Comment les Red Flames peuvent s’inspirer de la réussite hollandaise ?
L’équipe nationale des Pays-Bas connaît une progression fulgurante.
- Publié le 06-07-2019 à 08h16
- Mis à jour le 06-07-2019 à 11h55
L’équipe nationale des Pays-Bas connaît une progression fulgurante. Trois Euros et deux Mondiaux disputés, un titre et une finale. Ce ratio victoires/occasions digne de Vivianne Miedema, la meilleur buteuse de la sélection néerlandaise, est celui des Oranje de Sarina Wiegman. Il n’aura fallu que dix ans aux Pays-Bas pour passer de nation perdue au milieu des Allemandes et des Scandinaves à géant du foot européen.
Mais comment expliquer une montée en puissance aussi rapide ? D’abord par la création de la première division féminine en 2007, qui a permis aux footeuses d’évoluer dans des conditions plus pros. "Au lieu de s’entraîner deux fois par semaine, les joueuses avaient des séances presque quotidiennement, et surtout à un niveau supérieur", explique Mayke Wijnen, journaliste néerlandaise qui a suivi la progression des Leeuwinnen.
Malheureusement, le championnat n’a jamais vraiment décollé (voir plus bas), et ne permet toujours pas aux joueuses de se concentrer à temps plein sur leur carrière sportive.
Mais deux ans plus tard, nouvelle date charnière : les Néerlandaises de Vera Pauw (voir plus bas) se qualifient pour la première fois pour un grand tournoi… et atteignent directement les demi-finales, offrant un beau coup de projo à l’équipe nationale. Fatalement, la KNVB, la fédé de nos voisins, planche sur un vrai plan permettant de développer un football à la hollandaise, plus léché et basé sur la passe et le sacro-saint 4-3-3.
Pauw, qui fut sélectionneuse de 2004 à 2010, donne d’autres éléments de réponse au NRC Handelsblad. "Dès le début des années 1990, on a mélangé les garçons et les filles le plus longtemps possible. Cela a amélioré le niveau de jeu du côté féminin. Aussi, un Plan Jeunesse a été mis sur pied pour mieux repérer les talents."
Si la mixité a un temps été laissée de côté, elle a récemment été remise au goût du jour chez les jeunes par la KNVB, qui ajoute que toutes les internationales actuelles ont débuté face aux garçons (à l’exception de Shanice van de Sanden). " J’ai appris énormément en jouant avec eux et je ne serais pas devenue aussi bonne si cela n’avait pas été le cas", expliquait de son côté Lieke Martens, qui s’est mesurée aux gars jusqu’à ses seize ans.
Meilleure détection des talents, académies plus structurées (les clubs de l’élite doivent par exemple obligatoirement dispenser cinq entraînements par semaine à la section féminine et mettre sur place une team espoirs), meilleures infrastructures, mixité, investissements conséquents (les joueuses séjournent désormais dans les mêmes hôtels que les hommes et disposent de leur propre cuistot) le football oranje a parfaitement capitalisé sur l’engouement suscité par les résultats de son équipe nationale, menée par Pauw, puis Wiegman (depuis 2017). Les joueuses ont ainsi pu s’améliorer, partir à l’étranger, où le niveau est supérieur, et surtout prendre du galon au niveau européen… et mondial.
L’Euro 2017, disputé à domicile avait rameuté les foules, y compris devant les écrans. Pareil en France, où le public orange s’est fait entendre, de Valenciennes à Lyon. "Aujourd’hui, les filles savent qu’il est possible de jouer au football, car les équipes féminines sont nettement plus visibles", poursuit notre consœur. "Avant, le rêve des petites filles, c’était d’être Beckham ou Ronaldinho. Aujourd’hui, elles veulent devenir Martens ou Miedema."
“On doit s’inspirer des Néerlandaises”
En Belgique aussi, l’UB tente de professionnaliser le squad féminin. "Depuis 2013, les Red Flames ont leurs propres identité, surnom et logo. Cela a tout changé", expliquait en 2018 Katrien Jans, membre de la fédé. Trois ans plus tard, ce qui reste le seul et unique foot-élite pour les filles ouvre ses portes à Liège. Le but est d’améliorer les conditions d’entraînement afin d’aider les ados à atteindre le top. Mais les Flames comptent aussi sur des talents déjà formés comme Janice Cayman (Lyon) ou Tessa Wullaert (City) pour permettre à la Belgique de franchir un cap et de se qualifier régulièrement pour les phases finales.
