Bayat lâche des vérités sur Wilmots: "Il m’a dit que les Diables ont été surestimés"
Nouvel homme fort de l’Union belge, Mehdi Bayat réfute le constat de l’ex-sélectionneur : "Pourquoi la petite Belgique ne pourrait-elle pas dire qu’elle veut être championne du monde ?"
- Publié le 09-06-2017 à 07h07
- Mis à jour le 09-06-2017 à 07h18
Nouvel homme fort de l’Union belge, Mehdi Bayat réfute le constat de l’ex-sélectionneur : "Pourquoi la petite Belgique ne pourrait-elle pas dire qu’elle veut être championne du monde ?" En coulisses, Mehdi Bayat est devenu l’un des hommes importants dans la gestion des Diables. Exemple samedi dernier à Tubize : plusieurs joueurs menaçaient de ne pas participer aux actions commerciales du lendemain, pour une question de droits d’image. Le dirigeant était intervenu pour gagner du temps. Il a accepté de longuement se confier sur son rôle à l’Union belge et sur les dossiers chauds de la Fédération.
Quelles étaient vos intentions pour les Diables Rouges quand vous avez intégré, en même temps que Bart Verhaeghe, la Commission technique ?
"Notre première mission a été de mettre en place une nouvelle structure de gestion autour des Diables. C’est ce qui s’est fait avec le recrutement de Roberto Martinez, Thierry Henry et les autres membres du staff. L’objectif, c’est de créer les meilleures conditions possibles pour que le sélectionneur fasse de meilleurs résultats que lors des derniers tournois. Il ne faut pas avoir peur de le dire : on doit insuffler dans cette équipe un état d’esprit de gagnant qui nous permettra de remporter un trophée."
Roberto Martinez vous a séduit en déclarant que les Diables pouvaient gagner la Coupe du Monde en Russie. Est-ce réaliste d’avoir une telle ambition ?
"Oui. À l’époque, j’ai eu une discussion avec Marc Wilmots et il m’a clairement dit qu’on était arrivé aux limites de cette équipe, qu’on l’avait surestimée. Je ne suis pas d’accord. Je lui ai d’ailleurs répondu qu’il fallait être conscient de la qualité que nous avons dans nos mains. C’est à nous, ensuite, de la mettre dans les meilleures conditions pour lui faire prendre conscience qu’elle peut gagner ! Si aujourd’hui, un richissime président de club veut acheter tous les Diables Rouges, combien devra-t-il mettre sur la table ? On va dépasser le milliard d’euros. Très peu d’équipes nationales dans le monde ont cette valeur. Pourquoi ces équipes-là auraient le droit de dire qu’elles veulent gagner la Coupe du Monde et que nous, petite Belgique, nous n’en aurions pas le droit ? Ce serait un exploit extraordinaire mais on doit être ambitieux. Parce qu’on a des joueurs qui font partie des meilleurs de la planète. Mais une équipe qui gagne, ça se construit, ça se prépare. Voilà vers quoi sont dirigés nos efforts."
Dans ce processus de construction d’équipe capable d’aller au bout dans un grand tournoi, est-on aussi avancé que prévu ?
"Évidemment que nous sommes dans les temps. Il faut tenir compte du contexte. Pour Martinez, c’est très compliqué de mettre en place ce qu’il veut faire. Dès qu’il a fait quelque chose de bien, il doit attendre plusieurs mois avant de retrouver son groupe. C’est probablement frustrant pour lui et c’est à nous de le soutenir. Voilà pourquoi les matches amicaux sont importants. Certains ont l’impression qu’il faudrait à chaque fois du football champagne. Mais un amical permet à un sélectionneur de tester, de voir et de comprendre nos défauts et nos failles. Cela permet de préparer la suite de notre campagne de qualification, mais aussi et déjà les matches du Mondial. La Fédération doit donc être là pour préserver Roberto Martinez et le groupe des pressions extérieures. Chacun a son rôle à jouer dans cet objectif commun : aller gagner quelque chose."
"On a fait une erreur de communication, mais on a rétabli le dialogue"
Après bientôt un an au sein de la Commission technique, il reste plusieurs chantiers importants à régler pour Mehdi Bayat et consorts.
