Leandro Trossard, à cœur ouvert: "Oui, je ressemble un peu à Eden Hazard"

Des buts dignes d’Eden Hazard, auquel on le compare de plus en plus au nord du pays. Hasard du calendrier, le capitaine des Diables a, la veille de notre interview, fait un numéro de classe mondiale pour aller trouer les filets de Liverpool après un enchaînement de dribbles.

Alors ce but d’Eden ?

"Superbe. Fantastique. Que puis-je ajouter ? (rires) Il est dans une forme incroyable. Quel but ! J’adore."

Les spécialistes disent qu’il y a du Eden Hazard en vous. Vous êtes d’accord ?

"C’est vrai qu’on se ressemble un peu mais il évolue à un autre niveau. C’est surtout dans le jeu dos au but et la capacité à se retourner vite et à accélérer qu’on est comparables. Pour le reste, je pense qu’on est différents. Son accélération est plus impressionnante que la mienne. Sur les premiers mètres, je vais vite mais, lui, il parvient à la maintenir très longtemps. Je suis plus un dribbleur, un homme de gestes. Eden joue davantage sur son accélération."

Vous travaillez pour aller plus vite ?

"C’est dur, hein ! C’est naturel chez lui. Si je devais lui prendre quelque chose, ce serait cette accélération."

Actuellement, vous êtes décisif toutes les 68 minutes et Eden Hazard toutes les 53 minutes.

"Ce n’est pas si loin. (rires) Cela veut dire que tout roule pour moi. En fait, tout se met bien. L’équipe tourne bien, ce qui me permet de prendre des initiatives."

Vous parlez de l’équipe mais vos buts, vous les marquez seul !

"En fait, j’ai ça en moi. Je ne sais jamais à l’avance ce que je vais faire avec le ballon. Cela vient au moment où je le reçois. Directement, je comprends ce que je dois faire. Je pense avoir une capacité de réflexion plus rapide que beaucoup. Cela me permet d’avoir un temps d’avance et de faire la différence."

Cela confirme ce qu’Alex Teklak, notre consultant, pense de vous : vous avez des caractéristiques de joueur de rue…

"Je ne m’entraîne plus avec les copains mais j’ai commencé dans la rue. On y apprend beaucoup. J’ai joué avec des gars plus âgés et j’ai appris à encaisser les coups. Cela m’a fait travailler mes deux pieds aussi. Cela me rend imprévisible car je sais partir à l’intérieur ou le long de la ligne. On peut l’apprendre en club mais c’est différent. La rue amène de la créativité."

Albert Stuivenberg, l’ancien coach de Genk, dit de vous que vous avez un don pour placer le ballon.

"Les gens découvrent ma technique de frappe mais elle a toujours été là. Je marquais aussi de loin à Louvain ou à Westerlo."

Ce don de voir où placer le ballon, on le retrouve aussi chez Eden Hazard !

"Oui, un peu. Je n’ai pourtant pas une technique de frappe spéciale. J’aime bien enrouler le ballon au deuxième poteau car j’ai des facilités pour aller chercher la lucarne mais, en un instant, je vois où est le gardien et je m’adapte (NdlR : comme sur son premier but au Cercle d’une frappe au premier poteau) . Après, je ne marque pas à chaque fois, hein. La concentration est la clé dans ce genre de moment."

Vous appréciez les comparaisons avec Hazard ?

"Bah, les gens font ce qu’ils veulent. Tant mieux s’ils me comparent à un si bon joueur. Ça ne me colle pas de pression, surtout que je ne vois que certaines ressemblances. Eden est un joueur dont je peux beaucoup apprendre. Si je veux réussir dans une grande compétition, je devrai jouer un peu plus rapidement, m’adapter à un niveau supérieur. Les gens me demandent ce qu’il me faut pour aller à l’échelon supérieur mais il n’y a pas de réponse à cette question. On apprend sur le moment."

Vous étiez prêt à partir cet été ?

"Peut-être mais j’ai longtemps été blessé et je voulais jouer une bonne année complète. Je savais que nous avions un bon groupe. C’était plus malin de rester."

Votre avenir se situe en Espagne ?

