Christian Kabasele: "Ma carrière, c'est un conte de Noël!"
Né à Lubumbashi, révélé à Eupen, attaquant devenu défenseur, le Diable de Watford s’est imposé dans le championnat anglais, et rêve maintenant de faire partie du groupe qui disputera la Coupe du Monde en Russie. "Ma carrière, c’est un conte de Noël" dit-il. Il a choisi EXTRA Spoort pour vous en parler, au pied du sapin…
- Publié le 23-12-2017 à 05h00
- Mis à jour le 24-12-2017 à 16h51
Né à Lubumbashi, révélé à Eupen, attaquant devenu défenseur, le Diable de Watford s’est imposé dans le championnat anglais, et rêve maintenant de faire partie du groupe qui disputera la Coupe du Monde en Russie. "Ma carrière, c’est un conte de Noël" dit-il. Il a choisi EXTRA Spoort pour vous en parler, au pied du sapin Le menu s’annonce aussi lourd que peuvent l’être certains repas de Noël. À compter de ce 23 décembre, Watford va enchaîner un déplacement à Brighton, les réceptions de Leicester le mardi 26 et de Swansea le samedi 30, avant, en guise de dessert, un voyage sur le terrain de Manchester City le mardi 2 janvier. Il est de nature à stimuler l’appétit de Christian Kabasele. Au sein de l’une des bonnes surprises de cette première partie de saison, le Diable a pris une nouvelle dimension en enchaînant les prestations convaincantes.
"C’est le meilleur défenseur du championnat" , clame cet enfant à qui le Liégeois vient de donner un autographe. "Il m’a demandé une photo et je me suis arrêté, j’étais dans une école" , sourit l’ancien Genkois qui, sur le chemin du retour vers son domicile, a pris le temps de se plonger dans ses souvenirs de ses fêtes de fin d’année et de son parcours qui ferait une jolie histoire à raconter au coin du feu…
Spontanément, à quoi vous fait penser Noël ?
"À la famille. C’est souvent l’occasion, pas seulement pour moi, mais pour toutes les personnes de se réunir en famille, de profiter d’une bonne soirée, d’un bon repas tous ensemble. C’est ce qui me vient à l’esprit."
Comment se déroulait Noël chez les Kabasele ?
"De manière très simple en fait. Et en même temps, il y avait beaucoup de monde parce que la famille est assez grande. Se retrouver ensemble autour d’un bon repas et passer une bonne partie de la soirée, voire de la nuit, pour pouvoir rattraper le temps que l’on n’a pas passé ensemble dans d’autres périodes."
Quel réveillon vous a marqué plus qu’un autre ?
"Disons que le gros changement, c’est quand j’ai signé à Genk et que j’ai dû la faire très light le 24 au soir. J’ai l’habitude de bien manger, de bien profiter. Mais là, vu qu’on avait match le 26, j’ai dû faire attention à ce que je mangeais et ne pas aller dormir trop tard. C’est le gros changement des dernières années."
La période qui s’annonce apparaît un peu contradictoire avec la vie d’un footballeur de Premier League et ses 4 matches qui vous attendent en 10 jours…
"Avant, on pouvait encore profiter du réveillon du 24 et de la journée du 25 avec la famille et vraiment manger et boire tout ce qu’on voulait. Mais ici, en Angleterre, avec des matches tous les trois jours, on doit plus faire attention. Mais on ne va pas non plus trop se plaindre de cette situation. Ce n’est qu’une période de l’année où c’est comme cela, surtout vu ce que d’autres gens peuvent vivre sur terre et les problèmes qu’ils peuvent avoir. Le fait de ne pas pouvoir profiter de Noël pendant 5 ou 10 années de sa vie n’est pas trop grave."
Votre famille vient quand même vous voir ?
"Maintenant que je suis ici, oui. C’est la seule période où ils viennent passer 5 ou 6 jours avec moi. Cela me fait aussi du bien de pouvoir les voir un peu plus longtemps que d’habitude."
