En route pour l’Euro U21 avec Isaac Mbenza : “Les gens savent que je peux être un leader”
Au fil de ses performances, Isaac Mbenza en est devenu un chez les Espoirs.
- Publié le 14-06-2019 à 06h47
- Mis à jour le 14-06-2019 à 09h21
Au fil de ses performances, Isaac Mbenza en est devenu un chez les Espoirs. Depuis le début de la préparation, lui, peut-être encore plus qu’un autre semble investi d’une mission. Qui rime avec ambition. "On vient à l’Euro pour aller le plus loin possible. Pas juste se dire qu’on se qualifie pour les demies et qu’on va aux JO. Non. Si on peut gagner, on gagne. On n’a pas fait tout cela pour juste y figurer", explique Isaac Mbenza, déterminé. "On est arrivé à un tournant de notre carrière. Personne n’a signé au Real Madrid, à Manchester United avec tout le respect que j’ai pour nos clubs actuels. Si on veut atteindre ce niveau en club et espérer les ‘A’, il faut faire un bon Euro. Montrer de quoi on est capable. Si on prend cela en considération, on peut aller loin."
Lui est en tout cas prêt à jouer les guides et assumer ce rôle de patron dont il a été beaucoup question lors de notre rencontre.
Vous allez devoir y arriver sans Zinho Vanheusden, Landry Dimata et Jordi Vanlerberghe. Ce sont des coups durs…
"C’est embêtant. Très embêtant. Landry, c’est comme mon frère. C’est quelqu’un que je connais depuis 10 ou 11 ans. Zinho aussi, c’est un petit frère. Ils nous ont aidés à nous qualifier et qu’ils manquent la compétition, c’est chiant. À nous de leur rendre hommage. Landry, on oublie qu’il est jeune. Zinho, n’en parlons pas. Il vient de passer son permis je crois (rires) . Ils n’ont pas fait tout cela pour qu’on se ridiculise à l’Euro. Et Jordi, lui, vient de partir."
L’absence de Landry vous coûte en but mais aussi en leadership…
"Oui, on a perdu un leader. Un buteur. Un compétiteur qui motive les troupes. Comme je peux le faire ou d’autres. C’est une grande perte dans la vie du groupe parce qu’il fait vivre le groupe. C’est embêtant."
Vous évoquez ce rôle de leader. En échangeant avec le staff et vos coéquipiers, votre nom revient très souvent pour évoquer cette charge. Comment êtes-vous devenus l’un des leaders de cette équipe ?
"C’est venu avec le temps. Je n’ai jamais été un leader avant. On m’a pourtant dit que j’ai l’étoffe d’un leader parce que je sais parler, je sais encourager. Mais être leader, il faut d’abord le montrer sur le terrain avant de le revendiquer dans le vestiaire ou ailleurs. Je déteste les gens qui parlent mais qui ne font rien sur le terrain. Quand tu montres sur le terrain, j’estime que c’est là que tu peux commencer à dire les choses aux gens, à discuter. Sans prétention, j’estime que j’ai montré que j’avais le niveau pour être titulaire et un leader. C’est pour cela que je me permets de dire les choses aux joueurs. Tu ne te dis pas, cette année, je vais être un leader."
Parce qu’on ne se décrète pas leader…
"Non, tu le deviens. Tu ne te dis pas que tu peux être leader parce que tu es grand ou que tu cries. Ce sont les gens qui font de toi un leader. En te demandant des conseils. En te parlant. Et là, quand on te pose des questions, tu te dis qu’il faut y répondre correctement. Souvent, des joueurs me demandent de parler au coach par exemple. Ils savent que je peux être un leader et il faut que je l’accepte. Il faut le faire."
Votre cheminement a-t-il d’abord été celui d’un leader technique devenu leader de vie ?
"Il faut d’abord être un leader dans le jeu pour être un leader dans la vie du groupe au quotidien. À partir du moment où je pense avoir montré que j’étais un leader technique, j’ai commencé à prendre ce rôle naturellement. Cela ne se force pas. Tu n’es pas un leader, tu ne le seras pas, c’est tout. Des joueurs font une grande carrière sans en être. Chez nous, Siebe fait partie des leaders mais d’autres prennent la parole aussi. Quand Landry était là, il parlait. Moi aussi. Il y a un capitaine mais des leaders."
Quelle est votre définition de la fonction ?
"Prendre la parole, crier, engueuler, dire les choses, encourager, féliciter au bon moment. Prendre les choses sur le terrain et en dehors, au bon moment, en fait. Il ne faut pas que parler, il faut montrer. Si un leader commence à ne plus défendre, demande aux autres de le faire et ne le fait pas lui, c’est quelqu’un qui parle pour parler. Cela ne marche pas. Fais d’abord les choses toi-même et ensuite tu peux te permettre de parler aux autres."
Le bon souvenir : “Ce but vaut un trophée”
Isaac Mbenza n’a marqué qu’une fois cette saison. Mais son but lors de l’avant-dernière journée contre Manchester United à un moment où Huddersfield était déjà relégué a privé les Red Devils de la Ligue des champions. “Il leur coûte cher, c’est vrai. Niveau financier et compétition. Il fallait me recruter, peut-être que je n’aurais pas marqué contre eux”, s’amuse le joueur élu ce jour-là homme du match. “Le trophée est chez moi, sur la table de chevet. Quand je me lève le matin, je le vois”, relate l’ailier, qui a martyrisé le poteau de corner après son but. “Toute la frustration est alors sortie. Tu sais que tu as le potentiel pour marquer, le talent pour marquer. Mais quand tu ne marques pas, tu commences à te poser mille et une questions, à être frustré, à t’énerver pour rien, que ce soit à l’entraînement ou quand tu rentres à la maison. Tu t’en prends aux gens qui sont là pour toi, à toi-même. Mais ce but vaut toute une année. Il vaut un trophée carrément. C’est un rêve de gosse. Tu regardes les matchs devant ta télé après ton tournoi quand tu es enfant ou ton petit match à 8 h 30. Quand tu vois tous ces joueurs marquer et que toi, tu marques contre Manchester United, c’est quelque chose de grand. J’étais en Arabie saoudite cinq jours ; on m’a reconnu là-bas. C’est là que tu vois la grandeur du truc.”
