Chris Van Puyvelde, DT national: "En trois jours, seul Goethals aurait pu faire un miracle"
Entretien avec Chris Van Puyvelde, directeur technique national. Il défend Martinez et admet un souci de mentalité: "Revoir les primes à la baisse serait un signal fort".
- Publié le 06-09-2016 à 07h06
- Mis à jour le 06-09-2016 à 08h30
Entretien avec Chris Van Puyvelde, directeur technique national. Il défend Martinez et admet un souci de mentalité: "Revoir les primes à la baisse serait un signal fort". Il a observé l’entraînement dans le stade de Nicosie d’un oil attentif et optimiste. Chris Van Puyvelde, directeur technique national, est l’une des trois personnes à avoir choisi Roberto Martinez. Aujourd’hui, il est toujours aussi persuadé d’avoir fait le bon choix. Malgré la cuisante défaite contre l’Espagne.
"N’oublions pas que ce match à Chypre est beaucoup plus important que celui de jeudi. L’Espagne, c’était simplement un moyen pour le staff de découvrir l’équipe. Pour résoudre tous les problèmes des Diables en seulement trois jours, il aurait fallu être un magicien. Et dans le milieu du football belge, il n’y avait qu’un magicien : Raymond Goethals!"
Les supporters sont très déçus, et l’ont fait savoir aux joueurs en les sifflant...
"Je peux comprendre. À l’avenir, on sait que les fans n’auront jamais de problèmes s’ils voient que les Diables se donnent à fond."
Le souci principal est donc bien la mentalité. Comme à l’ Euro ...
"Je ne veux pas parler du passé. Je vois qu’en quatre ans, nous avons très bien travaillé. On a même été premier mondial. Vous vous rendez compte ? Marc Wilmots a fait un bon travail, voilà la vérité. Mais il fallait un vent de fraîcheur."
Quelles sont les leçons à tirer de l’ Euro ?
"Pour moi, c’est très clair. Il faut acquérir une mentalité de vainqueur. Il faut aussi gérer notre génération pour former un vrai groupe. Les joueurs doivent être au centre du projet. C’est à eux de le faire, pas à l’entraîneur."
Ne faudrait-il pas baisser les primes des joueurs ?
"Pour l’instant, on est sur un ancien accord; c’est noir sur blanc. Mais il faut peut-être trouver un meilleur équilibre. Renégocier serait un signal fort envoyé au monde du foot."
En attendant, pourquoi certains Diables ont-ils une bonne mentalité en club et pas toujours en équipe nationale ?
"C’est vraiment à difficile à dire. On est en train de le découvrir maintenant. On va savoir quels joueurs sont capables de se donner à fond et de former une vraie équipe. On a 21 mois pour se qualifier puis pour aller aussi haut que possible en Russie."
Sur le plan plus technico-tactique, que faut-il corriger en priorité chez les Diables ?
"On doit travailler sur la verticalité, la flexibilité. Dans le football moderne, si tu n’es pas flexible, tu vas aux devants de gros problèmes. Car toutes les équipes adaptent et changent leur manière de jouer. On doit être plus surprenant, collectivement mais aussi individuellement. La surprise peut aussi être tactique, en variant la hauteur du bloc. Voilà pour le court terme. On doit évidemment aussi penser au long terme et à ce qu’on veut faire avec les prochaines générations."
Roberto Martinez affirme que les Diables peuvent être champions du monde en 2018...
"Moi, je veux rêver. Pourquoi se priverait-on de viser le plus haut possible ? Ce groupe a d’énormes qualités. Pourquoi tant d’entraîneurs renommés étaient prêts à prendre les Diables en réduisant leur salaire habituel ? Parce qu’ils savent ce dont cette équipe est capable. On a donc le droit de rêver. J’ai vécu aux Pays-Bas et je sais de quoi je parle : nous, Belges, devons être plus chauvins."