Même si, le soir de Noël, vous serez avec vos partenaires lors de la mise au vert. N’est-ce pas un peu étrange ?
"Quand même. C’est assez spécial de partager un repas avec ses équipiers ce jour-là. Quand on arrive à l’hôtel, qu’on est tous ensemble à table, on n’y pense plus trop. Cela fait partie de notre métier."
Est-ce que les ambiances sont plus festives à ce moment de l’année ?
"En fait, dès le début du mois de décembre, il y a beaucoup plus de musique de Noël dans les stades, on voit plus d’enfants, de bonnet de Noël aussi. L’atmosphère est déjà très impressionnante en dehors des périodes de fêtes, mais là, il y a encore un truc en plus. Une magie supplémentaire. C’est un tout qui fait que l’ambiance est spéciale durant cette période-là."
Le fait d’être papa a-t-il changé votre perception de Noël ?
"J’ai envie de transmettre cette magie de Noël à mon fils qui aura 2 ans en février, pour qu’il puisse profiter de ces moments-là. C’est une bonne occasion de lui offrir des cadeaux... enfin surtout s’il a été sage... euh, plutôt que le père Noël lui offre des cadeaux (rires). C’est important pour ma femme, je l’ai vu quand elle a préparé la Saint-Nicolas. Il y a une envie de partager cette magie avec lui; je n’avais pas forcément ce sentiment quand il n’était pas là. Et là, il commence à se rendre compte des choses. À la Saint-Nicolas, on lui expliquait qu’il devait mettre ses pantoufles pour que le grand saint vienne, et, un soir, sans qu’on ne lui dise rien, il nous a fait comprendre qu’on devait mettre ses pantoufles dehors. Voir ces petites choses-là donne envie de partager."
Justement, Noël est un moment fait de partage, mais aussi de solidarité. Ces valeurs ont-elles encore une place dans le football actuel ?
"C’est compliqué. Pour moi, le foot est un sport individuel joué collectivement. Au final, on essaye tous d’avoir un bon résultat pour que l’équipe puisse briller mais, à la fin de la journée, la première question que l’on se pose quand on sort du terrain c’est : "Est-ce que j’ai fait un bon match ?" au lieu de savoir si l’équipe a gagné ou pas. Ce sont les codes du monde du football : être individualiste, regarder dans son assiette et chercher sa propre réussite. Maintenant, ce n’est pas non plus que dans le monde du football qu’il y a des choses comme cela. C’est dans la vie en général. Mais c’est pire dans le football car il y a beaucoup d’argent."
Vous vous faites à cette réalité ?
"Oui, dans le sens où quand je vois des choses spéciales, je ne suis plus ni étonné, ni surpris. Maintenant, personnellement, je reste le même. Ce n’est pas parce que mon concurrent se blesse que je vais être le premier à être content ou à sauter de joie. Non, je serai le premier à lui parler, à l’aider, à le soutenir. Maintenant, ce n’est pas le cas pour tout le monde. Et c’est très dommage."
Que répondez-vous si l’on compare votre trajectoire à un conte de Noël ?
"Qu’il est clair que mon histoire est et restera incroyable. Déjà de par mon parcours quand j’étais attaquant, se retrouver en Bulgarie à l’âge de 20 ans tout seul, et après cela, revenir en test à Eupen comme attaquant, puis ce changement de position et se retrouver deux ans plus tard à l’Euro comme défenseur avec la Belgique… Jamais je n’aurais imaginé cela. C’est un vrai conte de Noël. Voilà, j’ai été béni et chanceux sur ce coup-là."
Avec, dans le rôle du père Noël, Bartholomé Marquez Lopez qui a fait ce rêve une nuit avant ce match contre Leverkusen où il vous a vu défenseur central…
"Clairement. Si jamais le coach d’Eupen ne me change pas de position, je serai resté attaquant sûrement toute ma vie. C’est l’entraîneur qui a changé ma carrière. C’est grâce à lui que j’ai pu me relancer et donner un second souffle à mon parcous."