“Pourquoi je l’ai écouté?”
Le Diablotin avoue avoir douté. Mais a très vite avancé. Un peu comme sur le terrain, Isaac Mbenza est du genre cash. L’attaquant l’a prouvé au moment de se retourner sur sa saison à Huddersfield, marquée par une relégation en Championship, où il a compilé 24 apparitions, avec une petite moitié de titularisation, un petit but et une passe décisive. “C’est mauvais, au niveau des chiffres, mauvais” , répète-t-il. “Je pouvais faire mieux, j’aurais dû faire mieux. Après, ma blessure m’a stoppé dans mon élan surtout que j’étais bien à ce moment-là. Au niveau du contenu, cela a été, surtout à la fin.” Quelle a été la nature exacte de votre blessure ?
“En janvier, j’ai eu une déchirure de 2,5 centimètres. J’ai repris les entraînements au bout de 10 jours, je ne sentais plus rien. J’ai fait les tests à fond, je sprintais. Rien. On joue contre Chelsea, chez eux le 2 février. Et au bout de 15, 18 minutes, je fais un mouvement et là, ça claque. Six ou sept centimètres. À partir de ce moment-là, j’ai été arrêté six semaines. Je suis rentré en Belgique pour me faire soigner dix jours et cela m’a stoppé dans mon élan.”
Vous avez aussi dû digérer le passage de la France à l’Angleterre en arrivant dans un autre monde…
“Il y a eu un peu de tout cela. Le coach Wagner avait une idée en me recrutant. On était d’accord là-dessus. Mais la situation a été compliquée pour lui, la défense était fébrile. Il est passé à cinq derrière et a enlevé un attaquant. Cela m’a handicapé un peu. Je sais que ce n’est pas de sa faute, il aurait voulu que cela se déroule autrement, il ne m’avait pas recruté pour rien à 15 millions d’euros pour me mettre de côté. C’est le foot, on ne peut rien prévoir.”
Et certainement pas cette relégation après une première saison tranquille pour l’équipe dans l’élite…
“Ils avaient terminé sur de bons matchs, en dérangeant beaucoup d’équipes. Là, cette année, on n’a pas eu un match facile. Pas une victoire facile. Contrairement à l’an passé. Cela a été plus que compliqué avec une équipe fébrile, une défense fébrile, des attaquants qui n’étaient pas en confiance. Et cela devient compliqué.”
Vous, les attaquants, avez été pointés du doigt. L’équipe n’a marqué que 22 buts, le plus petit total des cinq grands championnats…
“C’est normal. On est là pour cela : marquer, être décisif. Quand on ne l’est pas, c’est normal. Les supporters ont commencé à râler mais ils ont été super patients. Ils ont râlé bien après… C’était compliqué. Au-delà de cela, ils étaient toujours là pour nous encourager.”
Vous aviez déjà vécu une telle saison ?
“Je n’avais jamais vécu une saison si compliquée. La plus facile, c’était avec Montpellier. Cette saison-là était vraiment, vraiment compliquée. Je n’étais jamais descendu. C’était long, épuisant moralement et physiquement. Mais j’ai beaucoup appris. Surtout qu’il ne faut pas lâcher. J’ai eu ma blessure, je n’ai pas marqué. C’était long. Vraiment. J’ai grandi mentalement.”
Montpellier, votre ancien club, a joué l’Europe. Aucun regret d’être parti ?
“Ce qu’il s’est passé pour eux, c’est bien. J’aurais pu rester. Je ne me suis demandé si je n’aurais pas dû aller ailleurs tout au début. Je ne vais pas mentir. Je me suis dit : ‘Pourquoi je l’ai écouté ?’(le coach). Mais en avançant, en réfléchissant, j’ai vu que ce n’était pas de sa faute. Il ne voulait pas que cela se passe comme cela.”
La perspective de jouer cet Euro a dû être importante pour ne pas baisser les bras…
“Cela a été ma source de motivation. Certains sont là toute l’année quand c’est compliqué. J’ai eu la chance de pouvoir couper et venir en sélection pour prendre le goût de la victoire, des buts et de la passe décisive. Tu te dis juste que la saison est longue, finit là mais à la fin, il y a cet Euro.”
“Le groupe est plus important que le talent"
Sur le papier, les Diablotins n’ont pas les ressources de l’Italie ou l’Espagne par exemple. Le staff fait passer le message : la solution sera collective ou ne sera pas. “Cela passera par là. C’est très, très simple. L’Ajax, Tottenham, Liverpool : ces trois équipes ont montré que le talent ne fait pas tout et que le groupe est plus important que le talent. Liverpool a su gagner 4-0 contre le Barça, l’Ajax a sorti le Real et la Juventus, Tottenham a su renverser l’Ajax et éliminer Manchester City”, rappelle l’ailier. “On sait très bien que, sur le papier, ces équipes n’étaient pas les meilleures. Le groupe est plus important que le talent. Il en faut. Si on est là, c’est qu’on en a aussi. Peut-être moins que d’autres mais on a un groupe plus que fort. On l’a démontré par moments en Suède ; on ne peut pas les taper 3-0 sans talent.”