Bernard Lama: "Cette Belgique me fait penser à la France de 1998"
Bernard Lama pointe les Diables Rouges comme l’un des favoris au prochain titre de Champion d’Europe. Rencontre avec une légende.
- Publié le 07-06-2015 à 12h10
- Mis à jour le 07-06-2015 à 19h47
Bernard Lama pointe les Diables Rouges comme l’un des favoris au prochain titre de Champion d’Europe. C’est au cours de la récente soirée de remise du Soulier d’ébène que nous avons rencontré Bernard Lama. Malgré son statut de champion du monde avec la France en 1998 et de champion d’Europe en 2000, le gardien de but est resté humble. Accessible et disponible, il prend le temps de livrer son avis sur chaque question. Bien loin du football hyper formaté de nos jours…
Lorsqu’on lui parle du derby de dimanche, celui qui a été élu meilleur gardien de l’Euro 1996 souligne directement les grandes qualités de notre équipe nationale. "La Belgique est évidemment l’une des nations mondiales avec le plus grand potentiel ! En fait, vous me faites penser un peu à la France en configuration 1998. Vous disposez de jeunes joueurs qui ont su s’imposer dans des clubs de pointe. Dès qu’ils rentrent au pays, ces expatriés apportent leur vécu et leur expérience au reste du groupe… même s’il n’y a évidemment plus beaucoup d’internationaux qui jouent encore en Belgique. Ce qui était aussi notre cas en 1998. Cette expérience internationale tire tout le monde vers le haut. Et puis, si on avait Zidane, vous avez Hazard ! De l’extérieur, on sent également que votre équipe nationale forme un véritable bloc. Les joueurs aiment passer du temps ensemble. C’est ce qui faisait aussi notre force en 1998. Je me retrouve un peu dans le formidable esprit d’équipe qui transpire de cette génération…"
Lama avance également un autre argument en faveur des Diables. "La France de 1998 n’était pas une équipe extraordinaire du point de vue du jeu proposé. Par contre, j’ai vu d’excellents matches de la part de la Belgique… à part durant la Coupe du monde !"
Voilà donc un point à travailler, aux yeux de Bernard Lama, afin que la Belgique soit véritablement un candidat aux lauriers finaux dans un an. "Gagner un Euro est très difficile, peut-être encore plus qu’une Coupe du monde ! Malgré une moindre qualité de jeu, votre jeune génération a pris de la confiance au Brésil. Cela se ressent lors de votre parcours en phase de qualification. Oui, je pense que vous serez candidats à la finale en 2016. D’autant plus qu’avec la passion qui entoure votre équipe, vous jouerez vos matches à domicile."
Bernard Lama salue également la formidable progression de la Belgique depuis les années 2000, où elle a touché le fond. "En 1982, je me souviens que le foot belge était encore supérieur au français. Nous avons comblé notre retard et construit nos succès grâce aux centres de formation. C’est sûr que la Belgique s’est retrouvée dans le trou pendant 10 ans, mais cela a permis à tout le monde de se remettre en question. Bien sûr, le championnat belge ne peut pas suivre économiquement les grands championnats voisins. Mais votre pays est devenu une véritable pouponnière de talents ! Il y a énormément de qualité chez vous; c’est grâce au travail effectué à la base. Je crains que les clubs belges ne pourront plus jamais suivre le rythme sur la scène européenne. Mais si cette formation de pointe vous permet d’avoir une très bonne équipe nationale, vous auriez tort de ne pas en profiter et vous en réjouir !"
Diambars, usine à champions
Lorsqu’il a stoppé sa carrière en 2001, Bernard Lama s’est directement impliqué dans l’association Diambars, qu’il avait fondée quelques années plus tôt. Diambars signifie champion en wolof et sert à promouvoir l’éducation à travers le football. "Diambars est une école de vie, une école de la deuxième chance" , dit Bernard Lama. "Former des footballeurs, tout le monde sait le faire. Mais former des hommes, c’est le vrai objectif de Diambars… Au Sénégal, on a récupéré grâce au foot des garçons qui vivaient dans la rue. Dans quelques jours, ils passeront leur diplôme alors qu’ils ne savaient même pas écrire quand ils sont arrivés ici ! Aujourd’hui, c’est ça ma plus grande fierté…"
C’est son parcours dans les centres de formation français qui a décidé Bernard Lama à s’impliquer une fois sa carrière terminée. "Tout au long de mon parcours de footballeur, de nombreuses personnes se sont occupées de moi. Maintenant, c’est moi qui ai envie de m’occuper des autres et de transmettre…"
Il a remis le Soulier d’ébène à Neeskens Kebano
Lorsqu’on pense à Bernard Lama, on pense forcément au PSG. Il était donc logique que le gardien emblématique du club parisien remette à Neeskens Kebano le trophée du Soulier d’ébène … "Je connais forcément Neeskens" , dit Lama, qui était l’une des idoles du meneur de jeu carolo . "Il a opté pour la Belgique afin d’obtenir du temps de jeu; je pense qu’il a eu raison. Car un footballeur qui ne joue pas, c’est un footballeur qui ne peut pas montrer ce dont il est capable ! Et même si son temps de jeu y a été limité, tout le monde ne signe pas pro au PSG ! C’est la preuve qu’il a reçu une excellente formation. La seule chose qu’on ne peut pas enlever à un homme, c’est le rêve. En remettant le trophée à Neeskens, je lui ai dit de continuer à rêver de prix et de trophées. C’est la seule chose qui peut encore le faire avancer…"
Kebano a posé une question exclusive à Lama : "Qu’est-ce que Yannick Noah a fait avec vous en stage avant la finale de Coupe d’Europe 1996 ?"
Et Lama de répondre : "On venait de perdre le championnat de France alors qu’on possédait 13 points d’avance à la trêve. C’était donc le bordel dans le vestiaire et Michel Denisot a eu l’idée d’appeler Yannick Noah à la rescousse. C’était comme un grand frère et on est parti en stage dans le Sud de la France. On a beaucoup parlé, et même un peu guindaillé. Il nous a rassurés…"
Et le PSG a gagné ! La victoire 1-0 face à Vienne est d’ailleurs considérée comme l’une des plus belles de l’histoire du club.