Comment se font les transferts? Un avocat du foot belge explique tout en huit points
Les règles, la pratique, les dérives, les commissions de 7 à 15 %.
- Publié le 13-10-2018 à 07h38
- Mis à jour le 13-10-2018 à 14h45
Les règles, la pratique, les dérives, les commissions de 7 à 15 %.
Quelles sont ces rétrocommissions au centre du scandale, ces commissions cachées et ces primes occultes versées aux joueurs ? Cet avocat, très connu dans le foot belge, a supervisé des dizaines de transferts en D1. Il a toutefois souhaité garder l’anonymat. Ce qu’il dit est valable pour tous les clubs de D1.
Songeant à Laurent Denis, il explique pourquoi ses confrères peuvent être abusés par les clubs et/ou les agents et ne pas être au courant du dessous des cartes. Et pourquoi certaines commissions sont légales et pas d’autres.
L’enquête pénale porte sur ces dernières : l’argent versé en black.
1. C’est soit l’agent du joueur qui prend l’initiative : "Vous cherchez un attaquant ? Je vous propose celui-ci ", soit le club, et au sein du club, le binôme manager-entraîneur.
2. Les choses sérieuses en vue du transfert commencent quand émerge le nom d’un joueur. Celui-ci étant habituellement sous contrat, les démarches de club à club impliquent les managers. "Untel nous intéresse, êtes-vous disposés à le vendre ou le louer, et à quel prix." Une grande règle : un joueur est toujours plus cher en début qu’en fin de contrat. Pour rappel, les contrats sont toujours à durée déterminée depuis l’Arrêt Bosman (1995). En début de contrat du joueur, le club vendeur est en position de force. C’est l’inverse, en fin de contrat.
3. Le problème est qu’on voit désormais souvent les clubs prendre d’abord contact avec le joueur et le tâter à l’insu du club, puis seulement approcher son club. La manœuvre, qui fausse le jeu, permet au club acheteur de faire pression sur le club vendeur. Le joueur convoité fixe ses ambitions (salaire et statut - garantie d’être titulaire - et pas réserviste, etc.).
4. En cas d’accord du club vendeur, les négociations financières commencent. L’agent du joueur remplit un rôle de facilitateur : le montant de sa commission en dépendra.
5. C’est alors seulement, sauf exception, que les avocats des deux clubs entrent en lice. Leur rôle est de rédiger les contrats du transfert, contrats de club à club et de club à joueur. L’avocat s’assure que les conditions requises sont satisfaites : affiliation du joueur, agréation de l’agent du joueur, calcul du montant à verser au club ayant formé le joueur, etc.
6. L’agent du joueur peut enfin négocier sa commission. Les avocats ne sont plus présents. Dans le foot belge, elle oscille entre 7 et 15 %. Les agents de joueurs étrangers prennent davantage.
7. Vient, alors, la toute grande question : l’agent rétrocède-t-il une partie de sa commission ? C’est le nœud de l’enquête en cours. Sont illégales les rétrocessions en black aux clubs, aux managers et autres dirigeants, aux joueurs et aux courtiers eux-mêmes. Ce sont ces rétrocommissions cachées que la justice traque en ciblant Mogi Bayat, l’agent de joueur le plus influent du championnat belge, Mejatti et Velkovic. Un éventuel circuit de constructions financières mises en place pour manipuler les transferts, cacher les commissions et permettre à ceux qui sont dans la combine de maximaliser chaque transfert à leur profit.
8. La libération rapide de Van Holsbeeck est le signe que l’ancien manager d’Anderlecht n’a pas failli et que le club ni les joueurs, n’étaient au courant. "Le juge d’instruction n’aurait pas libéré Van Holsbeeck s’il avait le plus infime doute. S’il y a eu des constructions, celles-ci sont restées inconnues du club. Van Holsbeeck n’est pas inculpé et, sauf fait nouveau, ne le sera pas. Il ne sera pas poursuivi."
Vingt-deux personnes, hier, ne pouvaient pas en dire autant.