L'autre côté des Diables (1/4): "Simon Mignolet est un businessman qui ne laisse pas parler ses émotions"
Simon Mignolet et son frère Wouter ont lancé leur marque de café. Portrait d’une famille entre football et business.
- Publié le 31-05-2019 à 06h53
- Mis à jour le 31-05-2019 à 12h01
Simon Mignolet et son frère Wouter ont lancé leur marque de café. Portrait d’une famille entre football et business. "Alors, tu le trouves comment ce café ?" Wouter Mignolet (34 ans) débarque dans le Twenty Two Coffee une caisse sur l’épaule. On lui confirme que le café noir est un régal et que le cadre, tables en bois, mur en briques apparentes, aide largement à la dégustation.
Les travaux de la Grand-Place de Saint-Trond gâchent un peu la vue ensoleillée mais l’ambiance est bonne. Il est 9 heures et les cuisines turbinent en laissant flotter une bonne odeur de petit-déjeuner salé.
"Notre café est spécial car unique. Nous vendons notre propre café torréfié par nos soins." Wouter Mignolet remet d’ailleurs les choses au point : Twenty Two Coffee n’a pas vocation à devenir le Starbucks de l’Haspengouw. "C’est une possibilité mais pas un but en soi."
Les Mignolet ont créé une marque plutôt qu’une chaîne de café. Un défi largement plus compliqué que la simple ouverture d’un établissement.
Le projet est pourtant né d’un heureux hasard. Ou plutôt d’une interrogation : que faire de cette surface commerciale ? "Simon avait acheté un immeuble pour investir. Au lieu de le louer, on a pris le pli de lancer notre business. Simon a passé une longue partie de sa vie en Angleterre et a voulu importer le principe de coffee-shop."
L’aventure a commencé en novembre 2016, à deux pas de la gare de Saint-Trond. "Nous avons ensuite ouvert cet établissement sur la Grand-Place. Nous déménageons bientôt vers une plus grande surface."
La société cartonne mais n’est que la partie visible du boulot abattu par les frères. "Nous vendons, depuis, notre café et nos produits à une trentaine de professionnels. Et nous débarquons en grandes surfaces avec nos capsules type Nespresso. Une liqueur est également en cours de développement."
Difficile de ne pas qualifier le projet de réussite. "Nous faisons pourtant des erreurs spécifiques. Simon et moi avons été éduqués à toujours réfléchir avant de réagir, à ne jamais prendre une décision à chaud. Cela a aidé Simon dans sa carrière mais cela ne nous empêche pas de commettre des bourdes au quotidien."
Pour éviter tout souci, les frangins se parlent sans cesse. "Cinq à six fois par jour. Simon est parfaitement capable de s’entraîner comme un pro et de penser directement à notre entreprise par la suite. Puis, il y a tellement de choses à prendre en considération que j’ai besoin de lui. Il est très bon pour comprendre les besoins des clients. Comme je suis dans le travail quotidien et lui non, il peut avoir une vue plus globale. Et croyez-moi, c’est un businessman qui ne laisse pas parler ses émotions."
Par choix, ils ont décidé de constituer une équipe restreinte. Ils en sont d’ailleurs les seuls décideurs. "Il me fait, en cela, penser à Vincent Kompany. On bosse main dans la main sans que personne n’interfère. Ni gérant, ni agent. Nous avons le destin de la boîte en main et s’il nous échappe, c’est de notre faute. On assumera. Parfois je fais des concessions, parfois c’est lui."
Ils se sont librement inspirés de l’univers du football dans leur approche de la vie d’entreprise. Chaque nouvelle situation est une occasion d’apprendre. "On se loupe, on passe à autre chose et on finit par réussir. C’est clairement comme ça que pense Simon quand il a eu un moins bon match. Il parvient à faire la part des choses. Son expérience dans un monde aussi intense que le football nous aide énormément à penser de la sorte : toujours aller de l’avant et tendre vers le sommet."
Ils ont également appris à oser. Parfois en pressant un peu les choses. "Le background de Simon est une aide en cela. Il a un Master en Sciences politiques qui lui a façonné la tête. Il pense plus loin et comprend plus facilement certaines situations. Il évalue puis décide. Sans ce cursus, je ne dis pas que cela aurait été impossible mais cela aurait été plus difficile."
À la KUL, Simon Mignolet n’avait pas en tête la possibilité d’un projet comme Twenty Two Coffee. Il pensait surtout à protéger ses arrières, juste au cas où. Il s’est d’ailleurs accroché pour finir son cursus alors qu’il venait d’arriver en Premier League. "Les études ont toujours primé chez nous. Puis, cela aurait été dommage de gâcher un potentiel comme le sien."