À noter que depuis 2015, notre sélection a connu une croissance constante au classement Fifa, passant de la 28e à la 20e place, avec au passage une qualif’ pour l’Euro 2017, une première dans leur histoire. "Il y a eu un avant et un après 2017", explique Cayman. "Nous sommes davantage reconnues, notamment par le public, nos matchs sont diffusés et on est invitées à la télé." La néo-Lyonnaise ajoute que le succès oranje doit déteindre sur les Belges. "Les Flames doivent s’en inspirer. Nos voisines sont la preuve que tout peut changer très vite et que le talent et le travail sont les clés du succès."
Sélection au top, championnat en rade
Alors que la théorie voudrait qu’une équipe nationale forte se base sur un championnat compétitif, les Pays-Bas constituent une véritable anomalie. Car leur compétition domestique reste loin derrière les mastodontes européens que sont les championnats allemand ou français. La faute à une certaine instabilité, à cause de clubs qui se lancent dans l’aventure, avant de finalement se retirer faute d’argent, ou de formules qui changent sans cesse. “L’avenir de l’Eredivisie est trop incertain”, répondent des sponsors quand on leur demande le pourquoi de ce manque d’intérêt. Ironiquement, la grande réussite de la sélection aurait également tendance à phagocyter l’attention sur les internationales, au détriment des clubs.
Ellen Jansen est l'une des rares Oranje à évoluer aux Pays-Bas.
Si la KNVB a réussi sa transition au niveau des Oranje, il reste donc à stabiliser une compétition qui peut prendre l’aspiration des finalistes mondiales. Problème, la fédé n’investit que 50 000 euros par an et par club (!), leur laissant le soin de faire le reste. “En Angleterre, la FA a fait les deux : mettre de l’argent sur l’équipe nationale ET sur le championnat”, rappelle Mayke Wijnen. “Résultat, les Anglaises restent chez elles.” Et accueillent les Néerlandaises, comme la médiane Danielle van de Donk (Arsenal), par exemple. À l’heure actuelle, un seul club batave a réussi à se hisser en quarts de la Ligue des champions et seules cinq joueuses retenues pour le Mondial évoluent au pays. C’est peu.
Vera Pauw et Sarina Wiegman, les architectes
Deux noms ressortent lorsqu'on analyse la folle épopée oranje. Ceux de Vera Pauw et de Sarina Wiegman. La première est une véritable pionnière, elle qui avait été la première femme à décrocher le diplôme de coach délivré par la fédération néerlandaise. Après avoir raccroché en 1998, l'ancienne défenseuse intègre le staff de l'Écosse, avant de devenir sélectionneuse de son pays dès 2004. C'est sous son commandement que les Leeuwinnen atteignent le tableau final et le dernier carré de l'Euro 2009 pour la première fois de leur histoire. Elle militera activement pour la mise en place d'un championnat féminin digne de ce nom. " J’ai seulement démoli les murs parce que d’autres ne l’avaient jamais fait pour moi ", dit-elle à propos de son travail.
Sarina Wiegman, sélectionneuse néerlandaise depuis 2017.
Un taf dont Sarina Wiegman ramasse les lauriers aujourd'hui. La vie de cette ex-numéro 6 change lorsqu'elle débarque aux USA. "Aux États-Unis, j’ai vu que le football pour les filles était considéré comme normal. Et de retour chez moi, je n’ai eu de cesse de changer les mentalités", explique-t-elle. Elle y parvient au fil des matches, en remportant l'Euro 2017 à la surprise général pour une équipe relativement inexpérimentée, et en atteignant la finale de ce Mondial 2019 qui va peut-être (sans doute ?) tout changer. "Maintenant, chaque petite fille en Hollande sait qu’il y a une équipe féminine", s'enthousiasmait Lieke Martens au site Player's Tribune. Tout cela grâce aux joueuses, mais aussi à Pauw et Wiegman, celles qui ont ouvert les portes.