"En arrivant, nous avons récupéré de l’actif - il ne faut pas tout jeter à la poubelle - mais il y avait aussi du passif et des mauvaises choses. Comme ce dossier des primes, dont on a beaucoup parlé ces derniers temps. Il y a énormément de désinformation dans la presse sur ce sujet."
Comment en est-on arrivé à cette situation ?
"Il y a eu, au départ, une erreur de communication par rapport aux joueurs. La manière dont on a amené les choses n’était pas forcément la meilleure. La situation a été difficile. Mais aujourd’hui, on a rétabli le dialogue. C’est comme ça que je fonctionne en club et c’est ce qu’on essaie de mettre en place avec les Diables. On a décidé, main dans la main, de nous fixer un délai (NdlR : de trois mois) pour aplanir les choses, sans prendre personne en otage."
Quels sont les autres éléments de ce passif auxquels vous avez été confrontés ?
"En analysant ce qui s’était passé lors de l’ Euro français, Bart Verhaeghe et moi avons vraiment senti qu’il y avait eu une séparation entre deux mondes au sein d’une seule et même Fédération. Avec d’un côté, la Fédération dans son rôle administratif et bureaucratique et de l’autre, les joueurs et le staff technique. Aujourd’hui, il n’y a plus cette séparation. On peut parler d’un nous à la Fédération. À tous les étages. Les professionnels doivent aussi mettre la main dans le cambouis pour aider les amateurs et solidifier la base de notre football national."
Quels sont les autres grands chantiers de l’Union belge ?
"Continuer à développer le centre de Tubize, qui est un outil extraordinaire. Roberto Martinez est d’accord avec nous. Il n’était pas utilisé jusqu’à l’an dernier. L’ancienne Commission technique n’y croyait pas trop… Pourtant on doit faire de ce centre une référence mondiale ! Il va nous aider à promouvoir le football belge. Je vois aujourd’hui des délégations chinoises débarquer pour essayer de comprendre comment la Belgique peut avoir une équipe nationale aussi performante. Ce rayonnement sur le plan international profitera à tout le football belge, des pros aux amateurs."
"Je ne peux pas m’empêcher d’être à fond : c’est fatigant"
"Je serais bien venu en Estonie mais je me devais de rester à Charleroi : la saison reprend dans deux semaines et cela me donne beaucoup de travail."
Cette phrase résume le quotidien professionnel très chargé du dirigeant…
Qu’est-ce qui vous a poussé à prendre des responsabilités au sein de l’Union belge ?
"Après avoir repris Charleroi en 2012, je me suis positionné tout doucement au sein de la Pro League . Là, j’ai montré à tout le monde que j’avais une vision qui n’était pas égoïste, que du contraire. Exemple avec les droits télé : si on veut les faire monter, on ne doit pas seulement compter sur deux ou trois grands clubs. C’est tout le championnat qui doit avoir un meilleur niveau. J’ai ensuite été un peu poussé vers l’Union belge. Je me suis mis à la disposition de la Fédération en proposant des idées qui pouvaient apporter de la jeunesse et de la fraîcheur. Mais je ne voulais rien forcer, ça devait se faire dans une volonté commune."
Pourquoi avez-vous intégré la Commission technique ?
"En tant que vice-président Bart Verhaeghe avait la légitimité pour remplacer Philippe Collin. Il m’a demandé de l’accompagner. Tant mieux, car nous sommes très complémentaires. Il est néerlandophone, je suis francophone. Nous gérons avec une certaine réussite deux clubs avec des business models très différents. Au fil de notre travail quotidien, j’ai appris à apprécier Bart Verhaeghe."
Comment gérez-vous, au quotidien, l’accumulation de vos fonctions à Charleroi et à la Fédération ?
"Je vous avoue que c’est très compliqué, peut-être plus que je ne l’avais imaginé. Parce que quand je me lance un dossier, j’ai du mal à me canaliser et à n’y attribuer qu’un certain laps de temps. Je ne peux pas m’empêcher d’aller au fond des choses. Évidemment, Charleroi reste mon bébé et j’essaie dans le même temps de remplir du mieux que je peux mes fonctions à la Fédération. Tout cela, c’est parfois fatigant mais j’essaie d’être moi-même et de me rendre utile comme je peux."