"La Liga a ma préférence mais ce n’est pas pour ça que je ne veux pas aller ailleurs. C’est juste que l’Espagne colle bien à mon style. Mais on a le temps." (sourire)

"Martinez m’a dit de continuer à être décisif"

Il pense avoir fait ce qu’il fallait pour être à nouveau sélectionné chez les Diables

"Nous suivons des joueurs en Pro League. Leandro Trossard, par exemple." Roberto Martinez a souvent cité le nom du jeune Genkois parmi ses potentiels Diables. Il est passé à l’acte en septembre avec une place dans le noyau pour Trossard. "J’étais moins surpris car on avait souvent cité mon nom. J’espérais qu’il soit un jour dans la liste."

Ça vous a fait quoi de bosser avec Eden Hazard, Vincent Kompany ou Romelu Lukaku ?

"J’ai dû m’adapter, jouer plus vite. C’est comme ça qu’on évolue. J’ai directement vu la différence de tempo. J’ai la chance de savoir rapidement faire le switch et d’avoir besoin de peu de temps pour sauter dans le bon wagon."

Avez-vous eu une discussion avec le coach ?

"Rien de bien spécifique. Il m’a dit que j’étais en forme et m’a demandé de continuer à ce rythme-là. Il veut que je sois important à chaque match et j’ai répondu à ses attentes."

Si Roberto Martinez est logique, il vous reprendra une nouvelle fois vendredi…

"J’espère. Vu ce qu’il m’a dit, j’ai tout fait comme il le fallait. Je grandis au fil de la saison. Je suis frais et en pleine possession de mes moyens."

À quel poste compte-t-il vous faire évoluer ?

"Il me voit derrière l’attaquant. Je pense être capable de faire le flanc mais ce sera plus difficile pour moi. J’espère juste jouer."

Vous étiez déçu de ne pas monter au jeu ?

"Oui mais je suis conscient de la concurrence à ce poste. J’espère pouvoir engranger des minutes de jeu à l’avenir."

Vous allez demander des conseils à Eden Hazard ?

"Je n’en ai pas eu l’occasion mais j’espère que quand j’aurai joué il me dira ce que je dois corriger."

Vous vous sentez Diable Rouge ?

"Oui, un peu. Je me suis directement senti à l’aise dans ce groupe."

"On devra parfois gagner en jouant mal"

Leandro Trossard pense que Genk peut être champion

Tous les analystes sont unanimes : Genk est la meilleure équipe de D1. La plus spectaculaire, du moins.

"Tout se passe bien mais serez-vous aussi positif quand on aura perdu deux matches d’affilée ? ", sourit Leandro Trossard.

Nous avons l’impression que ce n’est pas prêt d’arriver…

"On crée un sentiment d’invincibilité. Tout le monde se sent bien. Avant, on serait peut-être partis avec un sentiment plus négatif. Mais là, on monte sur le terrain en jouant notre jeu, en connaissant nos qualités et celles des équipiers. On sait comment jouer. L’an passé, nous n’avions pas cette confiance. Contre Brondby on est rejoints à 2-2. L'an passé, nous n’aurions jamais gagné. Là, on leur passe trois buts pour faire 5-2. Ça prouve qu’on ne panique plus."

À quoi est-ce dû ?

"Un peu au coach mais surtout à la confiance. On a un plan très bien défini et tout le monde le suit. Clément a mis en place son jeu mais nous a surtout apportés une grosse mentalité. La qualité a toujours été là mais on pense comme des gagnants. Puis, l’effectif est au complet alors que l’an passé Sander (Berge) et moi étions blessés."

Pouvez-vous être champions ?

"Oui, on peut mais il y a une sacrée concurrence. Il faudra arriver en playoffs avec un minimum de retard… ou un maximum d’avance. L’an passé nous avons fait de bons PO et aurions fait mieux en démarrant plus haut dans le classement."

N’avez-vous pas peur du manque d’expérience du groupe ?

"Non, mais nous devrons gérer les moins bons moments. Apprendre à gagner en jouant mal."

"Dans la tête, j’ai plus que 23 ans"

Dimitri De Condé, le directeur sportif de Genk, vient de le citer comme "exemple pour les jeunes". Le développement de Trossard est passé par plusieurs années en prêt.

"Je n’étais pas impatient. Je voulais jouer à Genk mais je savais que j’aurais plus de chances en évoluant d’abord ailleurs plutôt qu’en espoirs. Il faut du courage pour penser de la sorte mais ça m’a forgé. Affronter des gars en D2 m’a rendu meilleur. C’est un autre monde. Je suis devenu adulte plus vite. Je suis plus mature qu’un gars de 23 ans. Je suis d’ailleurs papa d’un petit Thiago qui a un an. Ça change la vie mais c’est un vrai bonheur."