Jan Mulder, consultant n°1 en Flandre: "Eden Hazard, c’est de la musique"
Interview exclusive de l’icône néerlandaise Jan Mulder, consultant n° 1 en Flandre.
- Publié le 16-10-2018 à 07h49
- Mis à jour le 17-10-2018 à 08h33
Interview exclusive de l’icône néerlandaise Jan Mulder, consultant n° 1 en Flandre. Lié par un contrat d’exclusivité avec un quotidien néerlandophone, Jan Mulder (73 ans) ne s’était plus exprimé pendant plusieurs années dans des journaux francophones. À l’occasion de Belgique - Pays-Bas, il a refait une partie de son retard.
"Parce que je suis un grand amateur de la Belgique… AVEC la Wallonie ! Vraiment, je ne comprends pas les flamingants !", nous lance-t-il au début de notre longue interview dans son luxueux hôtel bruxellois, en plein centre de Bruxelles.
D’où vient votre amour de la Wallonie, Jan ?
"Dinant, Charleroi, les Ardennes, Liège : magnifiques ! J’aimais l’accent liégeois. Et Le Standard… Il a toujours été le grand ennemi d’Anderlecht, mais j’adorais jouer dans ce stade, devant son public… horrible. Ça, c’était du football (Il a joué à Anderlecht de 1965 à 1972) ! Et ses défenseurs. Jeck, Beurlet... Et surtout Louis Pilot. Il vit encore ? (Il est décédé en 2016) C’était un homme séduisant en dehors du terrain. Mais sur celui-ci… il jouait pour te blesser. Et à cette époque, les cartes jaunes et rouges n’existaient pas encore."
Parlons de ce Belgique - Pays-Bas.
"Je suis content qu’ils se rencontrent. Vous savez pourquoi ? Je veux voir la différence de classe (L’interview a eu lieu avant le 3-0 contre l’Allemagne) . La Belgique est tant de fois meilleure. Quel bonheur d’avoir pu savourer cette équipe avant que je ne meurs. Vous êtes numéro 1 au monde. Tout cela grâce à Hazard !"
C’est clairement votre préféré.
"Hazard… c’est de la musique. Il doit au moins terminer dans le Top 3 du Ballon d’or. Ma-gni-fi-que. Paul Van Himst est le plus grand joueur belge de tous les temps parce qu’il est plus iconique. Mais Hazard est le meilleur. Quel délice pour les yeux. Il tourne toujours du bon côté. Et sa technique ! Pour un gars pareil, je me déplace au stade ! Et depuis peu, il a découvert le sens du but. Grâce à ce Sarri."
Il en a déjà sept en Premier League.
"Bravo, Sarri. Il donne de la liberté à Eden. Conte et Mourinho, bah...ils le limitaient. Et Hazard, le chou, il acceptait tout. Mais il s’amuse plus maintenant, croyez-moi ! Il n’est pas rancunier de ne pas avoir pu aller à Madrid."
Qui est votre numéro 2 ?
"Disons De Bruyne. Il joue plus loin du but que Hazard, c’est le régisseur. Il est plus fort physiquement. Pour être le meilleur en Angleterre, il faut le faire. C’est un compliment pour la Belgique. Je suis jaloux d’eux."
Vous auriez eu le niveau pour la Premier League actuelle ?
"Bien sûr (rires) ! Rensenbrink, par exemple, se serait adapté au foot anglais contemporain. Il avait un long dribble comme Sane de Manchester City."
Lukaku s’est de nouveau fait critiquer après son match contre Valence.
"C’est un attaquant phénoménal ! Regardez ses stats. Je le sais : il est moins élégant qu’un Hazard, surtout quand il ne marque pas. À ce moment-là, il donne l’impression d’être trop lourd et maladroit. Il est plus un tank et il fait de temps en temps une petite faute technique. Mais ne le sous-estimez pas. Il est même utile dans les petits espaces. Et il a l’œil. Je l’admire ! Pardonnez-lui ses petites erreurs ! Ne doutez plus jamais de lui !"
Vous qui connaissez la Bundesliga : Witsel s’y adapte bien.
"Dortmund - Augsbourg, son dernier match en championnat, était le plus beau match de l’année. Il a donné une passe en profondeur… woow ! Mais il ne peut pas assez le montrer en équipe nationale. Il joue plus vers l’avant à Dortmund."
Un Diable qui éprouve du mal cette saison, c’est Tielemans.
"Oui ! Quelle mauvaise équipe, Monaco ! Il était bon à la Coupe du Monde. Mais il prend l’eau avec son équipe. Pas de panique : quand Tielemans n’est pas en forme, vous avez plusieurs joueurs en équipe nationale pour le remplacer."
Les Pays-Bas sont-ils jaloux ?
