Gérard Linard: "Il faudra le pactole pour débaucher Martinez"
Interview exclusive avec Gérard Linard, le président de l’Union belge : "Je rêve de la finale"
- Publié le 26-06-2018 à 07h31
- Mis à jour le 26-06-2018 à 12h43
Interview exclusive avec Gérard Linard, le président de l’Union belge : "Je rêve de la finale".
Cela faisait longtemps que Gérard Linard avait promis une longue interview à La DH. Entre la belle victoire contre la Tunisie et le match pour la première (ou faut-il dire deuxième ?) place contre l’Angleterre, le président de la Fédération nous a invités dans son hôtel à Moscou.Pendant notre entrevue, sa charmante épouse, Thérèse, prépare les valises, parce que Linard fait des allers-retours entre Bruxelles et la Russie pour les matches de ses Diables.
Président, le pays rêve de la finale.
"Il faudra de la chance, notamment au niveau des blessures. Mais moi, je rêve depuis le début de la finale. On a la chance de rassembler tous de bons joueurs en même temps. C’est une génération dorée que je compare à celle des Pays-Bas qui ont joué la finale en 1974."
Et un coach qui semble être l’homme idéal pour ce groupe.
"Quand je l’ai félicité après le match, il a répondu : ‘Oui, mais il y a encore des choses à corriger.’ Je pense qu’il faisait surtout allusion aux deux buts encaissés, même si on a levé le pied sur le second. Il a tout, cet homme. C’est un gentleman, mais aussi quelqu’un qui connaît la musique. Il est imprégné de football. Et quel bosseur ! S’il n’est pas à Tubize, il est au siège de la Fédération à Bruxelles. Ou il fait une conférence avec des entraîneurs de jeunes. Lui et son adjoint Graeme Jones sont des perfectionnistes."
Pas peur de perdre Martinez si vous allez en finale ?
"C’est pour cela qu’on l’a fait signer avant le Mondial . On a voulu lui donner un signe de confiance. Et un signe aux joueurs pour qu’ils sachent : ‘On a un chef en qui on croit, suivez-le.’ "
The Sun le cite comme un candidat au poste de coach de l’Espagne.
"On n’a encore rien entendu. Et je n’ai pas peur de cela. J’ai confiance en lui. Il va respecter sa parole. Comme nous respecterons la nôtre. Mais je sais bien que s’il arrive en finale, on va lui proposer un pont en or."
Vous le lâcherez ?
"Il faudrait déjà qu’on mette un pactole qu’on ne peut pas refuser."
Il a une clause de départ dans son contrat ?
"J’ai signé le contrat, mais je ne l’ai pas lu attentivement. (Il nous fait un clin d’œil) Je ne pourrais pas vous le dire."
Il est mieux vu par les joueurs que son prédécesseur.
"Très certainement. Mais je ne vais pas épiloguer là-dessus. (petit sourire) ."
Il paraît que Wilmots est fâché contre vous pour une interview que vous avez donnée au Nieuwsblad .
"Je n’ai pas dit que Wilmots était un voleur ou un tricheur. J’ai dit qu’il est plus limité que Martinez. Et Philippe Collin avait dit avant moi que Wilmots se prenait pour Dieu. C’est tout. À part cela, cela reste un brave type."
Vous lui en vouliez parce qu’il refusait de loger à Tubize.
"Cela m’est resté à travers la gorge, oui. Demandez à n’importe quel joueur s’il se plaît bien à Tubize. Ils sortent de l’hôtel et sont sur le terrain d’entraînement. Ils ont tout ce qui leur faut. Leur salle médicale et de remise en forme dispose de toutes les machines. Ce n’est pas au Crowne Plaza qu’ils avaient cela. Tubize n’a rien à envier à Clairefontaine (NdlR : le centre de la France) quand je l’ai vu il y a quelques années."
Et il critiquait les prix des tickets.
"Cela ne le regardait pas. Martinez, lui, conseille mais n’exige rien qui ne concerne pas l’équipe première."
"Un combat de frustrés"
Linard n’a pas démissionné malgré la tentative de putsch des amateurs flamands
Peu après le début de la Coupe du Monde, Linard s’est retrouvé dans l’œil du cyclone à la Fédération. À l’initiative de onze clubs amateurs flamands, une majorité de 62 % de l’Assemblée générale avait voté contre la dérogation accordée à Linard pour qu’il reste en poste jusqu’en 2019 alors qu’il est âgé de 75 ans, l’âge limite. Linard a refusé de jeter l’éponge.
