour lui d’apprendre le métier dans la foulée d’un entraîneur qui est devant lui. C’est très important au départ d’observer ce qu’il se passe sans être directement exposé à la lumière, cela permet d’apprendre sans avoir la pression."
Desailly : "Là pour aiguiller"
" Titi apprend. Il a passé ses diplômes UEFA dans un cursus anglo-saxon. Il a eu l’opportunité d’aller en Belgique pour apprendre. Quand l’opportunité viendra, il sera coach principal. Là, la Belgique a un super-potentiel, ils sont au même niveau que la Croatie et la France qui peuvent surprendre. La Belgique compte. On a été un peu déçu de leurs performances à l’ Euro , on ne savait qui était le leader de cette équipe. Hazard ? De Bruyne ? Il y a beaucoup de joueurs de qualité mais ils ne forment pas encore un vrai collectif. Titi est là pour les aiguiller."
Petit : "important dans la gestion des émotions"
"Il peut apporter l’expérience de la gagne, la caution aussi par rapport à son entraîneur qui est un entraîneur avec des qualités. Il a aussi un palmarès. Titi , en dehors de l’immense joueur qu’il a été, a aussi un palmarès long comme le bras. Il peut prodiguer des conseils extrêmement importants, notamment dans la gestion des émotions et aussi dans les déplacements des attaquants puisque c’est son domaine. Le fait d’avoir été très longtemps au très haut niveau lui permet d’avoir ce recul, cette faculté nécessaire et surtout cette crédibilité au niveau des joueurs un peu à l’image de ce que faisait Zizou avec le Real Madrid. Quand ces joueurs-là vous parlent droit dans les yeux, même s’il y a de grands joueurs dans cette équipe belge, les gars vous écoutent avec beaucoup d’attention. Devenir entraîneur n’est une évidence pour personne. Celui qui symbolise cela, c’est Zizou . Au jeu des pronostics, c’est à partir du moment où on revêt le costume d’entraîneur qu’on sait si on est fait pour cela ou pas."