L'instrument Eden au service de la com madrilène: comment expliquer une telle mobilisation ?
Ce jeudi soir s'est déroulé ce qui est déjà peut-être l'événement de l'été sur la planète football. Eden Hazard a été présenté devant près de 50.000 fans. De quoi interpeller.
- Publié le 14-06-2019 à 15h30
- Mis à jour le 14-06-2019 à 19h49
Ce jeudi soir s'est déroulé ce qui est déjà peut-être l'événement de l'été sur la planète football. Eden Hazard a été présenté devant près de 50.000 fans. De quoi interpeller.
Sur le coup de 19 heures, ils étaient près de 50.000 à être rassemblés dans l'antre du Santiago Bernabéu. Les 50.000 paires d'yeux n'attendaient qu'une personne: Eden Hazard.
Tellement énorme que le Belge de 28 ans, habituellement habité d'un calme olympien, s'est d'ailleurs dit "être un peu nerveux".
Dans les tribunes, certains chantaient. D'autres montraient une certaine émotion, allant parfois jusqu'aux larmes.
Finalement, le spectacle n'aura duré qu'une trentaine de minutes. Après une vidéo retraçant les exploits du Belge, Eden Hazard est apparu quinze minutes, ni plus, ni moins. Juste le temps de réaliser dix-huit jonglages, deux "tours du monde", une séance photos, de lancer une demi-centaine de ballons à des spectateurs en transe, et c'est tout.
Ah, non. Eden a aussi pris le micro pour adresser un message à la foule: "Gracias a todos. Hala Madrid".
Mais comment expliquer une telle mobilisation pour un si maigre show ? Rien de surprenant pour le Professeur émérite en psychologie à l'Université Catholique de Louvain, Bernard Rimé: "Ce phénomène trouve diverses explications. Il y a eu un battage médiatique hors du commun. Eden Hazard à Madrid, on en parle depuis des mois. C'était un événement attendu. Puis ce type de manifestation n'est pas exceptionnel pour le club. Cristiano Ronaldo avait aussi été reçu dans un procédé similaire. Il y a une tradition", explique l'expert avant d'avancer une autre dimension à ce rassemblement.
"Il ne faut pas croire que ces 50.000 supporters sont différents de vous ou moi. Tout le monde est sujet à participer à ce type de manifestation. D'ailleurs, ça a toujours existé. L'histoire de l'humanité est remplie de cela", précise Bernard Rimé. Selon lui, le phénomène Eden Hazard peut être ramené à ce qui se fait en politique ou dans la religion: "Les gens veulent voir le début d'une nouvelle histoire, incarnée dans Eden Hazard. C'est une sorte de glorification du personnage. Les spectateurs créent alors un lien particulier avec le joueur. Ils se retrouvent un peu en lui. Et le succès de ce joueur sera le leur aussi".
Un jeu d'ascenseurs
Le spécialiste illustre son propos d'une métaphore: "C'est un jeu d'ascenseurs. En projetant certaines qualités sur le joueur, une partie nous revient car nous nous identifions. Sa gloire rejaillit alors sur nous. Si lui monte, je monte avec lui".
Si c'est le coté pile de la mise en scène, il y a le coté face. Derrière le rideau, c'est le Real Madrid qui pousse un immense coup de com' particulièrement réussi: "C'était un spectacle. À travers Eden Hazard, c'est l'image du Real Madrid qui est valorisée. Les spectateurs étaient déjà acquis à la cause. Certains courraient dans le feu pour l'applaudir. Mais après une telle communion collective, tout le monde sort de là gonflé à bloc. L'impact d'un rassemblement collectif tel que celui là est énorme. Le sentiment d'appartenance devient encore plus fort. D'ailleurs si des idées avaient été diffusées, comme les valeurs du sport par exemple, la confiance du public dans ces idées auraient été renforcées. En sortant du stade, chacun est dans un état émotionnel positif en se sentant intégré dans une communauté".
À la question de savoir si Eden Hazard n'était qu'un instrument de communication pour le Real Madrid, Bernard Rimé sourit: "C'est la vision pessimiste de l'histoire, mais c'est un peu ça. Après, cela n'a rien d'exceptionnel. Que ce soit au Doudou à Mons, lors des marches pour la Sainte-Rolande, les spectacles nazis avec la présence de célébrité ou la présentation d'Eden Hazard, les ingrédients sont toujours les mêmes pour parvenir à créer de la cohésion autour d'un projet", conclut le professeur émérite en psychologie.