Pour la première fois, il s’exprime à ce sujet. "C’est un combat d’arrière-garde de frustrés. J’insiste sur le fait que je n’étais pas demandeur pour rester président ! Mais deux responsables commerciaux sont partis, plus le CEO . 14 membres sur 22 du Comité exécutif ont demandé à ce que je continue comme président. Il y en a qui n’ont pas accepté. Je pense qu’il y en a un qui espérait prendre ma place. Je ne vais pas citer son nom… Il suffit de lire dans les journaux flamands que ‘les Limbourgeois m’ont fait vaciller…’ "
Entre-temps, le calme est revenu. Et Linard était même dans l’avion avec ses adversaires. "Ils m’ont serré la main comme si de rien n’était. Ils disent que leur acte n’était pas dirigé contre ma personne. C’est difficile à croire."
Les anti-Linard étaient représentés par l’avocat Geert Lambeets, beau-frère de Marc Wilmots. S’agissait-il d’une revanche de Wilmots sur sa personne, vu ses critiques dans les médias ? Linard : "Je n’ai pas pensé à cela. Je m’en fous que ce soit son beau-frère. Il a fait son métier. Ils l’ont payé pour faire cela. Ils étaient en tout cas bien préparés. Ce n’était pas mon cas; je venais d’un congrès de la FIFA."
Linard n’a pas songé à démissionner, mais la tentative de putsch ne lui a pas fait plaisir. "Cela a donné une mauvaise image de la Fédération. L’Union belge a un budget de 50 millions, ce n’est pas rien. Il faut moderniser et professionnaliser. Mais tant que j’ai des poids lourds attachés aux pieds, ce sera difficile d’avancer. Je n’admets pas qu’on n’ait pas travaillé en collégialité. Dans une société normale, c’est impensable."
Malgré son âge, Linard travaille encore comme un fou. "Je fais au moins quatre fois 240 kilomètres entre Momignies et Bruxelles en aller et retour par semaine. Le mercredi et le week-end, je travaille de chez moi, pour faire le point. Et mes cours de néerlandais ? Quand on m’a demandé de combiner le poste de CEO avec celui de président, j’ai arrêté. Je n’avais plus le temps. J’ai une vie de famille, aussi…"
"Gagner la finale ? Moins de 5 millions de bénéfice"
Linard est un homme de chiffres. La Fédération peut faire une belle affaire financière lors du Mondial, mais il ne faut pas s’attendre à un incroyable jackpot. “Si on passe les huitièmes, on aura 3 millions de bénéfice”, confirme-t-il. “Si on est champions du monde, il nous restera moins de 5 millions. Il faut payer un tas de choses : l’hôtel, les avions, les primes… Les primes augmentent au fur et à mesure qu’on passe des tours. Dans ce système, il y a moins de fixe et plus de primes.”
On le sait : Dries Mertens et Toby Alderweireld n’ont pas signé l’accord concernant le droit à l’image. “Pour Alderweireld, c’était un détail. Je n’ai plus suivi ce dossier. Il va rentrer dans l’ordre. Mais les discussions avec tous les agents individuels étaient parfois chiantes.”
"Thomas Meunier me fait la bise"
Malgré la cinquantaine d’années de différence, Gérard Linard ressent de la sympathie de la part des Diables. “Thomas Meunier me fait la bise, dit-il. Qu’est-ce qu’il était bon samedi ! Carrasco et les deux Hazard sont facilement accessibles. Thorgan est vraiment très sympa. Ce sont des gars bien éduqués. Wistel, aussi, est très bien. Fellaini est très gentil, mais il ne va pas aller au contact. Il est plus introverti. Et les Flamands ? Vertonghen est aussi chouette. À Bordeaux, il était fier de me montrer sa jolie petite fille. Eden est aussi fort attaché à sa famille. Son épouse et leurs trois marmots étaient à l’hôtel. Ces deux nuits pour les familles n’ont pas coûté grand-chose à la Fédé . Ils ont mérité ce cadeau. S’ils n’avaient pas été qualifiés, cela aurait été autre chose (rires).”
"Le prince Gabriel adore Batshuayi"
Linard a suivi le match aux côtés du prince Gabriel, le fils aîné du roi Philippe. “Il m’a demandé beaucoup de renseignements. On sent qu’il connaît le foot, et il se documente beaucoup. Son préféré ? Je crois que c’est Batshuayi.”
Linard n’a pas accompagné le Roi dans le vestiaire. “Je n’aime pas aller dans le vestiaire. Je les laisse tranquilles par principe. J’ai dirigé le club de Couvin-Mariembourg, en Promotion à cette époque. En neuf ans, je suis allé une seule fois dans le vestiaire pour régler un problème. On paie un entraîneur pour qu’il soit maître de ses joueurs et pour réorienter la tactique. Je lui fous la paix.”
Au lieu de cela, Linard s’est entretenu avec le président de la FIFA, Gianni Infantino. “Pendant une vingtaine de minutes. Je lui ai notamment dit que la trouvaille de la Fan ID était vraiment chouette.”