"Non. Nous sommes admiratifs. Il fut une époque où c’était l’inverse. Vous admiriez les Néerlandais, vu la renommée de Cruijff, Van Basten et Gullit. Et donc vous vous donniez à fond contre les Pays-Bas. Ici, je m’attends à une équipe néerlandaise déchaînée. Ce ne sera donc peut-être pas si facile que cela pour vous. Ce ne sera pas un match amical. Je dis 2-0."
Quel international néerlandais aurait sa place en équipe nationale belge ? Van Dijk de Liverpool ?
"Même pas. Vous êtes meilleurs à tous les niveaux. Ma réponse est donc et mettez-le en grandes lettres : PERSONNE. N’est-ce pas une bonne réponse pour terminer cet article ?"
On n’oserait pas contredire un grand écrivain comme vous…
“Une offre du Real via Marcel De Leener”
Souvenirs, souvenirs… Mulder a joué un seul Belgique – Pays-Bas : “Cette hostilité des Anderlechtois comme Hanon…”
Mulder a joué cinq matches en équipe nationale, dont un Belgique – Pays-Bas, en 1967. “Au Bosuil de l’Antwerp, sur un très mauvais terrain”, poursuit-il. “1-0 pour la Belgique, un but de Wilfried Puis. C’était un match amical, mais le derby des Plats Pays attirait la grande foule. C’était en 1967 ? Il y a 51 ans ! Mon Dieu, je suis vieux…”
Mulder se souvient encore de l’ambiance qui régnait autour de ce match. “Mes coéquipiers d’Anderlecht se comportaient de façon très hostile et agressive envers moi (rires) . Il y en avait cinq : Heylens, Hanon, Jurion, Van Himst et Puis. La Belgique voulait plus gagner que nous, pour l’honneur de la Nation. Lors de notre retour à Anderlecht, une sorte de réconciliation avait été organisée. J’ai gardé des photos de Puis et moi qui nous serrons la main.”
lors de cette même année 1967, Mulder a failli réaliser son rêve d’enfant. “J’aurais pu signer au Real Madrid. Je suis jaloux de Thibaut Courtois, qu’il porte les couleurs de Madrid.”
Là-dessus, Mulder nous raconte une anecdote qui nous était inconnue. “Le deal s’était presque fait via un de vos prédécesseurs, Marcel De Leener (décédé en 2007 à 83 ans). Il était rédacteur en chef du journal Les Sports (avant la fusion avec La Dernière Heure) et s’est ensuite occupé de l’hippisme. Il était l’ami d’un certain Dominguez, le secrétaire général du Real. Mais les frontières étaient fermées. L’Espagne et l’Italie n’acceptaient pas de transferts de joueurs étrangers à cette époque.”
Mulder y ajoute une anecdote impliquant le grand rival de Madrid : Barcelone. “J’ai aussi eu des propositions du Barça, à l’époque où Rinus Michels y était entraîneur. Michels m’a envoyé des lettres et m’a passé des coups de fil. J’ai encore ces lettres à la maison... Mais le Barça ne me disait pas grand-chose. C’était la province. J’ai fait traîner les choses. Je voulais aller à Madrid (rires).”
Michels a insisté plusieurs fois. “Il était confronté au même problème : les frontières étaient fermées pour les joueurs étrangers. Dans ses lettres, il écrivait : ‘Sois patient ! Les frontières vont se rouvrir !’ Puis ils ont pris Cruyff. J’étais le premier choix, Cruyff le second (il éclate de rire).”
“La Nations League, un grand commerce”
Comme Meunier et Witsel, Mulder n’est pas un grand fan de la Nations League. “Je n’y comprends pas grand-chose. Mais ce qui m’irrite le plus : c’est encore une compétition supplémentaire. Je n’ai pas pitié des joueurs, vu qu’ils gagnent assez d’argent. Mais ils sont pressés comme des citrons. C’est un grand commerce. Les plus grands joueurs de tennis ont le même problème. Il y a 16.000 tournois par an.”
Mulder craint le pire pour les corps des joueurs. “Moi, j’étais fatigué après une saison et on ne jouait que 40 matches. Maintenant, ils en jouent 60 ou 70 et l’intensité est beaucoup plus élevée. Il faudrait un peu soulager les joueurs.”
En tant qu’ex-attaquant, Mulder a eu beaucoup de coups de pied. “Je ne suis plus capable de faire du sport. Mais je travaille dans mon jardin, à Groningue, je me promène, je nage, je roule à vélo et je fais attention à ce que je mange. C’est pour cela que je ne prends pas trop de poids.”
Il ne ressemble en tout cas pas à un homme de 73 ans. “Si !, s’exclame-t-il en nous remerciant. Je prépare une série télévisée sur la vie éternelle. J’ai subi des tests. Mon envie de vivre est celle d’un homme de 40 ans, ma force musculaire d’un homme de 35 ans. Mais je marche comme un type de 80 ans ! À cause du foot !”