“Pas de retour à la Kompany”
Le futur de Simon Mignolet est flou et clair à la fois. Clair, car il ne sera plus à Liverpool l’année prochaine. Flou, car il ne sait pas encore si les Reds vont collaborer ni où il pourra se recaser. “Il veut jouer et doit changer de club pour cela”, explique Wouter Mignolet, son grand frère. “Liverpool aura besoin d’un bon numéro 2. Ils en ont un, Simon, et ils devront trouver un remplaçant. C’est difficile.” L’Angleterre reste la destination privilégiée mais Mignolet est ouvert à d’autres projets. Malheureusement pas en Belgique. “Ce n’est pas réaliste pour l’instant et aucun plan n’est défini. Un retour à Saint-Trond ? Tout dépend des conditions, du niveau et de qui est le patron.”
Quand il reviendra en Belgique, ce ne sera pas dans un double rôle. “Il ne sera pas joueur/entraîneur comme Kompany. Il a l’ambition de rester dans le monde du football mais plutôt comme entraîneur, directeur sportif ou même dans un rôle à la fédération.”
“S’il y a un souci avec Alisson, il fera le boulot”
Wouter Mignolet n’ira pas à Madrid pour soutenir son petit frère. Une question de timing liée à la gestion de l’affaire familiale. À quelques jours de la finale de Champions League, il est apparu très détendu. “S’il avait joué, il y aurait eu plus de tension dans mon chef. Je reste très fier de lui, même s’il n’est pas sur le terrain. Je sais à quel point il bosse au quotidien. S’il y a un souci avec Alisson, il fera le boulot sans souci. C’est un vrai pro.” Simon est aussi relax que son grand frère. “Il n’est pas stressé, il est habitué à ce genre de pression. Il sait qu’il a poussé Alisson vers le haut et à tirer le maximum de son potentiel. Si Liverpool gagne, ce sera aussi son trophée. Il aurait voulu jouer mais cette année a été plus facile à accepter que la précédente. Il est face au meilleur gardien du monde pour le moment.”
C’était plus compliqué quand Karius était entre les perches. “Je l’avais souvent au téléphone. Il en avait besoin. Karius n’était pas meilleur que lui et pour une personne logique comme Simon, c’était difficile à avaler. Il a vécu la pire saison de sa vie.”
“Je frappais 30 fois et rien ne rentrait”
Entre les pommiers, leur maison, le terrain de leur coin et le Stayenveld, Wouter et Simon Mignolet ont vécu une enfance tranquille, saine et équilibrée. Des années passées entre l’école et le terrain de football du coin. Deux branches dans lesquelles les deux frères brillaient. “Lui plus que moi”, précise Wouter, le grand frère. “Simon était du genre à retenir sa leçon en la lisant une fois. Moi, je devais l’étudier trois ou quatre fois. On dit souvent qu’il est la tête et moi les mains.”
Aussi différents soient-ils (“Croyez-le ou non, Simon était le gamin énergique et moi le calme. Ça a changé”), les deux frères se sont toujours entendus. “Nous étions proches mais, comme pour beaucoup de fratries, nos parcours nous ont séparés. Le football, les études, ça laisse moins de temps. Depuis que nous avons lancé notre entreprise à deux, nous nous sommes à nouveau rapproché. C’est un des bonus du projet.”
Wouter Mignolet s’est constitué une madeleine de Proust quotidienne en construisant sa maison. “Elle est située à côté de celles de nos parents, dans laquelle nous avons grandi”, sourit-il. “Je peux vous assurer que les souvenirs affluent quand je pense à tout ce qu’on a vécu ensemble. Surtout au terrain qu’on avait près de chez nous.”
Deux enfants , un ballon rond et un but. Les soirées se résument facilement chez les frangins Mignolet. Avec une habitude tenace : coller Simon dans les cages. “Je suis le plus âgé, il faut quelqu’un au but. Donc voilà…”, plaisante Wouter. “Il n’était pas encore gardien mais il aimait aussi jouer au goal. Je dois dire que ça m’arrangeait bien vu que j’étais médian en club.”
Même s’il ne tire pas la couverture à lui, Wouter a participé à l’apprentissage de Simon en tant que gardien. À coups de ballon frappé à toute puissance dans le but, il a inlassablement entraîné les qualités de son frère.
“Et je vous jure que, parfois, j’avais beau frapper 30 fois de suite, rien ne rentrait. Je me demandais si j’étais nul. J’ai quand même évolué en D2 donc je ne suis pas le plus mauvais. Simon était juste phénoménal et je ne m’en rendais pas compte. Il devait avoir 10 ans à l’époque. Nous ne pensions pas plus loin que nos parties ensemble. Nous avons d’ailleurs joué très tard, il était presque déjà en A à Saint-Trond.”