À vos débuts, est-ce que vous vous attendiez à aller si haut ? Est-ce que vous avez dépassé vos rêves ?
"J’ai toujours rêvé de jouer en Premier League mais je n’aurais jamais imaginé que cela prenne cette tournure-là. Au fur et à mesure de ma carrière, j’avais un peu perdu cet espoir de jouer au plus haut niveau parce que c’était compliqué pour moi en tant qu’attaquant. Au final, cela restera comme une grande surprise pour moi la carrière que je suis en train de faire."
Surtout qu’elle n’est pas finie…
"On ne sait pas jusqu’où cela peut aller."
L’idée, c’est de ne pas se fixer de limite ?
"Quand on voit mon parcours, ce serait bête de se mettre des limites. Mais je ne vois pas plus loin que le match d’après ou le mercato suivant. Je ne me donne pas d’objectif particulier, je suis bien à Watford. Si je dois rester pour les 5 ou 6 prochaines années ici, je serai content car c’est quand même gros ce que je viens de réussir. Mais, dans le football, on ne sait jamais ce qu’il peut se passer."
"Important de rendre à la vie cette chance que j’ai"
Christian Kabasele est du genre actif sur les réseaux sociaux. Sur Twitter, il n’a pas hésité à dédicacer le but qu’il avait inscrit contre Tottenham au petit Raph, hospitalisé.
"Parce qu’on est chanceux de pouvoir faire le métier, enfin de pouvoir gagner notre vie avec le football" , justifie-t-il. "Au-dessus de cela, le plus important est que tout le monde soit en bonne santé dans ma famille, sans gros problèmes comme ces enfants les connaissent. C’est important de rendre à la vie cette chance que j’ai moi, de donner de mon temps et de sensibiliser les gens à ces enfants qui sont dans les hôpitaux, qui voient les autres partir en vacances, jouer dans la neige quand eux sont cloîtrés dans une chambre. J’essaye surtout de faire comprendre aux gens qu’il y a toujours pire que soi dans la vie et qu’on devrait parfois arrêter de se plaindre pour un oui ou pour un non. Comme le fait de se plaindre de jouer durant les fêtes de fin d’année. C’est un truc que j’essaye de ne pas trop faire, ce n’est rien de grave comparé à tout cela. Cela fait relativiser."
Avec Meunier au royaume des surréalistes
Comme celle de Thomas Meunier, la carrière de Christian Kabasele a tout de la bonne histoire belge teintée de surréalisme. Le Liégeois ne peut qu’approuver la comparaison.
"Quand je pense à Thomas, je me souviens toujours d’un match qu’on a joué avec les U21 en Angleterre. J’étais attaquant et lui était rentré en numéro 10. Quand je vois nos trajectoires respectives maintenant, cela me fait sourire", explique-t-il. "Se retrouver en sélection, encore une fois côte à côte mais à l’autre bout du terrain reste un truc que l’on n’aurait pas imaginé."
Comme disputer, ensemble, le Mondial en Russie ?
Footballeur engagé, buteur enragé
Christian Kabasele est un footballeur engagé. L’ex-étudiant en droit avait fait le buzz en octobre 2015, lorsque, buteur contre le Standard, il avait agrémenté sa célébration en prenant la posture d’un singe. Un acte fort pour répondre à un match à Courtrai où les fans locaux lui avaient jeté des cris de singe à la figure. "Traiter quelqu’un comme un animal est inacceptable. Ce jour-là, j’avais voulu pointer du doigt ces pseudos supporters qui pensent que parce qu’ils ont payé leur place au stade, tout leur est permis."
Le racisme primaire, Christian l’a côtoyé de près, lors de son expérience au PFK Ludogorets Razgrad. "J’ai joué un an en Bulgarie :là-bas, chaque semaine,on m’insultait et on me lançait des bananes."
Le défenseur de Watford s’associe aussi au mouvement actuel qui dénonce l’esclavage des Noirs en Libye. "Une question d’humanité. Personne ne peut accepter cela. Personne ne peut rester indifférent. C’est un devoir de le dénoncer."