"Trouver des backs, c’est un problème"
Dans le secteur défensif des Diables, il y a moins de richesse. Surtout au poste d’arrière d’aile… Une carence liée à la formation. "Former des backs est effectivement un problème", reconnaît Van Puyvelde. "Prenez l’exemple de Georges Grün, un back formidable, qui était… ailier droit chez les jeunes. Et Meunier a joué comme attaquant en D3 ! C’est une question de mentalité : tout le monde veut être attaquant ou médian… Roberto m’a déjà dit qu’il fallait qu’on trouve des backs dans les jeunes ! Surtout que c’est devenu un poste clé dans le football moderne. On doit s’inspirer du joueur qu’avait été… Eric Gerets : un back très offensif, mais qui affichait aussi une mentalité exceptionnelle. Pour résoudre le problème, on doit songer plus vite à repositionner des ailiers un cran plus bas. Cela leur donnera plus de temps pour travailler leur jeu de position."
"La formation belge est déjà à un très haut niveau"
Il n’y a pas que pour les Diables que cela bouge à la Fédération: l’UB va prochainement mettre en place un nouveau plan de travail. Van Puyvelde en est l’un des principaux architectes.
"Notre précédente vision avait été mise en place il y a 12 ans. Les clubs l’ont appliquée et ont amélioré leur façon de travailler avec les jeunes et leurs centres de formation. Les grandes lignes de ce programme étaient de jouer avec les jeunes en zone dans un 4-3-3 et de développer le foot-élites ainsi que le programme pour les entraîneurs. Maintenant, il faudrait accélérer le processus et progresser sur cette base. Le nouveau plan est prêt. Pour construire cette grande maison, on a déjà de très bonnes fondations."
Où se situe le niveau de la formation des jeunes en Belgique ?
"Très haut. Les Néerlandais s’intéressent d’ailleurs à notre manière de travailler. Étant deux petits pays, nous pourrions faire quelque chose d’intéressant ensemble. Nous serions plus forts face aux grands pays."
Même la France, grand pays de formation, a des soucis, car elle forme beaucoup de joueurs grands et costauds. Griezmann a ainsi dû passer par l’Espagne pour percer...
"Deviner ce qu’un joueur va devenir alors qu’il n’a que 16 ans; c’est le plus compliqué. Je connais des gens qui ont travaillé avec Thibaut Courtois à 14 ans. À l’époque, ils ne lui auraient pas prédit le parcours qu’il a connu. Voilà pourquoi il faut sortir sur le terrain, pour découvrir des talents. En Belgique, le multiculturalisme est une chance immense."
Quels sont les plus grands défis de la formation belge aujourd’hui ?
"Moderniser notre manière de jouer, qui doit devenir plus verticale. Notre football doit devenir plus agressif et plus efficace. Il faut aussi habituer plus tôt les joueurs à changer de position. Un autre point majeur, c’est de convaincre les jeunes talents de rester en Belgique et de lancer leur carrière pro pas à pas. Roberto m’a dit: en tant que jeune Belge, aller en Angleterre ne sert à rien ! Car les chances de jouer en équipe première sont très minces. Le souci, c’est que des agents donnent parfois de l’argent aux parents, dont certains deviennent fous... Regardez Matthias Bossaerts. Il est parti jeune à City mais le voilà revenu à Ostende. Il peut avoir un avenir en équipe nationale, mais, pour cela, il faut avoir la mentalité adéquate. Chaque année, de grands talents s’exilent. Il faut lutter contre cela."
Mais de nombreux Diables ont été formés ou post-formés aux Pays-Bas ou en France...
"C’est parce qu’à l’époque, nos clubs n’avaient pas encore compris à quel point il fallait investir dans nos jeunes. Ceux-là ont bien fait de partir. Maintenant, la donne a changé et les centres de formation belges ont tout ce qu’il faut..."
Y a-t-il beaucoup de talent dans les générations suivantes ?
"Oui, il y a de vraies qualités chez les plus jeunes. Ce n’est pas un hasard si, à 18 ans, Wout Faes s’est entraîné avec les Diables cette semaine. Et regardez l’équipe Espoirs : c’est du costaud ! Je suis persuadé qu’ils vont se qualifier pour l’ Euro . Par contre, c’est difficile de dire si la génération suivante sera aussi bonne que celle-ci. Il est trop tôt. Mais le talent, on l’a, c’est certain. Roberto Martinez sera le premier à vous le dire: en débarquant il connaissait déjà très bien nos talents de moins de 16 ans..."